Выбрать главу

Elle en éprouvait un sentiment de malaise, d’angoisse même. Se demandant si, pour quelque temps, elle ne devrait pas abandonner Londres pour retourner à Dubaï, où elle se trouvait sous la protection du cheikh. Plus elle y pensait, plus elle se persuadait que Sultan Hafiz Mahmood pouvait être derrière cette rencontre bizarre.

Finalement, elle prit son téléphone et composa le numéro de son vieil amant. Sûrement écoutée par les Pakistanais.

Le numéro sonna longuement avant qu’une voix de femme réponde. Une domestique, d’après l’accent.

— Ton maître est là ? demanda Aisha Mokhtar.

— Oui, je crois.

— Dis-lui que c’est un appel de Londres. Aisha.

Elle entendit qu’on posait l’appareil et quelques instants plus tard, la voix chaleureuse de Sultan Hafiz Mahmood éclata dans l’appareil.

— Aisha ! Quelle bonne surprise.

— Je pensais à toi, dit la Pakistanaise, sans mentir. Comment vas-tu ?

— Mal, sans toi. Alors, tu as décidé de venir ?

— Je t’ai dit que j’allais m’organiser, promit-elle. Tu es en bonne santé ? Pas de problème ?

Ils bavardèrent quelques minutes, puis Aisha Mokhtar posa la question d’un ton détaché :

— Est-ce que tu m’as envoyé quelqu’un à Londres ?

— Quelqu’un ? Qui ?

— Un prince autrichien, un certain Malko Linge.

— Je ne connais pas de prince autrichien, jura Sultan Hafiz Mahmood, et jamais je ne t’enverrais un homme. Tu les aimes trop…

Elle rit, partiellement soulagée. Il ne mentait pas… Puis elle raccrocha, au bout d’un moment. Il restait toutes les autres hypothèses. Pas rassurantes. Elle se demanda si elle allait réclamer la protection de Scotland Yard. Mais contre qui ? Un homme qui lui avait fait plusieurs fois merveilleusement l’amour…

*

*   *

Le club de l’ONU était presque vide. Deux grandes soirées diplomatiques, chez les Russes et les Japonais, avaient aspiré tous les « expats » d’Islamabad. Seules, deux tables étaient occupées dans le jardin. William Hancock était assis à l’une d’elles, en compagnie des deux gorilles.

— Vous avez mis la balise en place ? demanda-t-il à Malko.

— Absolument. Il y a du nouveau, de votre côté ?

— Il a fait son jogging ce matin. Rien de nouveau. Inutile d’attendre plus. Je programme l’opération pour demain. Il faut être en place à 7 h 45. Moi, je m’occupe de l’exfiltration. Les démarches ont été faites auprès des Pakistanais. Aucun problème. Bien entendu, vous laissez toutes vos affaires au Marriott.

— Il n’y a pas grand-chose, dit Malko. C’était prévu. Une question : les services pakistanais savent-ils que je suis là ?

— J’ai envoyé un mot au colonel Hussein Hakim, le représentant de l’ISI à Islamabad, pour lui dire que vous étiez ici pour une nouvelle piste Bin Laden. Donc, il ne va pas s’inquiéter.

Il avait réponse à tout.

À la fin du dîner, il commanda du champagne et le garçon apporta une bouteille de Taittinger, sous le regard respectueux des deux gorilles. Ils trinquèrent avec retenue. Malko n’aimait pas trop vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. La température avait un peu fraîchi. Il ne faisait plus que 35 °C.

— Où vais-je récupérer la Volvo ? demanda Malko.

— Elle sera garée sur Aga Khan, en face de l’hôtel. Voilà les clefs. Le matériel nécessaire est dans le coffre. Chris et Milton vous attendront un peu plus loin, au coin d’Ataturk Avenue, à côté de la voiture d’Hassan, qui aura le capot levé, comme si elle était en panne. D’autres questions ?

Malko se creusa la tête.

— Non, avoua-t-il. Il n’y a pas de problèmes possibles avec l’hélico ? Un refus pakistanais ?

