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Langdon se rappela soudain la légende qui voulait que certaines formules des Illuminati notamment pour les quatre éléments aient été rédigées en anglais. Elle devenait plus compréhensible à présent.

— Vous pensez donc que Galilée aurait considéré l'anglais comme la Lingua pura parce que c'était une langue que personne ne parlait au Vatican?

— Oui. En rédigeant son indice en anglais, Galilée mettait habilement ses censeurs sur la touche.

— Un indice, mais ce n'est même pas un indice, objecta Vittoria. « La Voie de la Lumière est tracée, le test sacré »? Qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire?

Elle a raison, songea Langdon. Cette phrase n'apportait aucune indication claire. Pourtant, en la répétant en lui-même, un fait étrange le frappa. Vraiment troublant, et si la solution était de ce côté-là?

— Il faut que nous sortions d'ici, lança Vittoria d'une voix enrouée.

Langdon n'écoutait pas. « La Voie de la Lumière est tracée, le test sacré. »

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— Des pentamètres iambiques! cria-t-il brusquement en recomptant les syllabes. Dix syllabes, cinq paires, un temps fort, un temps faible. .

Vittoria restait bouche bée.

— Pentamètre quoi?

Cinq paires de syl abes, pensa Langdon, comportant chacune, par définition, deux syllabes. Cinq et deux. Il ne parvenait pas à le croire: dans toute sa carrière, il n'avait jamais fait le rapprochement. Le pentamètres iambique était un mètre symétrique fondé sur les nombres sacrés des Illuminati: deux et cinq! Tu t'égares! se dit-il en essayant d'écarter l'idée de son esprit.

Une coïncidence sans signification! Mais elle revenait sans cesse.

Cinq... pour Pythagore et le pentagramme. Deux... pour la dualité universelle.

Une autre révélation le fit soudain frissonner: le pentamètre iambique était souvent appelé, à cause de sa simplicité, « vers pur »

ou « mètre pur ». La lingua pura? Était-ce la langue à laquelle se référaient les Illuminati?

— « La Voie de la Lumière est tracée, le test sacré »...

— Oh! s'exclama Vittoria.

En pivotant sur lui-même, Langdon la vit inverser haut et bas de la liasse. Il sentit sa gorge se serrer. Ce n'est pas possible...

— Ne me dites pas que ce vers est un ambigramme!

— Non, ce n'est pas un ambigramme. . mais c'est. . Elle fit pivoter plusieurs fois le document.

— C'est quoi?

— Ce n'est pas le seul vers!

— Il y en a un autre?

— Il y a un vers sur chaque marge, en haut, en bas, à droite et à gauche. Je crois qu'il s'agit d'un poème.

— Quatre vers, reprit Langdon galvanisé d'excitation. Galilée était un poète? Faites-moi voir!

Vittoria garda la liasse qu'elle continua à faire tourner pour en déchiffrer le sens.

— Je n'avais pas vu les vers parce qu'ils sont sur les bords...

Elle inclina la tête pour lire le dernier.

« Eh! Vous savez quoi? Ce n'est même pas Galilée l'auteur! »

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— Quoi?

— Le poème est signé John Milton.

— John Milton?

Le grand poète anglais qui avait écrit le Paradis perdu était un contemporain de Galiléee et un savant que beaucoup de spécialistes des Illuminati soupçonnaient d'avoir été membre de la secte et Langdon était tenté de les suivre: non seulement Milton avait accompli un pèlerinage à Rome en 1638, sur lequel on était très bien renseigné. Il s'agissait pour lui de « communier avec des hommes éclairés », mais il avait rencontré Galilée à plusieurs reprises alors que celui-ci était condamné à la prison, comme en témoignaient diverses peintures de l'époque, dont le célèbre Galilée et Milton d'Annibale Gatti, qui se trouvait actuellement à Florence, au musée de l'Histoire de la science.

