Un ange traversa la pièce en se tordant de rire… À moins d’être fou furieux, personne ne pouvait être volontaire pour aller à Mogadiscio… Même avec une armure. Les Britanniques étaient quand même fair-play : ils auraient pu ne pas mentionner la triste aventure de Kate Peyton. Lentement, Malko parcourut du regard tous les visages graves tournés vers lui. C’était un moment historique et ils l’avaient bien piégé. Il savait très bien que s’il disait non, et que l’engin nucléaire explose à New York ou ailleurs quelques jours plus tard, sa carrière d’espion était terminée et que lui-même ne se sentirait pas bien…
— Alors, demanda-t-il, quand avez-vous prévu mon départ ?
Il ressentit physiquement le soulagement des hommes assis autour de la table. Tous savaient le risque qu’il prenait et appréciaient. Il sembla à Malko qu’il y avait quelque chose qui ressemblait à de l’émotion dans la voix de Sir George Cornwell, lorsque le patron du MI6 dit avec un tout petit peu d’emphase :
— Je vous remercie au nom de la reine.
Malko ne trouva rien à dire. Après un court silence, le patron du MI6 ajouta :
— Puis-je vous faire une suggestion ?
— Certainement.
— Vous devriez partir à deux. Malko faillit s’étrangler.
— À deux ! Mais pourquoi ? C’est Ellis MacGraw qui répondit.
— Les rares journalistes et humanitaires vont toujours par couple… Un homme seul risque d’être repéré immédiatement par des miliciens et d’avoir plus de problèmes…
— Et qui serait ma partenaire ? demanda Malko. Richard Spicer répondit d’une voix hésitante :
— Il me semble que miss Aisha Mokhtar n’a rien à vous refuser. Et puis, elle parle urdu et arabe. Cela peut servir là-bas.
Évidemment, c’était bien vu. Sauf qu’Aisha Mokhtar n’était pas vraiment kamikaze…
— Je veux bien lui demander, dit Malko, mais… Sir George Cornwell le coupa sèchement :
— Il ne faut pas lui demander. Elle n’a pas le choix : ou elle part avec vous, ou elle couche ce soir en prison. Pour complicité dans une entreprise terroriste. Je pense qu’elle a entendu parler de Guantanamo…
Vu comme cela, c’était différent. Entre Mogadiscio et Guantanamo, on pouvait légitimement hésiter… Sir George Cornwell regarda sa montre.
— Il est trois heures. Un Gulfstream attend à Heathrow, prêt à décoller avec un préavis d’une heure. Il faudrait que vous arriviez à Nairobi demain matin très tôt, de façon à pouvoir repartir immédiatement de Wilson Airport pour Mogadiscio. Ellis va vous briefer et vous donner les contacts indispensables dans l’avion. Il voyagera avec vous.
— Je vais m’y rendre sous mon vrai nom ?
— Oui. Je pense. Votre passeport autrichien vous assure une très relative protection. L’Autriche est un pays neutre. Aisha Mokhtar utilisera son passeport pakistanais.
— De quoi ai-je besoin ?
— D’argent et de chance, répondit Ellis MacGraw. Même pas besoin d’arme. Il est préférable de sous-traiter votre sécurité aux miliciens locaux, selon la coutume, pour quelques centaines de dollars par jour. Des questions ?
— Non.
— Vous avez déjà été à Mogadiscio ?
— Oui.
— Parfait, vous ne serez pas dépaysé. L’enfer a de multiples facettes.
Tous les participants à la réunion se levèrent d’un seul bloc comme le Politburo soviétique, et Richard Spicer vint vers Malko et prit sa main dans la sienne.
— Je suis fier de vous, dit-il. Il semblait sincère.
Aisha Mokhtar lisait Vogue quand Malko débarqua chez elle.
— Alors, c’était important, cette réunion ? demandât-elle.
— Oui, d’autant que cela vous concernait en partie. Elle pâlit.
— Moi ?
— Oui. Scotland Yard a décidé que vous deviez quitter la Grande-Bretagne pour le moment.
La Pakistanaise se décomposa.
