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* * *

Au moment de monter dans la Ferrari grise, Mandy Brown se pencha brusquement vers le poignet de Hadj Ali. Ses canines s’enfoncèrent comme celles d’un fauve entre les tendons et elle serra les mâchoires à se faire éclater les os… Le Brunéien poussa un hurlement affreux, et lâcha les poignets de la jeune Américaine. Celle-ci, pour faire bonne mesure, lui expédia un coup de pied qui manqua ses parties vitales, mais lui fit néanmoins un mal de chien… Elle détalait déjà en direction de la grille…

Le gurkah qui la reçut dans ses bras faillit se trouver mal. Il n’avait jamais été en contact si étroit avec une créature de cet acabit. Sans souci de l’effet qu’elle lui causait, Mandy Brown glapit

— Call ! Prince Mahmoud, call! Prince Mahmoud!

Le sergent gurkah, affolé, surgit de sa guérite et vint aux nouvelles. Au garde-à-vous, il récita.

— Miss, le Pengiran Al Mutadee Hadj Ali vient vous chercher pour vous conduire à lui.

Mandy Brown faillit lui sauter à la gorge.

— Il veut me tuer, beugla-t-elle, je ne veux pas bouger. Appelez Mahmoud.

Hadj Ali arrivait, grimaçant encore de douleur, la Ferrari à petite allure derrière lui, conduite par Michael Hodges. Il interpella le sergent d’une voix sèche.

— Cette femme est folle, aidez-moi à la faire entrer dans cette voiture.

Le sergent gurkah regarda alternativement Hadj Ali et Mandy Brown. Pour lui c’était une situation de folie absolue. A qui obéir ? Certes le Pengiran Al Mutadee Hadj Ali était une des plus hautes autorités du Palais, mais il savait la jeune femme sous la protection du prince Mahmoud. Mandy Brown lui évita de prendre une décision. Comme un trait, elle fila dans le poste de garde, claqua la porte et s’y enferma !

* * *

Le ministre des Affaires étrangères semblait consterné devant l’insistance de l’ambassadeur des Etats-Unis à lui affirmer que le propre Premier aide de camp du sultan Bolkiah était impliqué dans le détournement des vingt millions de dollars. Lui qui avait voyagé savait qu’on ne bravait pas impunément les Américains et se sentait fort embarrassé.

— Excellence, dit-il, je vais appeler mon frère immédiatement.

L’ambassadeur demeura au bout du fil. Trois minutes plus tard, le ministre lui annonçait

Sa Majesté le Sultan vient de convoquer le Pengiran Al Mutadee Hadj Ali au palais. Il souhaite une confrontation avec vous afin de vider cet abcès…

* * *

Mandy Brown tentait furieusement d’atteindre son amant princier mais le standard du palais de Mahmoud n’arrivait pas à le joindre. Dehors, c’était le statu quo. Le sergent gurkah et Hadj Ali se faisaient face, ne sachant pas très bien l’un et l’autre la conduite à tenir.

Soudain, le téléphone de la Ferrari se mit à sonner et Michael Hodges répondit. Il pencha la tête par la portière, hélant Hadj Ali.

— Pengiran, une communication pour vous.

Hadj Ali prit l’appareil. En reconnaissant la voix douce du sultan Bolkiah, il se sentit liquéfié. Le souverain ne lui dit pourtant que quelques mots, très poliment.

— Pengiran, je vous attends dans mon bureau le plus vite possible. L’ambassadeur des Etats-Unis sera là également.

Al Mutadee Hadj Ali bredouilla une réponse inintelligible et raccrocha. Le sang s’était retiré de son visage. Michael Hodges l’interrogea.

— Qu’est-ce qui se passe ?

— Le Sultan veut me voir avec Walter Benson. Ce salaud va lui apporter les chèques.

C’était trop tard pour faire chanter l’agent de la CIA. Il se sentait vidé, le cerveau en compote, physiquement malade.

Machinalement, il passa une main dans ses cheveux noirs. Défait. Michael Hodges l’observait.

