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Avait-il compris?

Les caméras de télévision balayaient l'obscurité, dans l'attente de l'événement. Les visages étaient levés vers le ciel, les cœurs scandaient un compte à rebours silencieux. Les écrans affichaient la même scène tranquille... Un ciel romain constellé d'étoiles. Vittoria sentit monter ses larmes.

Derrière elle, sur l'escarpement en marbre, cent soixante et un cardinaux levaient également les yeux en observant un silence respectueux. Certains joignaient leurs mains pour prier.

La plupart restaient immobiles, paralysés par l'énormité de l'événement. D'autres pleuraient. Les secondes s'égrenaient.

Dans les foyers, les cafés, les entreprises, les aéroports, les hôpitaux du monde entier, tous les esprits étaient unis spirituellement. Les hommes et les femmes se tenaient la main.

D'autres étreignaient leurs enfants. Le temps était suspendu, une même symbiose associant chaque esprit.

Soudain, les cloches de Saint-Pierre résonnèrent cruellement.

Vittoria laissa couler ses larmes.

Alors... le délai expira, sous l'œil du monde entier. Le silence qui régnait devint insoutenable.

Très loin au-dessus du Vatican, une lumière minuscule troua le ciel. Pendant un court instant, on aurait cru voir la naissance d'un nouveau corps céleste... Un atome de lumière pur et immaculé.

Puis il y eut un éclair.

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Le point se mit à tournoyer et à grandir comme s'il se nourrissait de lui-même, pour se muer presque aussitôt en rayon blanc aveuglant qui éclata et se dispersa dans toutes les directions à une allure vertigineuse, absorbant les ténèbres. La boule de lumière s'agrandit et s'intensifia, telle une supernova, une seconde avant d'engloutir le monde.

Elle plongea vers la place Saint-Pierre en prenant de la vitesse.

La foule tétanisée eut le souffle coupé et se protégea les yeux, en poussant des cris d'horreur.

Alors que la lumière se propageait à une vitesse fulgurante, l'incroyable se produisit. Comme stoppé par la volonté de Dieu, le puissant rayon sembla se heurter à un mur invisible. La déflagration semblait contenue dans une sphère vitrée. Des éclats de lumière ricochèrent vers l'intérieur en scintillant avant de refluer. La vague immense, contenue par des bornes invisibles, endiguée, se mit à pivoter sur elle-même, baignant la capitale italienne d'une lumière étrange, sans ombre. Le jour avait éclipsé la nuit.

Puis, ce fut l'explosion finale.

La secousse profonde et formidable s'accompagna d'une onde de choc assourdissante. Elle fondit sur eux comme la colère de l'enfer, secouant les fondations de granit de la Cité du Vatican, médusant les spectateurs, dont certains furent plaqués au sol. La foudre balaya quelques instants la place, entraînant dans son sillage un énorme courant d'air brûlant qui déferla à une vitesse folle et poussa un gémissement funèbre en rebondissant sous les colonnades et contre les murs. La poussière tourbillonnait au-dessus des pauvres humains blottis les uns contre les autres... tels les témoins de l'Apocalypse.

Puis, aussi vite qu'elle était apparue, la sphère se résorba presque instantanément, aspirée vers l'intérieur du minuscule point lumineux d'où elle avait surgi.

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Le silence était écrasant.

Sur la place Saint-Pierre, les gens détournèrent les yeux du ciel noirâtre et baissèrent la tête, chacun vivant un moment privilégié d'émerveillement. Les projecteurs dirigeaient leurs faisceaux vers le sol, comme en hommage à l'obscurité revenue. Il sembla pour un instant que le monde entier inclinait la tête à l'unisson.

Le cardinal Mortati, suivi des autres cardinaux, s'agenouilla pour prier. Les gardes suisses, paralysés, abaissèrent leurs hallebardes. Plus aucun bruit. Plus aucun mouvement. Seuls les cœurs battaient ensemble. Affliction, crainte, émerveillement, foi. Et un respect rempli d'appréhension pour la démonstration de puissance formidable dont ils avaient été témoins.

