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Leurs deux trajectoires allaient se rejoindre en un point déterminé à l’avance, où ils stopperaient. Le temps pour l’Anodad Naree de mettre un canot à la mer afin de transborder une douzaine d’hommes sûrs et de récupérer les papiers du Salinthip Naree. Ensuite, le faux Salinthip Naree continuerait vers la mer Rouge et le canal de Suez, selon l’itinéraire prévu pour le vraquier parti de Bangkok, tandis que le véritable Salinthip Naree ferait demi-tour, repartant vers la côte pakistanaise pour être démoli à Gaddani, sous le nom et avec les papiers de L’Anodad Naree. Les modifications de nom et de peinture seraient effectuées en pleine mer, tout de suite après que les deux vraquiers seraient repartis vers leurs destinations respectives.

Les hommes embarqués, des militants d’Al-Qaida, étaient là pour mater toute tentative éventuelle de rébellion de la part de l’équipage normal du vraquier. Ce qui était peu probable. Frustes, ces marins étaient vraiment des forçats de la mer et se moquaient éperdument de la destination de leur navire, du moment qu’ils étaient payés. Leur tâche consisterait à jeter à la mer la cargaison de riz destinée à Israël, car un navire qui va être démoli n’emporte pas de fret.

À Gaddani, l’équipage recevrait une prime et se disperserait. Toute l’opération était réglée comme un mouvement d’horlogerie, mais ne présentait pas de grosses difficultés.

Il était possible qu’un des deux vraquiers soit contrôlé durant la traversée de l’océan Indien par un navire de la Ve Flotte US. Le faux Salinthip Naree ne craignait pas grand-chose. Comme il s’agissait d’un cargo allant de Bangkok à Haifa sans escale, appartenant à une compagnie thaïe connue, une vérification superficielle de la cargaison montrerait qu’elle était conforme au manifeste de chargement.

Ses calculs terminés, le capitaine Lankavi rangea ses papiers, verrouilla sa cabine et gagna la dunette où son second, malais comme lui, et totalement acquis aux idées d’Al-Qaida, prenait le quart. Les deux hommes avaient été contactés deux mois plus tôt par un membre du groupe Abu Sayyaf qui leur avait demandé s’ils voulaient s’associer à une opération importante ayant la bénédiction du Cheikh. Leur rôle serait primordial, mais sans danger. Du moins, dans un premier temps. Car par la suite, ils deviendraient très vite des hommes traqués.

Ils avaient reçu quelques milliers de dollars, mais ce n’était pas leur motivation première. On leur avait expliqué qu’il s’agissait d’une importante livraison d’armes à destination de la résistance palestinienne et l’explication leur suffisait.

Le ciel était étoile, les machines ronronnaient et l’étrave fendait les vagues, avec parfois des creux de quatre mètres.

— Nous venons de croiser un navire de guerre américain, annonça le second, je lui ai communiqué notre chargement et notre destination.

— Bravo ! fit le capitaine.

Plus ils seraient contrôlés, moins il y aurait de risque que le faux Salinthip Naree le soit dans la partie finale de son trajet, les quarante milles nautiques des eaux territoriales israéliennes. La Navy israélienne recevait en temps réel toutes les informations recueillies lors des différents contrôles sur chaque navire. Donc personne ne chercherait midi à quatorze heures. Le Salinthip Naree, en provenance de Bangkok, venait livrer son chargement de riz, comme prévu. La durée du voyage, le navire, la cargaison, tout correspondait.

Seulement, ce ne serait pas le véritable Salinthip Naree qui se présenterait devant la côte israélienne, mais son sistership parti de Mogadiscio, avec sa mortelle cargaison. Le vrai Salinthip Naree serait déjà en train d’être découpé au chalumeau à des milliers de kilomètres de là.

*

*   *

Shapour Nawqui avait prié plus longuement que d’habitude à la mosquée de Newsbury Park, noyé dans la masse des fidèles. Si Allah le permettait, il reprendrait un avion le lendemain pour le Pakistan.

