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C'est Vittoria qui fit la découverte, près du fond de la salle.

Elle appela d'une voix rauque:

Diagramma della verita!

Langdon se précipita à sa rencontre dans la brume rosée.

— Où ça?

Elle montra du doigt un meuble qui éclaira immédiatement Langdon sur la cause de son échec. Le précieux manuscrit était rangé dans un casier à folios, et pas sur les étagères. On entreposait dans ce type de classeur les feuilles non reliées.

L'étiquette que portait celui-ci ne laissait aucun doute sur son contenu.

DIAGRAMMA DELLA VERITA

Galileo Galilei, 1639

Le cœur battant, Langdon s'agenouilla au pied du meuble.

Le Diagramma. Il adressa un large sourire à Vittoria.

— Félicitations! Aidez-moi à le sortir d'ici.

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Elle se mit à genoux près de lui et ils tirèrent ensemble le casier. Il était posé sur un socle de métal qui roula vers eux, laissant apparaître son couvercle.

— Il n'est pas verrouillé? s'étonna Vittoria devant le simple loquet qui le fermait.

— Jamais. Il faut pouvoir sortir très vite les documents, en cas d'inondation ou d'incendie.

— Alors, ouvrez-le!

Il ne se fit pas prier. La double perspective de concrétiser son plus ancien fantasme d'universitaire et de ne bientôt plus avoir d'oxygène ne le poussait guère à la flânerie. Il poussa le loquet et souleva le couvercle. Posé à plat dans le fond de la boîte se trouvait un sac de coutil noir - un tissu poreux indispensable pour la préservation d'un tel contenu. Il le souleva des deux mains pour le maintenir à l'horizontale.

— J'attendais une malle au trésor et je trouve une taie d'oreiller..., siffla Vittoria.

— Suivez-moi, dit-il en se relevant.

Tenant le sac devant lui comme une offrande sacrée, Langdon se dirigea vers le centre du box, où il savait qu'il trouverait une table de lecture à plateau de verre. Elles occupent très souvent cette situation centrale, pour réduire les déplacements de documents et offrir aux lecteurs l'intimité d'un espace entouré de rayonnages. Des carrières entières d'historiens s'étaient jouées sur des meubles identiques à celui-ci, et les chercheurs n'aimaient guère se sentir épiés à travers des cloisons de verre.

Il déposa son précieux fardeau et déboutonna le sac de tissu.

Puis il alla fouiller dans une corbeille contenant des outils d'où il sortit deux pinces de graveur, aux embouts garnis de tampons de feutre. Le cœur battant d'excitation, il s'attendait presque à se réveiller dans son bureau de Cambridge, affalé sur une liasse de copies à corriger. Il prit une longue inspiration et entrouvrit la taie de coton. Il plongea les pinces à l'intérieur, les doigts tremblant dans ses gants blancs.

— Détendez-vous, souffla Vittoria. C'est du papier, pas du plutonium.

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Il tâtonna à l'intérieur du sac avec les deux instruments, prenant bien soin de ne pas appuyer. Lorsqu'il sentit que les pinces enserraient les bords des documents, il les maintint en position et fit glisser le sac, de façon à réduire l'effet de torsion. Il ne reprit son souffle qu'après avoir reposé le sac et allumé la lampe sous le plateau de verre.

Éclairé en contre-plongée, le visage de Vittoria était d'une blancheur spectrale.

— C'est tout petit! s'exclama-t-elle émerveillée.

Les feuillets empilés ressemblaient aux pages détachées d'un livre de poche. Celui du dessus était une couverture calligraphiée à la plume, où on lisait le titre, la date et le nom de Galilée — écrits de sa main.

Langdon oublia tous les moments désagréables de la journée, oublia sa fatigue, oublia la tragédie horrible qui menaçait le Vatican. Il n'était qu'admiration pour ce texte vénérable. Les rencontres intimes avec l'Histoire le laissaient toujours muet de respect. Il était aussi ému que la première fois où il s'était trouvé en face de la Joconde.

Le papyrus terne et jauni était évidemment d'origine, mais en excellent état de conservation. Pigments légèrement délavés, quelques déchirures et adhérences, mais dans l'ensemble impeccable. Les yeux irrités par la sécheresse de l'air, Langdon contempla quelques instants l'écriture ornée de Galilée. Vittoria se taisait.

— Passez-moi une spatule, s'il vous plaît, lui demanda-t-il en indiquant un plateau contenant de petits outils en inox.

Il passa les doigts sur l'instrument pour éliminer toute électricité statique avant de le glisser, avec d'infinies précautions, sous le feuillet de couverture, qu'il reposa à plat sur le côté.

La première page était manuscrite, d'une calligraphie pratiquement impossible à déchiffrer. Mais elle ne comportait aucun diagramme, aucun chiffre. Un essai rédigé.

— « Héliocentrisme », traduisit Vittoria. On dirait bien qu'il rejette d'emblée la théorie du Vatican... Mais c'est de l'italien ancien. Je ne vous promets rien pour la traduction.

— Peu importe. Nous sommes à la recherche d'une formule mathématique. La langue pure.

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Il tourna la première page à l'aide de la spatule. Ses doigts étaient moites de transpiration dans les gants. Vittoria lut le titre de la deuxième page:

— « Le mouvement des planètes. »

Langdon fronça les sourcils. Il aurait tellement aimé avoir le temps de tout déchiffrer. Les projections de Galilée ne semblaient pas en désaccord avec les images contemporaines de la NASA.

— Ce ne sont pas des maths, souffla Vittoria. Il parle de mouvements rétrogrades et d'orbites elliptiques...

Les ellipses. L'essentiel des ennuis de Galilée avec le tribunal de l'Inquisition provenait de sa description du mouvement des planètes. Le Vatican vénérait la perfection du cercle et refusait d'admettre que l'organisation céleste obéisse à un ordre qui ne soit pas circulaire. Mais les Illuminati de Galilée voyaient dans l'ellipse le même degré de perfection, la dualité mathématique des deux centres. On la retrouvait aujourd'hui dans la symbologie moderne maçonnique.

— Page suivante, ordonna Vittoria.

Langdon obéit.

— « Les phases de la Lune et les marées. » Pas de diagramme.

Pas de chiffres.

Langdon tourna le feuillet. Toujours rien. Une dizaine d'autres. Rien. Rien. Rien.

— Je croyais que ce type était un matheux..., siffla Vittoria.

Langdon trouva que l'oxygène s'amenuisait. Ses espoirs aussi. Sans parler de la pile de feuillets de papyrus.

— Il n'y a pas de maths là-dedans, déclara Vittoria. Quelques dates, quelques chiffres ici et là, mais rien qui ressemble à une énigme à résoudre...

Langdon souleva la dernière page en soupirant.

— C'est un bouquin vite lu..., commenta Vittoria. Il hocha la tête. — Merda! s'exclama-t-elle. Comme on dit à Rome.

L'expression est appropriée, pensa Langdon. Le reflet de son visage sur la table paraissait se moquer de lui, comme celui qu'il avait croisé sur sa porte-fenêtre le matin même. Un fantôme vieillissant.

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— Il y a sûrement quelque chose dans ce texte! gémit-il. Le segno est là-dedans, je le sais!

— C'était peut-être une erreur, cette idée de DIII?

Il la foudroya du regard.

— D'accord, se reprit-elle vivement. C'est parfaitement logique.

Mais l'indice lui-même n'est pas mathématique...

Lingua pura... Que voulez-vous que ce soit d'autre?

— L'art?

— Il n'y a aucun croquis ni dessin dans ce livre.