Vittoria Vetra se tenait debout, tremblante au pied du majestueux escalier de la basilique. Elle ferma les yeux. A travers la vague d'émotions qui déferlait en elle, un seul nom résonnait comme un écho lointain. Primitif. Cruel. Elle le chassa de sa mémoire. Il revenait inlassablement. Elle le repoussait à nouveau. La douleur était trop forte. Elle tenta de s'évader en se mêlant à ceux qui l'entouraient... La puissance ahurissante de l'antimatière... Le soulagement du Vatican... Le camerlingue...

Sa prouesse... Un miracle... Son dévouement. Mais dans le chaos qui la bouleversait, un nom revenait sans cesse...

Robert.

C'était pour elle qu'il était venu au château Saint-Ange.

Il l'avait sauvée.

Et il avait été anéanti par son invention.

Le cardinal Mortarti, tout en priant, se demandait si lui aussi entendrait la voix de Dieu. Doit-on croire aux miracles pour l'entendre? Mortati était un homme de son temps, un croyant à l'ancienne. Sa foi ne devait rien aux miracles. Bien évidemment, la religion y faisait allusion... les paumes ensanglantées, les résurrections, l'empreinte du saint Suaire...

mais Mortati le cartésien les rejetait aux lisières de sa religion.

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Dans le no man's land du mythe à la légende. Pour lui les miracles traduisaient surtout l'extrême faiblesse des hommes, leur intarissable besoin de preuves. Des contes auxquels chacun se raccrochait en espérant qu'ils étaient réels.

Et maintenant...

Suis-je moderne au point de ne pas accepter ce dont mes yeux ont été les témoins? Était-ce bien un miracle? Oui! Dieu, en murmurant quelques mots à l'oreille du camerlingue, était bel et bien intervenu pour sauver cette Église. Pourquoi était-ce si difficile à croire? Qu'aurait-on pensé de Dieu s'il n'avait rien fait? Que le Tout-Puissant ne s'en préoccupait pas? Qu'Il n'avait aucun pouvoir pour arrêter ce drame? Un miracle était la seule réponse possible!

Mortati s'agenouilla, pria pour l'âme du camerlingue et le remercia parce que, malgré son jeune âge, il avait ouvert ses yeux de vieil homme aux ultimes mystères du divin.

Cependant, Mortati ne soupçonnait pas à quel point sa foi allait être mise à l'épreuve...

Le silence sur la place Saint-Pierre avait d'abord été brisé par quelques murmures qui se transformèrent bientôt en chuchotements. Puis en mugissements. Subitement, de ces milliers de gorges, monta un cri unique:

— Regardez! Regardez!

Mortati ouvrit les yeux et se tourna vers la foule. Une forêt de doigts levés indiquait la direction de la façade de la basilique Saint-Pierre, derrière lui. Les visages des gens, dans la foule, étaient blêmes. Certains tombaient à genoux. D'autres s'évanouissaient. D'autres encore sanglotaient convulsivement.

— Regardez! Regardez!

Mortati surpris se retourna et suivit la direction des mains tendues: le haut de la basilique, la terrasse sur le toit, où se dressent les statues du Christ et de ses apôtres la face tournée vers la foule.

Là, à la droite de Jésus, les bras tendus vers le monde... se tenait le camerlingue Carlo Ventresca.

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La chute libre avait cessé. La terreur avait disparu. Robert Langdon ne souffrait plus. Le formidable sifflement du vent à ses oreilles s'était arrêté, remplacé par le doux clapotis de l'eau. Il aurait presque pu s'imaginer confortablement allongé sur une plage.

Paradoxalement, il se croyait mort. Conscient d'être mort, et heureux de l'être. Il se laissa gagner par une douce torpeur, la laissa l'entraîner où elle voulait. Sa douleur et sa crainte étaient anesthésiées, et il n'aurait pas revécu les derniers instants pour un empire. Seul l'enfer pouvait être pire que son dernier souvenir.

Emporte-moi. S'il te plaît...