— Il avait l’air content, dit Zakra. Il m’a dit que bientôt nous irions en Ukraine. Il a donné plusieurs coups de téléphone là-bas.
La présence de Zakra à ce rendez-vous inquiétait Malko. Cela ne pouvait avoir qu’une seule signification. Sakharov connaissait son double jeu et avait décidé de l’éliminer en même temps que Malko…
Il descendit Ostrom utça, puis fila jusqu’au pont Margit, rejoignant la voie sur berge allant vers le nord. Peu de circulation. A cet endroit, le Danube se divisait en deux bras, séparés par l’île Margit. Un kilomètre plus loin, les voitures remontaient par une rampe jusqu’à Nepfurdô utça.
— Ne prends pas la rampe, continue tout droit, dit Zakra.
Le ruban asphalté s’arrêtait, laissant place d’abord à des pavés, puis à un sol inégal. Un espace long de quelques centaines de mètres, coincé entre le fleuve et un mur. Les phares de Malko éclairèrent un restaurant fermé. Une baraque de bois qui semblait abandonnée.
— C’est là, annonça Zakra.
Il fit demi-tour avant de couper le contact afin d’être prêt à repartir. L’endroit était absolument désert, à part deux poids lourds cent mètres plus loin. C’était un cul-de-sac et la végétation, derrière la baraque, était trop clairsemée pour qu’on puisse s’y dissimuler. D’où pouvait venir le danger ? Il approcha sa montre de sa bouche et demanda en allemand :
— Vous m’avez repéré ?
— Affirmatif, répondit aussitôt une voix anonyme, le dispositif est en place. Zakra ouvrit de grands yeux.
— Qu’est-ce… ?
— Nous ne sommes pas seuls, expliqua Malko. Je suis certain que ce rendez-vous est un piège. Plusieurs unités de la police hongroise nous protègent en ce moment.
— La police…
— Oui, ne crains rien.
Dix heures moins dix, Malko avait beau se creuser la tête : à part une attaque frontale qui serait contrée aussitôt par les policiers hongrois, il ne voyait pas en quoi pouvait consister le guet-apens.
Soudain, un pinceau lumineux se détacha de la file de voitures qui empruntaient la rampe sur Nepfurdô, et prit la direction de l’endroit où il se trouvait.
Le pouls de Malko monta brutalement.
La voiture approchait en cahotant sur le sol inégal. C’était la Mercedes de Pavel Sakharov. Elle stoppa à une dizaine de mètres et le Russe en sortit. Il adressa un geste amical à Malko, lui faisant signe de le rejoindre. La main crispée sur la crosse de son pistolet extra-plat, Malko avança vers lui. D’où allait venir le coup ?
Chapitre XVIII
Pavel Sakharov tendit la main à Malko, un léger sourire de bienvenue sur ses traits figés.
— Venez à l’intérieur de ma voiture.
Il n’y avait que le chauffeur au volant, large comme un siège et demi. Malko s’installa à côté du Russe, toujours sur ses gardes. Les policiers hongrois qui l’observaient devaient se demander ce qui se passait. Pavel Sakharov prit par terre un attaché-case noir de mauvaise qualité — un « diplomat » visiblement de fabrication soviétique — et l’ouvrit. Malko aperçut des petits lingots plats enveloppés de feuilles d’aluminium. Pavel Sakharov en prit un et le lui fit soupeser. C’était un peu plus lourd que du plomb.
— Il vous sera facile de vérifier avec un spectrographe qu’il s’agit bien de plutonium 239, dit le Russe, il y en a six kilos. J’attends votre virement de soixante millions de dollars demain. La prochaine livraison aura lieu dans trois jours au plus tard. Je vous fixerai l’endroit. Passez une bonne soirée.
Ainsi, les Iraniens payaient le plutonium 239 dix millions de dollars le kilo, près de vingt fois le prix officiel de 545 000 dollars.
Il tendit l’attaché-case à Malko qui sortit de la Mercedes, encore abasourdi. Toutes ses hypothèses s’effondraient. Il parcourut comme un somnambule les quelques mètres le séparant de sa voiture où l’attendait Zakra. N’arrivant pas à réaliser qu’il avait à la main six kilos de plutonium 239. Presque de quoi fabriquer une bombe thermonucléaire.