Ballotté par le métro, il suivait attentivement des yeux les stations. Le convoi arrivait à Knightsbridge. Le Pakistanais descendit et sortit à l’air libre, s’orientant rapidement. Cinq minutes plus tard, il parvenait à l’entrée de Belgrave Mews North. D’un coup d’œil, il vérifia que la Bentley n’était pas là. Donc, la femme qu’il avait pour mission d’assassiner était sortie et allait rentrer. Il entra dans l’impasse, marchant difficilement sur les pavés disjoints. À sa précédente visite, il avait repéré, juste à côté du 45, une maison en travaux, dont les ouvertures béantes étaient protégées par des bâches en plastique.

D’un coup de rasoir, il en fendit une et se glissa à l’intérieur, trouvant rapidement ses marques. Tapi derrière la bâche transparente, il distinguait parfaitement l’entrée de l’impasse. Très peu de véhicules s’y engageaient, le stationnement étant réservé aux riverains. Accroupi sur ses talons, Shapour Nawqui était strictement immobile, comme un félin guettant sa proie. Il avait déjà fait cela à plusieurs reprises et n’éprouvait absolument aucune émotion. Il sortit sa hache du sac où elle était dissimulée et en éprouva le tranchant avec le pouce. Il l’avait aiguisée grâce à du papier de verre très fin et, désormais, elle était coupante comme un rasoir. Sa force herculéenne ferait le reste. Il pouvait décapiter un homme d’un seul coup de hache bien asséné. Alors, une femme…

Son plan était clair. Sa mission accomplie, il s’enfuirait en jetant sa hache et gagnerait Knightsbridge. Dans un premier temps, il ne prendrait pas le métro où il pouvait y avoir des contrôles, mais s’enfuirait à pied avant de prendre un bus. En une heure, il aurait regagné son hôtel de Heathrow. Demain, il réserverait une place sur le premier vol pour le Pakistan. Il avait les horaires dans sa poche.

Il sursauta : une voiture venait d’entrer dans l’impasse. Les pinceaux blancs des phares illuminèrent les façades, puis les pavés. Ébloui, Shapour Nawqui n’était pas encore certain que ce soit la bonne voiture quand celle-ci s’arrêta en face du 45. Les phares s’éteignirent et il reconnut la calandre de la Bentley. Serrant fermement sa hache dans la main droite, il adressa une courte prière à Dieu et sortit de sa cachette.

CHAPITRE XVI

Le dîner Chez Momo, dans une ambiance joyeuse, semblait être venu à bout de l’angoisse d’Aisha Mokhtar. Elle avait dévoré et fait honneur au couscous adapté au goût britannique. Puis exigé que Malko dorme chez elle. Pas seulement pour sa protection, d’après son attitude.

Chaudry, le chauffeur, sauta à terre dès que la Bentley eut stoppé et courut ouvrir la portière arrière gauche de la limousine, tandis que Malko sortait de l’autre côté. Il jeta un coup d’œil vers l’entrée de Belgrave Mews North et aperçut un fourgon sombre qui venait de s’immobiliser. Scotland Yard veillait. Il fit le tour de la voiture pour rejoindre Aisha Mokhtar tandis que Chaudry ouvrait la porte du petit hôtel particulier. Très gaie, la Pakistanaise en profita pour se serrer contre lui en murmurant :

— J’ai très envie de vous.

Malko sourit dans la pénombre. Il avait connu des missions plus désagréables. Soudain, un bruit léger, venant du fond de la voie privée, lui fit tourner la tête et son pouls grimpa comme une flèche.

Une silhouette venait de surgir de l’obscurité et avançait rapidement dans leur direction. Il faisait trop sombre pour dire de qui il s’agissait, mais, instinctivement, Malko glissa la main sous sa veste et saisit la crosse du Beretta 92 offert par Richard Spicer. Il y avait une balle dans le canon et il suffisait de repousser le cran de sûreté pour qu’il soit prêt à tirer.