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— À quoi penses-tu ? demanda Greta.

— À ce que j’ai à faire, dit-il. Ce n’est pas facile.

Elle fuma en silence un moment, puis demanda :

— Je voudrais te demander quelque chose.

— Quoi ?

— Emmène-moi demain avec toi.

C’était si inattendu qu’il ne put dissimuler sa surprise. Greta eut un sourire contrit.

— Je sais, c’est fou. Mais je m’ennuie ici. J’ai fait une erreur en venant à Paramaribo. Je croyais découvrir un monde nouveau, l’aventure, je me retrouve dans un bureau, comme à Rotterdam, et des hommes qui rôdent pour coucher avec moi entre deux portes. Tu es différent. Je ne sais pas vraiment ce que tu fais, mais je voudrais participer une fois dans ma vie à quelque chose qui me fasse le même effet que lorsque je fais bien l’amour…

Sa sincérité était si évidente que Malko en eut la gorge serrée. Il lui caressa doucement les cheveux.

— Je ne peux pas. C’est dangereux.

Elle demeura silencieuse, puis secoua ses cheveux noirs comme si elle voulait oublier tout ce qu’elle avait dit.

— Bien, on va dormir. Demain matin, je vais au bureau à sept heures et demie. Je reviens vers deux heures. Tu seras encore là ?

— Oui. Promis.

Elle se pencha et posa ses lèvres sur les siennes.

Herbert Van Mook regarda le ciel couvert, pris d’une brusque angoisse. C’était le jour décisif. Rachel dormait encore, ainsi que Selim, le chauffeur. Rien de suspect autour de la ferme. Ayub, le barman, n’avait pas eu le temps de nuire. Il s’étira. Si tout se passait bien, dans quelques heures, il serait milliardaire.

Il commença à s’habiller et glissa dans sa botte un petit automatique 32 avec une balle dans le canon. Éric apparut, les traits tirés, des poches sous les yeux.

— J’ai pas pu dormir, dit-il, je suis crevé.

Herbert Van Mook posa sur lui son regard glacial.

— Tu as eu tort, parce que tu ne vas pas beaucoup dormir la nuit prochaine.

Lui, il le larguerait dès que l’or serait chargé sur le bateau. Comme Dutchie. Seul, son commanditaire posait des problèmes. Mais une fois en possession de l’or, il était le plus fort. Il secoua Rachel qui s’éveilla en sursaut :

— On décolle dans deux heures.

* * *

Malko regarda sa montre : six heures moins dix. La nuit allait tomber dans une demi-heure. Cristina venait d’appeler pour confirmer qu’il n’y avait aucun changement. Il avait dormi jusqu’à onze heures. Réaction à la trop grande tension de ses nerfs. Puis Greta Koopsie était revenue avec des fruits frais. Ils avaient déjeuné et refait l’amour. Plus simplement cette fois. Presque avec gravité.

Ils avaient somnolé durant les heures chaudes et depuis un moment, ils ne parlaient plus, Malko, pris par ce qu’il allait faire et la jeune Hollandaise préférant ne pas penser qu’ils allaient se quitter. Un peu comme les gens qui se séparent dans un aéroport, qui auraient des tas de choses à se dire et qui demeurent muets.

Greta vint se blottir contre Malko et ils restèrent enlacés tandis que la nuit tombait brutalement. Malko bouillait d’impatience. Il avait beau savoir que rien ne se passerait avant plusieurs heures, il avait hâte se retrouver les autres, de vérifier que tout avait été fait. La jeune femme le sentit et dit avec douceur :

— Il faut que tu t’en ailles, n’est-ce pas ? Vas-y.

Elle l’accompagna jusqu’à sa voiture et au dernier moment, l’étreignit à lui briser les os. Puis, elle s’enfuit en courant dans l’escalier extérieur, sans même se retourner.

Les phares de la Mitsubishi éclairèrent le sentier. Le cœur de Malko battait la chamade, mais il se sentait très calme. Il allait affronter, non seulement l’armée surinamienne, mais aussi ses complices. Il était certain qu’un homme comme Herbert Van Mook n’avait qu’une idée en tête : le tuer et partir avec l’or. Les autres ne valaient guère mieux. Ils ignoraient que Malko, lui aussi, connaissait l’âme humaine.