La Mercedes de Pavel Sakharov avait déjà fait demi-tour et venait de remonter la rampe. Il n’y avait plus qu’à faire démériter le dispositif policier.
— Tout s’est bien passé, annonça-t-il dans son micro-montre, je n’ai plus besoin de vous.
— Où allons-nous ? demanda Zakra.
— Faire la connaissance du monsieur qui te délivrera ton passeport, annonça Malko.
Alan Spencer était littéralement figé par la stupéfaction. Il défit avec précaution le papier d’aluminium enveloppant un des lingots et leva les yeux vers Malko. A première vue, c’était bien du plutonium. La couleur, la dureté, le poids et la chaleur en émanant collaient.
— Vous êtes sûr que ce n’est pas une arnaque ?
— Nous ne l’avons pas payé, remarqua Malko. Et vous allez le vérifier très vite, n’est-ce pas ?
Zakra, enveloppée dans sa pelisse, observait les deux hommes, très impressionnée. Malko avait présenté Alan Spencer comme un haut fonctionnaire de l’ambassade américaine. L’Américain, absorbé par le plutonium, avait à peine jeté un coup d’œil à la jeune Kirghize. Il s’ébroua après avoir remis le lingot dans l’attaché-case, le maniant comme si c’était de la porcelaine.
— Comment expliquez-vous cela ? demanda-t-il, après avoir entraîné Malko dans son bureau, abandonnant Zakra dans le salon.
— J’avoue que je suis stupéfait, répliqua Malko. Je ne vois que deux explications. Ou les Iraniens n’ont toujours pas appris la mort d’Ishan Kambiz et lui ont donc donné le feu vert pour continuer l’opération avec moi. Ou, Sakharov se dit que je représente des concurrents, mais, comme je paie, il me vend. Dans ce cas, nous avons une chance de récupérer tout le plutonium en le payant avec les dollars des ayatollahs.
— Bien, je vais le mettre au coffre de l’ambassade jusqu’à demain, proposa Alan Spencer. Ensuite, je vais faire mon rapport. Nous avons trois jours pour réfléchir sur la conduite à tenir.
— Et moi, dès demain matin, compléta Malko, je vais virer son argent à Pavel Sakharov.
Ils regagnèrent le salon et il prit congé de Spencer, après avoir récupéré Zakra. La jeune femme ne tenait plus en place.
— C’est vrai qu’il va me donner un passeport ?
— C’est vrai, confirma Malko. Elle se serra contre lui, fondante comme un bonbon au miel.
— Viens vite, j’ai envie de te remercier.
Les deux mains agrippées à la tête du lit, Zakra recevait les assauts de Malko, ponctuant chaque coup de reins d’un feulement rauque. Tout le lit en était ébranlé. La perspective de son passeport américain l’avait déchaînée encore plus que d’habitude. Ils avaient commencé dans l’ascenseur et il l’avait prise a même le mur dans sa pelisse d’astrakan.
Elle n’avait gardé que ses escarpins et des bas noirs opaques et brillants qui montaient très haut sur ses interminables jambes.
— Attends, demanda-t-elle entre deux soupirs. D’une reptation gracieuse, elle glissa à terre et s’étendit à plat ventre sur la pelisse d’astrakan avec un demi-sourire provocant. Malko s’agenouilla derrière elle et la croupe de Zakra monta lentement vers lui, en une invite muette. Et pour bien préciser ce qu’elle désirait, elle empoigna son membre et le plaça exactement là où elle voulait. Malko sentit l’anneau de ses reins palpiter contre lui. C’était comme une multitude de petites brûlures délicieuses… Il commença à violer lentement l’étroite ouverture, millimètre par millimètre, savourant. Puis Malko, ne voulant plus se retenir, s’enfonça sauvagement de toute sa longueur. Zakra hurla à la mort. Pas de douleur. Sa croupe s’était mise à danser une sarabande effrénée, à tel point que Malko avait toutes les peines du monde à ne pas se laisser désarçonner. Ses deux mains crispées sur les hanches de Zakra, il continua à la chevaucher sauvagement. Elle criait, gémissait, se retournait pour l’embrasser en se tordant le cou, égrenant des mots incompréhensibles. Quand les coups de reins accélérés de Malko lui indiquèrent l’imminence de son plaisir, elle se mit à délirer carrément.