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— Viens, tue-moi, fais-moi éclater ! Plus fort ! Elle se démena sous lui jusqu’à la dernière seconde, retombant ensuite épuisée. Elle quitta Malko tard dans la nuit, lui promettant de l’appeler avant le prochain rendez-vous.

— N’oublie pas mon passeport, réclama-t-elle gentiment.

Elle l’avait vraiment mérité.

* * *

Deux jours sans rien. Le plutonium 239 avait pu être testé à Budapest par une équipe américaine, venue de Francfort, qui avait confirmé sa qualité. Après de multiples échanges avec Langley, la CIA avait arrêté sa politique. Prendre livraison du plutonium et arrêter ensuite Pavel Sakharov à la dernière livraison. Les Hongrois commençaient à se faire de plus en plus pressants, se demandant ce que les Américains tramaient dans leur dos. Ça allait être dur de tenir jusqu’au bout.

Malko venait de se raser lorsqu’on glissa un papier sous sa porte. Il l’ouvrit trop tard pour voir celui qui l’avait déposé. Le message était très bref : Demain, même heure, même endroit.

Pavel Sakharov avait bien reçu l’argent viré la veille…

Immédiatement, Malko alerta Alan Spencer, afin de mettre en place à tout hasard la protection policière. Il était un peu inquiet de ne plus avoir de nouvelles de Zakra, mais le Russe préférait peut-être la laisser à l’écart des choses importantes.

* * *

Le lieu du rendez-vous était toujours aussi désert. Comme trois jours plus tôt, la police hongroise veillait sur Malko à distance. Il arrêta sa voiture quelques minutes avant dix heures en face du restaurant fermé, à côté d’une voiture dissimulée sous une bâche. Malko, intrigué par cette voiture, alla l’inspecter pour voir s’il y avait quelqu’un à l’intérieur. Les policiers avaient peut-être pensé à ce truc pour observer de plus près la transaction… et, éventuellement intervenir plus vite.

Il souleva la bâche par l’avant et vérifia que le véhicule était vide. Il s’agissait d’une Lada 1500 grise à la peinture en mauvais état. En remettant la bâche en place, il dut s’appuyer sur le capot et un jet d’adrénaline faillit lui faire exploser les artères.

Ses yeux cherchèrent le cadran de sa montre qui indiquait dix heures pile. Pendant une fraction de seconde, il demeura paralysé, puis son cerveau se remit en route.

Il se précipita vers le Danube, dans lequel il plongea, tête la première, tandis qu’une voix anxieuse sortait du récepteur caché sous le manteau de Malko et demandait :

— Qu’est-ce qui se passe ? Répondez ! Répondez !

Malko, empêtré par son manteau et le gilet pare-balles, avait toutes les peines du monde à ne pas couler à pic dans l’eau glacée du fleuve. Il se sentait déjà engourdi par le froid.

Une explosion assourdissante brisa soudain le silence. La nuit fut illuminée brièvement par une énorme lueur rouge qui venait de l’endroit où se trouvait Malko quelques instants plus tôt. Un nuage de particules enflammées passa au-dessus de sa tête, retombant dans les eaux sombres du Danube, un peu plus loin… S’il était resté sur le quai, Malko aurait été tué instantanément, grillé comme un poulet par le souffle à 2000°. Sans parler de l’onde de choc et des débris de la voiture.

La Lada était piégée. Malko s’en était aperçu accidentellement en touchant son capot : il était chaud… Son intuition et son habitude des terroristes avaient fait le reste. Malko aperçut deux gyrophares qui se rapprochaient à toute vitesse. Il fit passer son pistolet de la poche de son manteau à sa ceinture et se débarrassa du vêtement trempé puis du gilet pare-balles. La première voiture de police s’arrêta sur le quai à une dizaine de mètres de lui, bientôt rejointe par deux autres, et un policier braqua un projecteur orientable dans sa direction. Malko entendit un bruit de moteur dans son dos : un hors-bord fonçait sur lui, venant de l’île. La police hongroise avait bien fait les choses. Il était à bout de souffle quand un petit dinghie lui fut lancé du hors-bord. Immédiatement deux hommes-grenouilles sautèrent à l’eau et vinrent le soutenir à la surface. Il fallut quand même encore dix minutes d’efforts avant qu’il ne retrouve la terre ferme.

Le quai grouillait maintenant de policiers. Les gyrophares des voitures éclairaient l’épave de la Lada piégée, la carcasse de la Mercedes de Malko et un grand trou dans le sol. Les policiers hongrois s’affairèrent autour de lui avec des couvertures. On le frotta, on le bichonna et on lui fit boire de l’alcool. Pourtant Malko était encore frigorifié quand la Ford d’Alan Spencer s’arrêta sur le quai.

— Good Lord ! s’exclama l’Américain. J’avais pensé à tout sauf à ça ! J’ai parlé de ma voiture avec le colonel Sandor. Il pense qu’il y avait au moins cinquante kilos d’explosifs. Probablement du Semtex.

— Il a des nouvelles de Pavel Sakharov ?

— Aucune, avoua l’Américain. Ils ont foncé immédiatement à l’Eden, mais il n’y est pas et son appartement est désert. A mon avis, il a dû repasser en Ukraine.

— Je ne pense pas, dit Malko. Il faut retrouver Zakra. S’il en est encore temps.

— Elle n’était pas à l’Eden, dit Alan Spencer. Ni dans son appartement.

Autrement dit, Pavel Sakharov l’avait emmenée avec lui. S’il l’avait tuée, aucune raison de cacher le cadavre.

Que tramait-il encore ?

Pavel Sakharov lui avait bel et bien livré du plutonium 239. Or, il découvrait maintenant que le Russe savait qui il était. Cette livraison avait donc un but ; l’endormir.

Il vint s’asseoir dans la Ford. Une idée le traversa.

— Cet attentat est peut-être notre meilleure chance, fit-il soudain. Pourriez-vous demander un service à nos amis hongrois ?

— Sûrement. Lequel ?

— Que la police déclare avoir trouvé un cadavre dans la Mercedes.

Sandor Pinter, directeur général de ORFV dont dépendait la police judiciaire, écoutait les explications d’Alan Spencer avec une attention bougonne. On l’avait sorti de son lit pour cette réunion improvisée qui ne pouvait pas attendre le lendemain. Le grand immeuble du mont Gellért qui abritait les services de sécurité hongrois était presque vide, et seules quelques-unes des fenêtres carrées étaient éclairées.

— Il faut que j’obtienne l’autorisation du ministre, finit-il par répondre. C’est quelque chose de trop spécial.

— Appelez-le, demanda Alan Spencer.

— A cette heure-ci ?

Il était presque deux heures du matin.

— J’en prends la responsabilité, dit fermement le chef de station de la CIA. Il s’agit d’une affaire de la plus haute importance. Je vous en prie, faites-le.

Le silence se prolongea d’interminables secondes avant que le haut fonctionnaire hongrois ne décroche son téléphone avec lenteur. Malko et Alan Spencer suivaient ses gestes en silence. On décrocha, et d’un ton plein de respect, Sandor Pinter expliqua dans sa langue le problème. Après quelques minutes, il tendit le récepteur à l’Américain.

— Il veut vous parler.

Les deux hommes s’étaient déjà rencontrés et la conversation fut courte. Alan Spencer rappela opportunément que les services hongrois réclamaient avec insistance d’avoir accès aux terminaux d’ordinateur de la CIA et qu’il ferait en sorte que cette demande soit examinée avec bienveillance. Le ministre ne résista que pour la forme. Exigeant simplement d’être tenu au courant des développements de la situation.