Выбрать главу

Elle indiqua le portable d'Olivetti, dans sa ceinture.

« Quel est votre numéro? »

– 251 –

Olivetti ne répondit pas. Le chauffeur, qui avait écouté attentivement, semblait avoir son avis. Il sortit de la voiture et prit le commandant à part. Ils discutèrent quelques instants à mi-voix.

Enfin, Olivetti acquiesça et se tourna vers Vittoria.

— Enregistrez ce numéro.

Il commença à dicter.

« Maintenant, appelez-le. »

Vittoria enfonça le bouton d'appel automatique et le mobile d'Olivetti se mit à sonner.

— Entrez dans le Panthéon, mademoiselle Vetra, jetez un coup d'œil, sortez puis appelez-moi et dites-moi ce que vous aurez vu.

Vittoria referma son portable d'un geste sec.

— Merci, monsieur.

Langdon se sentit subitement une responsabilité à l'égard de la jeune femme, son instinct protecteur s'était inopinément réveillé.

— Attendez une minute, dit-il à Olivetti, vous l'envoyez là-dedans toute seule?

Vittoria lui jeta un regard agacé.

— Robert, tout se passera très bien.

Le garde suisse prit de nouveau Olivetti à part.

— C'est dangereux, fit Langdon à Vittoria.

— Il a raison, opina Olivetti. Même mes meilleurs hommes ne travaillent pas seuls. Mon lieutenant vient de me dire que la couverture sera plus convaincante si vous y allez ensemble.

— Ensemble? (Langdon hésita.) En fait, ce que je voulais...

— Que vous entriez tous les deux ensemble. Vous aurez l'air d'un couple en vacances. Et vous pourrez vous aider l'un l'autre. Je me sentirai mieux comme ça.

Vittoria haussa les épaules.

— Ça me va, mais il n'y a plus de temps à perdre.

Langdon étouffa un gémissement. Bien joué, cowboy!

— La première rue que vous trouverez, expliqua Olivetti le doigt pointé vers le croisement, c'est la Via degli Orfani. Prenez à gauche, vous arrivez directement au Panthéon. Deux minutes de marche et vous y êtes. Je reste là, je dirigerai mes hommes et j'attendrai votre appel. Vous savez vous servir d'un pistolet?

Il sortit son arme.

Le cœur de Langdon bondit dans sa poitrine.

– 252 –

— On n'a pas besoin d'arme!

Vittoria tendit la main et prit le pistolet.

— Je peux ficher une seringue dans un marsouin à quarante mètres depuis un zodiac.

— Bien. (Olivetti lui tendit le pistolet.) Cachez-le.

Vittoria regarda son short, puis Langdon.

Oh non, pitié! songea Langdon. Mais Vittoria fut trop rapide: elle ouvrit sa veste et enfonça l'arme dans une de ses poches intérieures. Il eut la sensation d'un boulet, sa seule consolation étant que le Diagramma fut dans l'autre poche.

— On a l'air complètement inoffensifs, fit Vittoria. On y va!

Elle prit le bras de Langdon et l'entraîna avec elle. Le chauffeur les appela.

— Se tenir par le bras c'est pas mal. Mais par la main, ce serait encore mieux, le genre jeunes mariés, vous voyez?

En tournant le coin de la rue, Langdon aurait juré qu'il avait vu Vittoria sourire.

– 253 –

59

Le « PC opérationnel » de la Garde suisse qui jouxte les bâtiments du Corpo di Vigilanza sert essentiellement à l'organisation de la sécurité lors des apparitions publiques du pape et des événements du Vatican. Mais ce jour-là, c'est un autre usage qui lui était dévolu. L'homme qui s'adressait au détachement spécial était le capitaine Elias Rocher, commandant en second de la Garde suisse. Rocher était un homme au torse puissant et aux traits délicats. Il avait ajouté sa touche personnelle à l'uniforme bleu traditionnel de capitaine: un béret rouge posé de biais sur le côté du crâne. Sa voix était étonnamment fluette pour un homme aussi charpenté, et ses intonations chantantes. Malgré les inflexions cristallines de sa voix, le regard de Rocher était perçant et hostile comme celui d'un prédateur sûr de sa force. Ses subordonnés l'avaient d'ailleurs surnommé « grizzly ». Un grizzly qui suit le crotale comme son ombre, ajoutaient-ils, le crotale étant le commandant Olivetti.

