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— Je vais te faire bouffer cette saloperie jusqu’à ce que tu en crèves ! annonça-t-il d’une voix vibrante de rage. Ça leur ôtera l’envie de recommencer, à tes copains !

Jusqu’ici Stephan avait obéi aveuglément aux ordres de son patron, Karim Nazarbaiev, qui lui inspirait une saine terreur. Mais, maintenant, il s’agissait de sa peau.

— Attendez, cria-t-il, j’ai…

Sa phrase se termina dans un gargouillis : Cyrus avait passé un bras musculeux autour de son cou, l’étranglant à moitié. Dans sa rage, Ishan Kambiz tendit son arme à Ali et prit un sachet en plastique dans la valise. Ali braqua le MP5 sur les deux gorilles tchétchènes. Cyrus pinça férocement le nez de Stephan. Le Russe réussit à garder la bouche fermée plus de deux minutes, puis suffoquant, il l’ouvrit pour avaler une grande goulée d’air.

D’un geste précis, Ishan Kambiz vida d’un coup le sac de poudre rouge dans la bouche ouverte.

Avec un horrible hoquet, Stephan se mit à tousser, tandis que le « Red Mercury » saupoudrait son palais, emplissait sa bouche, envahissait sa trachée artère et ses bronches. Suffoquant, il réussit à en recracher une petite partie, cherchant désespérément de l’air. Pour cela, il dut de nouveau ouvrir la bouche et Ishan Kambiz en profita pour y verser une seconde dose de « Red Mercury ».

Stephan fut secoué par un spasme qui fit trembler tous ses muscles. Les yeux hors de la tête, une horrible croûte rougeâtre faite de salive et de « Red Mercury » tout autour de la bouche, les traits déformés par l’asphyxie, il ne respirait plus que par à-coups, les poumons envahis par la froide poudre rougeâtre. Sa bouche s’ouvrit démesurément, son nez se pinça et ses jambes battirent l’air violemment. Une dernière fois, les poumons cherchèrent à expulser la poudre, mais c’était trop tard.

Il resta la bouche ouverte, le visage levé vers le ciel. Tranquillement, Ishan Kambiz acheva de vider le sac qu’il tenait jusqu’à ce que son contenu déborde de la bouche du mort. Il jeta ensuite le plastique vide à terre. Les deux Tchétchènes, tenus en respect par l’Ingram, avaient assisté, impuissants, au supplice du Russe.

— Qu’est-ce qu’on fait d’eux ? demanda Cyrus en farsi. Ishan Kambiz jeta d’une voix calme :

— Tu le sais bien.

Il n’avait rien contre les deux Tchétchènes, mais c’étaient des témoins gênants.

Chacun des Iraniens s’approcha d’un des deux Tchétchènes et lui posa l’extrémité du silencieux contre la tête. Juste derrière l’oreille. Les deux hommes cherchèrent désespérément à éviter les projectiles, mais en quelques secondes, tout fut terminé. Six détonations sourdes, deux têtes éclatées et le sang absorbé par la terre meuble du jardin. Sans aucune émotion, les deux tueurs remirent leurs armes dans leurs attaché-cases.

— Allez-y, ordonna simplement Ishan Kambiz. Avant de s’éloigner, Cyrus se pencha sur Stephan et détacha de son poignet sa belle Rollex or et argent. Le Russe n’en aurait plus besoin.

Docilement, ils regagnèrent leur voiture. Kambiz reprit le volant de la sienne, pensif. Sa colère retombée, il cherchait encore à comprendre le pourquoi de cette arnaque. Décidément, avec les Russes, on ne pouvait jamais savoir. Ils prenaient les gens du monde extérieur pour des imbéciles milliardaires. Le coup du « Red Mercury » cela marchait avec des intermédiaires. Pas avec un homme comme Ishan Kambiz.

Il fit démarrer sa Mercedes, abandonnant les sachets de « Red Mercury » à la pluie. Cela leur servirait de leçon. Si on ne se faisait pas respecter dans le monde féroce des trafiquants, on vous dépeçait vivant.

* * *

Karim Nazarbaiev, avec ses yeux bridés, ressemblait à un Chinois. Il avait pourtant passé toute sa vie au Kirghiztan, à Frunze, où une intelligente carrière d’apparatchik local bien menée l’avait transformé en patron de la mafia locale.