William Hancock secoua la tête.

— Je ne vois rien. Sauf une panne imprévisible. Voici un téléphone sécurisé. Mon numéro d’appel est inscrit dessus. Vous pouvez me joindre à tout moment, sans crainte d’être intercepté. S’il sonne, répondez, ce sera moi.

Il lui tendit un petit portable que Malko empocha. Ils terminèrent la bouteille de champagne et se levèrent.

— Nous ne nous reverrons pas, dit-il simplement à Malko.

Bizarrement, celui-ci n’éprouvait pas trop d’appréhension. Le champagne, peut-être. Alors qu’il allait mener une opération hyper risquée dans un pays brutal…

*

*   *

Toujours 45 °C, et la Breitling de Malko indiquait sept heures du matin. Il n’avait pas pris de breakfast. Noué. La piscine était déserte et, dans le lobby, seuls quelques clients étaient en train de payer. Il sortit de l’hôtel et regarda autour de lui. Sur l’autre côté d’Aga Khan Road, plusieurs voitures étaient garées sur le bas-côté herbeux. Il remercia le portier qui lui proposait un taxi et traversa.

La Volvo grise était garée à vingt mètres. Il mit la clé remise la veille par William Hancock dans la serrure et ouvrit, se glissant dans la fournaise. Clim à fond, il fallut cinq bonnes minutes avant de retrouver une température humaine.

Il baissa les yeux sur sa Breitling. Sept heures et demie. Il démarra doucement. À l’intersection suivante, il aperçut la Morris de Hassan, capot levé, les deux gorilles debout à côté, avec leur chapeau de toile ridicule. En dix secondes, ils furent dans la Volvo.

— Où est le matos ? demanda aussitôt Chris Jones.

— Dans le coffre.

— Il faut le prendre tout de suite.

Malko stoppa dans l’avenue déserte et le gorille alla récupérer les deux fusils dans le coffre. Cinq minutes plus tard, ils étaient montés. Ils ressemblaient à des armes de chasse, avec un canon assez court. Chris et Milton y introduisirent les cartouches prolongées par une seringue hypodermique en plastique, remplie d’un liquide ambré.

— Et en avant pour la chasse à l’éléphant ! grommela Milton Brabeck. Vous êtes sûr que l’hélico sera là ?

Malko roulait lentement dans Kyaban-e-Iqbal, face aux premiers contreforts des Margalla Hills. Il y avait peu de circulation. Lorsqu’ils croisèrent l’avenue Shalimar, entre F7 et F6, il était huit heures moins dix. Le portable donné par le chef de station était dans la poche de la chemisette de Malko, ouvert. Il continua sur Siachin Road, en direction de la mosquée Shah Faisal. Il allait l’atteindre lorsque le portable sonna. Une voix neutre annonça :

— Le sujet principal vient de sortir de chez lui. Configuration habituelle.

C’est-à-dire que Sultan Hafiz Mahmood était suivi de deux gardes du corps… Malko tourna à droite, et fit demi-tour en face de l’immense mosquée. Ils avaient trente minutes devant eux. Personne ne parlait plus. Chris et Milton, leur fusil en travers des genoux, se concentraient. Tireurs d’élite tous les deux, ils ne pouvaient pas rater leur cible. Malko pensa soudain au principal.

— Et si Sultan Hafiz Mahmood détale dans les collines en hurlant ? demanda-t-il.

Chris Jones sourit.

— C’est prévu ! On doit l’endormir, lui aussi, s’il fait mine de filer. D’ailleurs, on devrait le faire de toute façon.

— Attends ! protesta Milton Brabeck, ce mec a soixante-cinq ans. Ça doit secouer, ces piqûres. Si on le ramène mort, ça ne sert à rien.

— Espérons qu’il n’aura pas le temps de réagir, soupira Malko. On se rapproche.

Il scrutait le trottoir de l’avenue, à la recherche de sa cible, lorsque le portable sonna à nouveau.

— Le sujet principal se dirige vers l’est, annonça la même voix. Même configuration.