— Ils veulent me renvoyer au Pakistan ?
— Non. Au Kenya. Et je pars avec vous. Le visage d’Aisha Mokhtar s’éclaira.
— Au Kenya ! C’est merveilleux ! Il y a plein d’animaux là-bas. Des lions, des tigres, des éléphants… Je vais aller chez Harrod’s m’acheter des tenues tropicales.
— Nous partons maintenant, en avion privé, précisa Malko suavement, sans lui préciser qu’il n’y avait pas de tigres au Kenya. À mon avis, si vous arrivez à faire une valise en un quart d’heure, ce sera parfait. Et emportez vos deux passeports.
Subjuguée, Aisha Mokhtar alla prendre dans un placard une valise Vuitton et commença à la remplir. Malko avait un peu honte, mais, après tout, on ne fréquente pas Oussama Bin Laden sans prendre certains risques. Il s’assit dans un fauteuil et, dix minutes plus tard, Aisha Mokhtar annonça, toute fière :
— Ça y est, je suis prête !
Il prit sa valise et, cinq minutes plus tard, ils fonçaient vers Heathrow dans une Rover banalisée, escortés par une voiture de Scotland Yard munie d’un gyrophare.
— Comme c’est excitant, soupira Aisha Mokhtar, j’ai l’impression d’être la reine d’Angleterre…
Où va se nicher le romantisme… Ils mirent moins de trente minutes pour atteindre l’aéroport et la Rover pénétra directement sur le tarmac pour s’arrêter en face d’un biréacteur. Ellis MacGraw les attendait à côté de la passerelle et Malko fit les présentations. Ensuite, le chef de cabine monta leurs bagages et ils embarquèrent. L’appareil comportait huit sièges dont deux, au fond, se transformaient en couchettes. Discret, le chef de poste du MI6 s’installa à l’avant et ils décollèrent immédiatement. Aisha Mokhtar, subjuguée par cette atmosphère de luxe, ronronnait. La nuit tomba après le dîner. Délicate attention : on leur servit du Taittinger bien glacé. Aisha s’épanouit encore plus. Le MI6 savait vivre. Ellis MacGraw se tassa sur son siège et ne donna plus signe de vie. Le chef de cabine s’était retiré à l’avant, derrière la cabine de pilotage.
La Pakistanaise glissa soudain une main sous la chemise de Malko et, sa bouche contre la sienne, murmura :
— Je n’ai encore jamais fait l’amour en avion… Comme quelques centaines de millions de personnes…
À moitié allongée contre Malko, sa jupe était remontée, découvrant sa cuisse et l’attache de ses bas. Elle était quand même très excitante. Comme une chatte fait sa toilette, elle entreprit patiemment d’éveiller la libido de Malko, avec toute la technique qu’elle maîtrisait parfaitement, sans se soucier le moins du monde de la présence du fonctionnaire du MI6. Au contraire : Malko avait l’impression que sa présence accroissait son excitation. Ils avaient tout juste atteint l’altitude de croisière, et déjà Malko profitait d’une fellation digne de la reine de Saba. C’était quand même très bon avant Mogadiscio…
Aisha se redressa soudain, releva sa jupe et se retrouva à califourchon sur lui, toujours habillée. Avec dextérité, elle saisit le membre qu’elle venait de si bien préparer et le glissa dans son ventre, s’empalant d’un coup, avec un soupir d’aise. Ensuite, presque sans bouger son torse, elle se frotta d’avant en arrière, puis se pencha sur lui et dit à voix basse :
— Tu sais ce dont j’ai envie ? Il le savait.
Ce fut un peu acrobatique. De nouveau, elle changea de position, redressant le dossier du siège couchette pour s’y appuyer. Malko, agenouillé derrière elle, écarta son string et s’enfonça dans sa croupe d’une seule poussée.
— Oui, viole-moi ! J’ai mal, gémit la Pakistanaise. Elle respirait de plus en plus vite. Soudain, sentant Malko se répandre en elle, elle poussa un hurlement qui couvrit le bruit des réacteurs. Gentleman jusqu’au bout des ongles, Ellis MacGraw ne tourna même pas la tête.