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— Tout ce que je sais, c'est que la lingua pura ne renvoie pas à l'italien. Le langage mathématique conviendrait parfaitement...

— Je ne vous le fais pas dire.

Il refusait de s'avouer si vite vaincu.

— Les chiffres sont peut-être rédigés en toutes lettres... Ou bien le calcul mathématique se fait en mots plutôt qu'en équations...

— Cela va prendre un moment de lire toutes les pages...

— C'est justement le temps qui nous manque. Partageons-nous le travail.

Il remit à l'endroit la pile de feuilles.

« Je connais assez d'italien pour reconnaître les chiffres », affirma-t-il.

Il sépara la pile en deux parties avec sa spatule et déposa la petite dizaine de pages du début devant sa compagne.

« Je suis certain que c'est là-dedans », répéta-t-il.

Vittoria souleva la couverture à la main.

— Spatule! s'écria-t-il en lui tendant un instrument.

— Mais j'ai des gants. . Je ne vois pas comment je pourrais...

— Faites ce que je vous dis.

— Vous éprouvez ce que j'éprouve? demanda-t-el e.

— Vous êtes énervée?

— Non. J'ai du mal à respirer.

Lui aussi. La sensation d'étouffement était venue plus vite qu'il ne l'aurait pensé. Il fallait faire vite. Les énigmes d'archives n'avaient rien de nouveau pour lui, mais il avait en général du temps devant lui. Sans ajouter un mot, il se pencha sur les papyrus et entreprit de traduire sa première page.

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Montre-toi, fichu signe! Montre-toi!

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53

Quelque part dans les catacombes de Rome, la silhouette sombre s'enfonçait dans le boyau creusé à même la roche. La galerie d'un autre temps n'était éclairée que par des torches, l'air chaud et lourd. Il entendait les voix apeurées des prisonniers, leurs appels résonnant inutilement dans l'espace confiné.

En tournant le coin de la galerie, il les vit, exactement tels qu'il les avait laissés: quatre vieillards terrifiés, parqués dans une étroite cavité fermée par des barreaux rouillés.

— Qui êtes-vous? demanda l'un des hommes en français.

Pourquoi sommes-nous ici?

Hilfe, au secours! cria une autre voix en allemand, laissez-nous partir!

— Savez-vous qui nous sommes? demanda un troisième en anglais avec un accent espagnol.

— Silence! ordonna la voix éraillée d'un ton sans réplique.

Le quatrième prisonnier, un Italien silencieux et pensif, regarda au fond des yeux d'encre de son ravisseur. Satan ne doit pas avoir un autre regard, songea-t-il, j'en jurerais. Dieu nous aide.

Le tueur jeta un coup d'œil à sa montre et se retourna vers ses prisonniers.

— Bien, messieurs, par qui je commence?

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54

Dans la salle 10 des archives, Robert Langdon lisait à voix haute les nombres qu'il repérait sur le feuillet calligraphié du Galilée. Mille... centi... uno, duo, tre... cincuanta... Il me faut un nombre, n'importe lequel bon sang!

Quand il eut atteint le bas du feuillet, il souleva la spatule pour tourner la page mais dut s'y reprendre à trois fois. Sa main tremblait et la spatule ne lui obéissait plus tout à fait.

Quelques minutes plus tard, il s'aperçut qu'il avait abandonné la spatule et qu'il tournait les pages à la main. Oups!

s'exclama-t-il, honteux comme un petit garçon pris en faute. Le manque d'oxygène commençait à lever ses inhibitions. Si je continue comme ça je n'irai pas au paradis des archivistes!

— Pas trop tôt! s'exclama Vittoria en voyant Langdon tourner les pages à la main.

Elle jeta la spatule à son tour et imita Langdon.

— Trouvé quelque chose?

La jeune femme secoua la tête.

— Non, rien qui soit purement mathématique. J'écrème, mais je ne vois pas l'ombre d'un indice se profiler.

Langdon poursuivit sa traduction des feuillets, mais avec des difficultés croissantes. Son italien était assez hésitant, et la minuscule écriture jointe aux archaïsmes de langage ralentissait encore sa progression. Vittoria en atteignant la fin de sa liasse et en la refermant avait l'air complètement découragée. Elle s'accroupit pour inspecter de nouveau le carton. Quand Langdon eut achevé la dernière page, il pesta dans sa barbe et se pencha vers Vittoria qui maugréait en écarquillant les yeux sur un passage.

— Une piste?

Vittoria ne tourna pas la tête.

— Vous aviez des notes de bas de page sur vos feuil ets?

— Non, il me semble que non, pourquoi?

— Cette page comporte une note, mais illisible, à cause d'une pliure.

Langdon regarda le passage en question, mais il ne parvint à lire que le numéro du folio dans le coin supérieur droit. Le numéro

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5. Il lui fallut un moment avant de noter la coïncidence et même alors, il ne vit pas de rapport immédiat. Cinq, Pythagore, pentagramme, Illuminati. . Langdon se demandait si les Illuminati auraient choisi la page cinq pour dissimuler leur indice. Il sentit pointer une timide lueur d'espoir dans le brouillard rougeâtre qui les entourait.

— S'agit-il d'une note mathématique?

Vittoria secoua la tête.

— Non, c'est une ligne de texte, en tout petits caractères, presque illisibles.

Ses espoirs s'évanouirent.

— On cherche des maths, Vittoria, Zingua pura.

— Oui, je sais.

Elle hésita.

— Mais je crois que ça vous intéressera quand même.

Langdon sentit de l'excitation dans sa voix.

— Allez-y.

Plissant les yeux pour déchiffrer, Vittoria s'exécuta:

« The path of light is laid. The sacred test. »

— La voie de lumière est tracée, le test sacré..., fit Langdon en se redressant.

— C'est ce qu'on lit. « La voie de lumière. »

La vérité mit quelques instants à percer les brumes qui ouataient maintenant les perceptions et les pensées de Langdon.

Il n'avait pas la moindre idée de l'usage qu'il pourrait bien faire de cette phrase, mais c'était une référence directe à la Voie de l'Illumination, telle qu'il pouvait, du moins, se l'imaginer. La voie de lumière, le test sacré. Sa cervelle le faisait penser à un moteur qui ne parvient pas à accélérer parce qu'il est encrassé par un carburant de mauvaise qualité.

— Vous êtes sûre de la traduction?

Vittoria hésita.

— En fait...

Elle lui lança un drôle de regard en coin.

« Ce n'est pas à proprement parler une traduction. La phrase est écrite en anglais. »

Pendant un instant, Langdon crut qu'il avait mal entendu.

— En anglais?

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Vittoria poussa le document vers lui et Langdon lut la minuscule note au bas de la page.

« The path of light is laid. The sacred test. » De l'anglais... Que fait cette phrase en anglais dans un ouvrage italien?

Vittoria haussa les épaules. Elle aussi semblait un peu égarée.

— Peut-être est-ce la Lingua pura? Après tout, c'est la langue internationale de la science. C'est celle que nous utilisons tous au CERN.

— Mais Galilée écrit au XVIIe siècle! Personne ne parlait anglais en Italie, à l'époque, pas même... (Il s'arrêta net, saisi par l'importance de ce qu'il allait dire. Pas même le clergé. Au début du XVIIe siècle, articula-t-il en accélérant la cadence, l'anglais n'était pas utilisé au Vatican. La hiérarchie de l'Église parlait italien, latin, allemand, français, espagnol, mais l'anglais était considéré comme une langue de libres penseurs réservée à des brutes matérialistes comme Chaucer ou Shakespeare.