— Il faut filer, dit le Britannique. Prendre une Range et passer par Limbang.

Le Brunéien tourna vers lui un regard affolé. Il n’arrivait pas à se décider à tout abandonner. Sachant pourtant que c’était la seule solution. Michael Hodges fit d’une voix brutale

— Arrêtez de faire l’enfant. Moi, je n’ai pas envie d’aller en prison pour des années. Vous avez de l’argent à l’extérieur. Vous vous en sortirez. Et puis dans quelque temps, le Sultan vous pardonnera.

Ils étaient tellement absorbés dans leur conversation qu’ils ne virent pas la porte du poste de garde s’écarter. Mandy Brown fila en courant vers le parking derrière la maison. Elle ouvrit la portière de la première des voitures, une Ferrari Testa Rossa rouge. Se penchant, elle vit que les clefs se trouvaient sur le contact. Le temps de se glisser à l’intérieur, elle lançait le moteur.

Al Mutadee Hadj Ali vit passer un éclair rouge dans un vrombissement d’enfer. La Ferrari pulvérisa la barrière et disparut dans le parc de Jerudong.

Mandy Brown, au volant, hurlait toute seule de joie. Elle avait retrouvé la liberté. Toute seule comme une grande.

* * *

Al Mutadee Hadj Ali n’avait même pas réagi en voyant Mandy Brown s’enfuir. Il était dépassé. Michael Hodges s’agita sur son siège, mal à l’aise.

— Filons, dit-il. Il n’y a plus de temps à perdre. A contrecœur, le Brunéien passa une vitesse et la Ferrari grise s’ébranla devant les gurkahs médusés qui n’en avaient jamais vu autant en une seule matinée. Les deux hommes n’échangèrent pas un mot tandis qu’ils traversaient le terrain de golf, créé au cas où le sultan Bolkiah s’éveillerait un matin avec une grosse envie de se livrer à ce sport… Michael Hodges dit d’une voix égale :

— Où est votre passeport ?

— Chez moi.

— Il faut passer le prendre.

— Et le vôtre ?

— Je l’ai sur moi.

Prudent.

Le téléphone de la voiture sonna soudain. Al Mutadee Hadj Ali le regarda comme si c’était un cobra.

— Décrochez, bon sang, gronda Michael Hodges.

* * *

La circulation dans Bandar Sen Begawan était anormalement lente. Malko trépignait. Il lança à Guy Hamilton

— Appelez Hadj Ali dans sa voiture. Il y est peut-être.

Le Britannique ne discuta même pas. Il semblait ailleurs depuis l’irruption de Malko dans sa villa. A peine le numéro fut-il composé qu’on décrocha. Malko brancha le haut-parleur pour surveiller la conversation.

— C’est Guy, fit Hamilton. Où êtes-vous ? Que se passe-t-il ?

— Guy ! Je suis encore à Jerudong, mais le Sultan m’a convoqué. Je devrais déjà être en route, mais…

Il laissa sa phrase en suspens.

— Qu’est-ce que vous allez faire ? insista Guy Hamilton.

— Je file, fit le Brunéien d’une voix cassée. Vous savez bien que c’est foutu. Je n’ai pas envie de passer ma vie en prison. A l’extérieur je m’en sortirai.

— Et moi ?

Guy Hamilton en avait des larmes dans la voix.

— Faites comme moi, conseilla Al Mutadee Hadj Ali. Retrouvons-nous à Singapour, dans quelques jours. Vous savez où.

— Mais vous vous rendez compte… pleurnicha Guy Hamilton.

— Ecoutez, fit le Premier aide de camp, je prends la route de Tutong maintenant. Michael est avec moi. Si vous voulez, retrouvons-nous devant le Sheraton dans une demi-heure. Je vous emmène.

Il raccrocha aussitôt pour couper court aux jérémiades du Britannique. Souhaitant qu’il ne vienne pas.

* * *

Dégagée de la circulation de Bandar Sen Begawan, la voiture fonçait sur la route de Tutong, en direction de Jerudong Park. Après avoir raccroché, le Britannique se tourna vers Malko