Chapitre XII

Dutchie traînait depuis un bon moment à côté de la poste. C’est là que se retrouvaient tous les marginaux de Paramaribo, à la recherche d’un peu d’aventure. Le téléphone international ne fermait qu’à dix heures du soir et beaucoup d’étrangers venaient essayer d’appeler leur famille après leur travail. Dutchie avait repéré un jeune Coréen qui lui plaisait bien. Un peu plus loin, garées sur le terre-plein de la station Esso fermée, des voitures attendaient portières ouvertes, la radio ouverte à plein. Ça, c’étaient les dragueurs de filles. Un tour au Skorpio en face du Krasnapolski, et ensuite direction les berges de la Surinam. Les filles n’étaient pas farouches et, chauffées par la musique et le rhum, se laissaient facilement culbuter. Dutchie regarda sa montre, contrarié. Le jeune Coréen, ce ne serait pas pour ce soir. Pas question de désobéir à Herbert Van Mook.

Il monta dans sa vieille Toyota et prit la direction de la sortie de la ville. Rita Moengo se couchait toujours tôt. Maintenant, elle devait dormir. Elle lui avait dit une fois qu’elle se levait à six heures du matin pour jouer au tennis. Effectivement, la villa était éteinte. Dutchie se sentait quand même un peu inquiet. Aussi avait-il pris son couteau à cran d’arrêt. Il s’approcha de la grille.

Dans tout le quartier, des chiens aboyaient. C’était la plaie de Paramaribo. Si le petit bâtard de Rita Moengo entendait Dutchie et se joignait au concert, elle risquait de se réveiller. Les yeux écarquillés, le jeune mécano scruta l’obscurité et aperçut une silhouette qui descendait les marches et s’approchait de la grille : le chien.

Celui-ci remua la queue, passant sa truffe à travers les barreaux. Dutchie le caressa et, d’un bond, escalada la grille, le cœur dans la gorge. Pas un bruit. Le chien l’escortait, lui donnant de grands coups de langue. Dutchie savait que la secrétaire dormait les fenêtres ouvertes, n’ayant pas de climatisation.

La porte du salon était ouverte. Il s’y glissa, guidé par le clair de lune, s’arrêta, écoutant le bruit régulier de la respiration de Rita Moengo qui troublait le silence. Il chercha à se repérer, se demandant où, d’habitude, elle posait son sac. Il le trouva assez vite, sur une table basse, à côté du lit. C’était le plus dur. Le chien l’observait, immobile. Dutchie n’en pouvait plus, la bouche sèche, s’attendant à chaque seconde à ce qu’il aboie. Il plongea doucement la main dans le sac, farfouilla et, d’un coup, sentit les clefs.

Doucement, il les retira, entre deux doigts. C’est le moment que le chien, qui avait envie de jouer, choisit pour pousser son museau contre son poignet.

Surpris, Dutchie lâcha les clefs qui tombèrent bruyamment sur le plancher ! Avec un grognement, la secrétaire se dressa dans son lit et cria :

— Titus ! Tu as fini !

Si Dutchie avait eu un peu de présence d’esprit, il aurait ramassé les clefs et filé, mais il demeura figé, le cœur cognant contre ses côtes. Brusquement, une lumière violente illumina la chambre. La dormeuse le fixait, ébahie, son buste volumineux moulé dans une nuisette de satin noir, finalement, assez appétissante. Elle aurait fait de l’effet à n’importe quel homme, mais Dutchie avait son petit Coréen dans la tête. Il ne vit que le visage crispé d’abord par la peur, puis par une intense surprise.

— Dutchie ! Mais qu’est-ce que tu fais ici ?

La voix s’était adoucie sur le « ici ». Rita Moengo était prête à croire que le mécano venait lui rendre un hommage impromptu à la suite des avances qu’elle lui avait faites. Dutchie ne bougeait plus, n’osant pas ramasser les clefs, ni fuir. Herbert Van Mook était capable de le tuer s’il revenait sans. La secrétaire choisit de sourire.