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Je m’engage dans une ruelle silencieuse bordant des maisons aux façades hermétiques et sombres.

— Ce n’est pas par là, me dit Lucette, nous tournons le dos à l’institut.

— Je sais ; aussi bien je n’ai pas envie d’y aller, pour l’instant.

— Tu as peur de tomber sur les tueurs ?

— Plus ou moins. Demain il fera jour.

— Où allons-nous ?

— Chez une brave femme énervée de la culotte : la mère Sogrenut.

— La secrétaire d’Alex ?

— Exact.

— Tu la connais en particulier ?

J’élude l’embarrassante question.

— Elle est sympa, dis-je, je suis certain qu’elle nous donnera asile pour la nuit.

Lucette s’arrête et me défrime plein cadre.

— Mais enfin, chéri, on va nous rechercher ! Que pensera Alex de notre disparition après l’incendie de ma voiture ?

— Ce qu’il voudra.

— Il va croire qu’on nous a enlevés.

— Ce serait une bonne chose qu’il le croie.

— Il va alerter la gendarmerie, si ce n’est pas déjà fait.

— Je l’espère bien.

Elle hausse les épaules.

— J’espère que tu sais ce que tu fais, murmure-t-elle.

— Ne t’inquiète pas, mon ange, je le sais parfaitement.

Cinq minutes plus tard, nous sommes devant le logis de la dame Sogrenut. Je l’ai trouvé d’autant plus aisément que Lucette est déjà venue chez elle et me l’a désigné. Il y a de la lumière au rez-de-chaussée. Je frappe aux volets. Une exclamation qui me paraît être de joie me parvient. L’huis s’écarte et la Marinette qui marinait est là, superbe dans un déshabillé pour comédie américaine des années 30. Son pupitre à la mode de Caen pendouille sur son estomac. A travers le vaporeux, on distingue comme je te vois ses varices et vergetures (fluctuat nec vergeture).

Son sourire d’allégresse qui s’épanouissait jusqu’à son entre-deux Olida disparaît quand elle aperçoit Lucette.

Elle ouvre : deux grands yeux, une grande bouche plus tous les pores de sa peau et son anus.

— Mais que… mais quoi…

Je lui épargne le « mais qui… » déjà programmé en intervenant :

— Marinette, mon cœur, nous avons des problèmes, Mme Clabote et moi, pourriez-vous nous héberger pour la nuit ?

Elle referme sa bouche et, je gage, son trou du cul, stoppant ainsi le fâcheux courant d’air qui s’était créé.

— Entrez !

On entre dans un logis mieux que modeste sans être toutefois bourgeois. C’est meublé en style danois, ce qui constitue un moindre mal. C’est clair, avec des conneries sur les murs et un poste de TV japonais écran plat ; des fragrances (odeur suave) de haddock flottent encore dans la maisonnette.

— Seigneur, dans quel état êtes-vous ! exclame Marinette. Que vous est-il arrivé ?

— Un accident de voiture à l’entrée du pays.

— Grave ?

— Nous sommes là !

— Mais vous êtes plein de sang ! couine la dame Sogrenut.

Je m’approche d’un miroir et découvre que la première balle tirée dans le pare-brise m’a entaillé le lobe, et t’as rien qui saigne autant que l’oreille. Mon raisin a dégouliné le long de mon cou, imbibant ma limouille et mon col de veste. C’est pas grave, mais ça fait de l’effet.

La vioque, faut lui bayer quelques explicances, je sens. Un accident, bon d’accord, on est crottés et moi saignant, mais pourquoi lui demandons-nous asile au lieu de regagner nos pénates toutes proches ?

— Chère Marinette, lui dis-je, l’accident en question a été provoqué par une tentative d’assassinat sur nos personnes. Nous en avons réchappé de justesse et nous préférons terminer la nuit ailleurs que dans nos lits.

Elle blêmit.

— Vous assassiner ! Vous ! Et Mme Lucette ! Mais pourquoi ?