Lorsque l’Union soviétique avait éclaté, il avait compris que son avenir était ailleurs, à l’extérieur. C’est un voyage à Kiev où il avait un cousin qui lui avait donné une idée. La mafia ukrainienne cherchait à s’étendre vers la Hongrie voisine. Ils manquaient de gros bras et de jolies filles bien dociles. Karim, qui avait monté une école de mannequins à Frunze pour ses besoins personnels, leur avait fourni les deux… Maintenant, il se demandait comment il avait pu vivre si longtemps dans un bled aussi perdu ! Frunze était devenu Bischek, capitale du Kirghiztan au nord du Caucase, mais c’était toujours un trou infâme.

Pour la première fois de sa vie, il avait mangé des asperges au célèbre restaurant Màtyàs Pince et depuis pris l’habitude de se baigner dans des vraies baignoires. Sans parler des chemises de soie et des chaussures sur mesure.

Une sonnerie stridente le fit sursauter et il appuya sur le bouton de l’interphone.

— C’est eux ? demanda-t-il anxieusement.

— Non, répliqua la voix indifférente du portier. Un Italien dont la carte de crédit n’est plus bonne ; il a consommé trois bouteilles de Champagne.

— Cassez-lui toutes les dents, grogna le Kirghize, et foutez-le dehors.

Il ralluma son cigare, torturé par l’angoisse ; il était pourtant sûr de Stephan, trop froussard pour le doubler sur un coup pareil. Le « Red Mercury » lui avait déjà rapporté des centaines de milliers de dollars, ce qui lui permettait d’agrandir son empire, en achetant d’autres boîtes de nuit et des usines désaffectées, qu’il transformait officiellement en salles de sport.

Les pieds sur son bureau, il contempla d’un œil distrait les six écrans de télé qui lui permettaient de surveiller chaque recoin de l’Eden. L’entrée principale en cas d’irruption de la police, le bar, la grande salle, les box et même les toilettes. Son bureau se trouvait au centre du complexe, sans aucune fenêtre, aéré seulement par la climatisation, et sa porte était dissimulée derrière une fausse glace. Tous les murs des couloirs intérieurs de l’Eden, peints en noir, sans aucune décoration, constituaient un véritable labyrinthe. Son regard accrocha la caméra braquée sur les toilettes. Tandis qu’une go-go girl se trémoussait sur un podium en face de la piste de danse, une de ses copines était en train de se faire sauter par un client dans un des WC. Karim Nazarbaiev contempla le spectacle quelques instants, mais il n’avait pas la tête à la rigolade. Une fois de plus, il consulta sa grosse Seiko. Onze heures et demie.

Stephan et ses gardes du corps auraient dû être là depuis longtemps.

L’estomac tordu de fureur, il se leva et ouvrit le vieux coffre-fort placé derrière son bureau. Une des étagères était entièrement occupée par les passeports des « entraîneuses ». Ce qui les rendait particulièrement dociles, d’autant qu’elles ne parlaient que le russe… Sur l’autre, il prit un Makarov automatique, en vérifia le chargeur et le glissa dans sa ceinture.

Pour six cent mille dollars, cela valait la peine de se déplacer. Dans l’entrée, il fit signe à son chauffeur en train de jouer au flipper, et à deux de ses gardes du corps, des Tchétchènes eux aussi.

— Prenez la seringue, ordonna-t-il.

La seringue, c’était une Kalach enveloppée dans une couverture.

Les quatre hommes prirent place à bord de la Mercedes 560 dont la plaque minéralogique commençait par un V comme toutes les voitures de société, et la voiture prit la direction du pont Margit. Karim Nazarbaiev ignorait encore ce qu’il allait découvrir. La rage l’étouffait en pensant que ce salopard de Stephan était peut-être déjà en Autriche avec ses six cent mille dollars…

Ils traversèrent le Danube et filèrent dans les grandes avenues désertes à part quelques voitures bleu et blanc de police, portant sur le flanc Rendorseg en lettres énormes. Karim Nazarbaiev n’était plus qu’une boule de nerfs lorsqu’ils s’engagèrent dans la rue Lendvay. Pas un chat. Arrivé à la hauteur du numéro 20, il ordonna au chauffeur de stopper, puis se tourna vers un des deux Tchétchènes.