Rocher était aussi redoutable que son crotale de chef mais lui, au moins, on le voyait venir.

Les hommes de Rocher écoutaient attentivement, les visages tendus, fermés. Pourtant, l'information qu'ils venaient d'entendre avait fait monter leur tension de quelques dixièmes.

Le petit nouveau, le lieutenant Chartrand, debout au fond de la salle, aurait tant voulu, à cet instant, faire partie des 99 % de candidats gardes suisses recalés! vingt ans, Chartrand était la plus jeune recrue du corps. Il avait été engagé trois mois auparavant.

Comme tous ses pairs, il avait fait son école en Suisse, puis suivi un entraînement complémentaire de deux ans à Berne avant de se présenter à la redoutable batterie de tests organisés par le Vatican dans une caserne secrète des environs de Rome. Mais, dans cette formation, rien ne l'avait préparé à affronter une crise comme celle-ci. Au début, Chartrand crut que ce briefing n'était qu'une nouvelle forme d'entraînement inventée par ses chefs. Armes futuristes, sectes criminelles, cardinaux kidnappés... Et puis Rocher leur avait montré la séquence vidéo de la bombe

– 254 –

d'antimatière et Chartrand avait dû se rendre à l'évidence: il ne s'agissait nullement d'un exercice.

— On va couper le courant à différents endroits, disait Rocher, pour supprimer toute interférence magnétique extérieure. On se déplace par groupes de quatre. Jumelles infrarouges, reconnaissance par détecteurs conventionnels recalibrés pour des champs de flux inférieurs à trois ohms. Des questions?

Chartrand, qui semblait passablement nerveux, leva la main.

— Et si on ne trouve pas à temps, demanda-t-il en regrettant aussitôt sa question.

Grizzly lui jeta un regard noir sous son béret rouge. Puis il congédia ses hommes d'un peu rassurant: « Bon vent! »

– 255 –

60

En approchant du Panthéon, Vittoria et Langdon longèrent une file de taxis en attente; tous les chauffeurs dormaient derrière un volant. Le petit somme faisait partie des usages sacrés de la Ville éternelle.

Langdon avait bien du mal à raisonner rationnellement sur une situation aussi absurde. Six heures plus tôt, il dormait tranquillement dans son lit en Amérique. Sa brutale traversée de l'Atlantique l'avait projeté au cœur d'un complot satanique surréaliste, et il se retrouvait à Rome, un semi-automatique dans la poche de sa veste, tenant la main d'une belle jeune femme qu'il connaissait à peine.

Vittoria regardait droit devant elle. Sa poigne sentait la détermination et l'indépendance, mais les doigts noués à ceux de l'Américain traduisaient sa confiance innée. Sans hésitation. Il la trouvait de plus en plus attirante. Ne rêve pas, se dit-il.

Vittoria sembla ressentir son malaise.

— Détendez-vous, murmura-t-elle sans tourner la tête. On est en voyage de noces.

— Je suis détendu.

— Vous m'écrasez les doigts.

Il relâcha la tension en rougissant.

— Respirez par les yeux, souffla-t-elle.

— Pardon?

— Pour détendre vos muscles. Cela s'appelle pranayama.

— Piranha?

— Mais non, pas le poisson. Pranayama. Peu importe...

Ils débouchèrent sur la Piazza della Rotonda; le Panthéon se dressait devant eux. Comme toujours, l'imposant édifice inspira à Langdon une admiration mêlée de crainte. Le temple de tous les dieux. Les dieux païens, terrestres et marins. La structure lui parut toutefois plus massive que le souvenir qu'il en avait gardé. Les piliers verticaux et le fronton triangulaire du majestueux pronaos masquaient à ses yeux le grand dôme qui surplombe la rotonde.