— Nous le découvrirons bientôt. Vous disposez d’une chambre d’ami ?

— Il y a celle du fils qui est au régiment.

— Parfait, Mme Clabote va y dormir.

— Et vous ? elle demande, mordue par une brusque jalousance.

Je lui calme les affres :

— Votre beau canapé ici présent fera mon affaire. Votre époux n’est pas là ?

— Pas encore, leurs répétitions ne finissent jamais avant minuit.

On monte au premier. La piaule dévolue à Lucette mesure douze mètres carrés à peine. Il s’agit d’une cellule tapissée de posters représentant des postères, ce qui donne vie à la chambrette. Marinette montre la salle de bains et va chercher une chemise de noye pour son « invitée ».

— Tu ne veux pas rester avec moi ? demande Lucette.

— Tu sais bien que chez cette brave femme, ce n’est pas possible : ta réputation volerait en éclats. D’ailleurs, quand la mère Sogrenut sera couchée, je sortirai.

— Pour faire quoi ?

— Des vérifications discrètes à l’institut.

— Tu as dit que ce pouvait être dangereux d’y retourner de nuit !

— Je prendrai mes précautions, ma chérie, ne te tourmente pas pour moi et dors !

On se quitte.

Je redescends au salon. Marinette m’y rejoint, déjà trémousseuse du fion de se sentir seule avec ma pomme. Elle me noue ses beaux bras de charcutière au cou.

— Oh ! mon beau mâle vigoureux ! déclame-t-elle.

La vache me fait un suçon au cou, moi qui ai horreur d’être ainsi composté par une frangine. Je trouve la chose vulgaire. Je lui filerais une mandale si je laissais aller ma rogne. Mais la pauvre chérie ne mérite pas d’être rebuffée en ce moment d’assistance.

— Tu as le téléphone, ma poule ?

— Qu’est-ce que tu crois !

Elle me montre l’appareil qu’on a judicieusement placé au bas de l’escadrin, lequel constitue en somme le cœur de la maison.

Je compose le numéro de l’institut et, déguisant ma voix, performance qui m’est aisée, je demande si M. Bérurier est là. On m’affirme que oui et me le passe.

— Ah ! c’est toi, exulte le brave des braves, j’m’d’mandais jusment ce dont t’étais d’venu. Sachant qu’ des vilains ont des patins après toi, j’commençais à m’cailler la laitance.

Puis, laissant toute inquiétude :

— On est en train d’s’ payer une d’ces parties de craquettes, mon pote ! T’sais, av’c la p’tite serveuse d’à midi. Plus salope qu’elle, y a qu’dans l’haute société ! La dévergond’rie, c’te gosse, on s’d’mande, bretonne comme elle est, où elle est été la pêcher. T’sais qu’é m’enfourne le radis noir jusqu’à la garde ! J’y touche la polyglotte du bout d’mon zob ! C’te furie. Violette est en train d’y mordiller la crête d’coq en y enfonçant son intermédius dans l’œil d’bronze. Un vrai travail, les mères ! On est fier d’êt’ français à les voir ébattre.

— Béru, soupiré-je, te serait-il possible de t’arracher à ces dégueulasseries pour venir me rejoindre à l’endroit que je vais t’indiquer ?

Et de lui refiler l’adresse de la mère Sogrenut.

— Tu m’attendras dehors, dans ta tire. Avant de venir, passe par ma chambre, dans l’un des soufflets intérieurs de ma valise tu trouveras une petite boîte chromée : apporte-la. O.K. ?

— C’est urgentissime, mec ? Je pourrerais pas terminer ces pécores à la lance d’arrosesage ? Tu me voirais, j’ai un pinoche monumental, incasable dans un bénouze d’honnête homme. M’faudrait des pantalons bouffants pour accueillir une asperge d’c’gabarit !

— Je veux que tu sois à dispose dans trente minutes, Gros ! Négocie avec ton membre.