— Milton connaissait Galilée, n'est-ce pas? demanda Vittoria en passant finalement le feuillet à Langdon. Peut-être lui a-t-il écrit ce poème comme une sorte d'hommage?

Langdon serra les dents en refermant ses doigts sur le document. Il le posa à plat sur la table et lut le vers dans la marge supérieure. Puis il le tourna à 90 degrés et lut le vers de la marge droite. Puis ceux de la marge inférieure et de la marge gauche.

Quatre vers en tout. Le premier que Vittoria lui avait lu était en fait le troisième. Sidéré, Langdon relut le quatrain une seconde fois dans le sens des aiguilles d'une montre: haut, droite, bas, gauche. Et poussa un grand soupir de soulagement.

— Vous l'avez trouvé, mademoiselle Vetra.

Elle esquissa un mince sourire.

— Bon, on peut partir, maintenant?

— Il faut que je recopie ces vers. Il me faudrait un stylo et du papier.

Vittoria secoua la tête.

— Laissez tomber, professeur. Il n'est plus temps de jouer au scribe. Mickey nous montre la sortie.

Elle lui prit la page et se dirigea vers la porte. Langdon se leva d'un bond.

— Vous n'avez pas le droit de l'emporter dehors! C'est un...

Mais Vittoria était déjà sortie.

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55

Langdon et Vittoria sortirent à grandes enjambées dans le petit jardin des Archives où ils purent enfin respirer à pleins poumons.

L'air frais fit à Langdon l'effet d'une drogue en pénétrant dans ses poumons. Les taches pourpres qui constellaient son champ de vision s'évanouirent rapidement. Mais pas la culpabilité. Il venait de se rendre complice du vol d'un inestimable trésor dans une des bibliothèques les plus inaccessibles du monde. Ils avaient abusé de la confiance du camerlingue.

— Dépêchez-vous, fit Vittoria, tenant toujours le précieux feuillet à la main et remontant au pas de course la Via Borgia en direction du bureau d'Olivetti.

— Si jamais ce papyrus est mouillé...

— Du calme! Quand nous l'aurons déchiffré, nous renverrons le folio 5 à ses propriétaires.

Langdon accéléra pour marcher à son pas. Outre ses scrupules d'honnête citoyen, il était sous le choc de l'extraordinaire découverte qu'ils venaient de faire. Et de ses énormes conséquences: John Milton était un Illuminatus. Il a composé un poème pour Galilée que ce dernier a publié dans son folio 5. . loin des yeux du Vatican.

En quittant le jardin, Vittoria tendit le folio à Langdon.

— Vous croyez pouvoir déchiffrer ce bidule? Ou est-ce qu'on s'est asphyxié la cervelle pour des prunes?

Langdon se saisit délicatement du document et le glissa sans hésitation dans une poche intérieure de sa veste en tweed, hors d'atteinte du soleil et de l'humidité.

— C'est déjà fait.

Vittoria stoppa net.

— C'est... quoi?

Langdon ne ralentit pas.

— Mais vous ne l'avez lu qu'une fois!

La jeune femme le rattrapait à grands pas.

« Vous m'aviez dit que ce serait un vrai rébus! »

Elle avait raison, et pourtant Langdon avait déchiffré le segno à la première lecture. Une strophe parfaite de pentamètres

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iambiques et le premier autel de la science lui était clairement apparu, sans le moindre doute possible.

Certes, la facilité avec laquelle il avait accompli cette tâche lui laissait un arrière-goût dérangeant. C'était un enfant de l'éthique puritaine du travail. Il entendait encore son père lui citer ce vieil aphorisme typique de la Nouvelle-Angleterre: « Si tu n'as pas souffert pour y arriver, c'est mal fait. » Langdon espérait contredire le dicton.

— Je l'ai déchiffré, dit-il en pressant le pas. Je sais où va avoir lieu le premier meurtre. Nous devons avertir Olivetti.

Vittoria le talonnait à présent.

— Comment avez-vous trouvé la solution aussi vite?