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— J'ai vu bien des carnavaux, déclare Béru, mais je dois admettre que çui-ci n'est pas dégueulasse, chère maâme.

— C'est beau, oui ! approuve Félicie, qui a de tout petits yeux à cause de sa nuit-presque blanche.

— Tu crois qu'on passera inaperçus avec nos déguisements ? me demande le Gros.

L'imbécile ! V'là qu'il vient de vous manger le morceau. Moi qui ne voulait vous affranchir qu'au dernier moment pour vous emménager la surprise… Enfin peu importe, ce sont en effet des travestis que Félicie est allée nous empletter à l'ouverture des boutiques. Elle a acheté un bath costume de gladiateur au Gravos, avec cuirasse en carton argenté véritable, heaume à changement de vitesse, poignets de force, jupette de mailles et tout. Pour moi, un domino avec une tête de pierrot blême. Elle sait que je joue sobre. D'ailleurs, dans le tandem, c'est toujours Béru qui fait l'Auguste et moi le Pierrot discret, vous remarquerez…

On se fait délester un peu plus loin que l'entrée principale du palace. Une porte donne sur la piscine. De là, par le service, on peut appeler les ascenseurs. C'est prévu pour les clients qui descendent se baquer en maillot, ainsi, ils n'ont pas besoin de traverser le hall. Par mesure de sécurité, nous entrons sans Félicie et nous demandons au liftier de nous cracher un étage au-dessus du nôtre.

Nous v'là peinardement dans la place.

— Rabattons-nous dans la turne de Félicie, décidé-je, j'ai certains coups de grelot à donner et je ne peux décemment pas appeler de ma chambre.

On se pointe donc au Félicie's office. Je dégoupille le combiné et je demande le numéro de la propriété de Vosgien. C'est Valéry qui répond. Il est angoissé à cause de l'absence de Carole. Je le rassure et lui apprends qu'elle a dormi au Copacabana. Il explose alors en me traitant de suborneur, de menteur, d'arnaqueur. Il m'accuse de les avoir laissé molester par Béru, et d'un tas de choses plus coriaces encore. Je le laisse se vider, et puis je parle. Et ce que je lui dis lui glace le raisin dans les pipe-lines, faites-moi confiance. Je lui raconte que Martial Vosgien est mort et leur attentat désamorcé. Que son futur, à lui, Valéry, ressemble à un mur de cabinet d'aisances public, et que s'il ne se tient pas extrêmement à carreau, il risque, non seulement de ne jamais revoir la France, mais de ne plus très bien voir le Brésil non plus, pour la bonne raison que si on raconte dans la presse la manière dont ils ont vendu la mèche de l'attentat, ses potes se cotiseront pour leur offrir un tueur à gages diplômé avec tous ses accessoires, à Staube et à lui.

Pétrifié, il n'en décoince plus une syllabe à l'autre bout. Ce que n'entendant plus, je lui dis que s'il continue de se montrer coopératif, tout se passera bien et qu'il pourra aller se refaire une situation en Argentine ou dans la périphérie vu que l'agriculture y manque de bras, et les bœufs de bouviers. En fin de blabla, je lui place la question qui me turlupafe.

— Qu'est-ce que vous avez donc manigancé encore avec le dénommé Apucara ?

Sa surprise m'est perceptible Sans le secours d'un compteur Geiger.

— Po… pour… pourquoi ? parvient-il à expectorer.

— Je vous pose la question ! reprends-je sèchement.

— Eh bien, ce malfaiteur dangereux… très dangereux…

— Je sais

— … Voulait savoir où était parti Martial…

— Je sais toujours.

— Je…

IL s'arrête. Le réputé San-Antonio (des prouesses parisiennes) prend le relais :

— Et vous l'avez adressé à ce bon Hilario Freitas que vous juriez ne pas connaître !

— Eh bien, c'est-à-dire…

— Vous saviez qui était Hilario Freitas ?

— Heu… oui.

— Pourquoi alors lui avoir expédié Apucara dans les pattes ?

— Je connaissais les activités de Freitas et comme je croyais que c'étaient les barbouses qui avaient liquidé le patron, il me semblait naturel de…

Ça me prend à toute flèche. Je raccroche sans même lui recommander d'aller se faire dilater l'orifice chez les Grecs. Je me tourne vers Béru et j'aboie :

— Bon Dieu de merde, Gros, on a été interrompus dans la cellule au moment où t'allais me dire ce que tu manigançais chez Hilario Freitas et, depuis, on n'a pas eu l'occasion de reprendre l'entretien !

— Ben, c'est pas marle, Mec. J'allais le parfumer au sujet de l'attentat.

— Comment ça ?

— Ben, c'était le chef des agents français au Brésil !

— Hein ?

— Nature ! Le Vieux m'avait filé ses coordinations comme quoi en cas de tabac quelconque fallait que je m’adressasse à cécolle. Voilà que j'arrive chez lui, la porte était ouverte. J'entre et je le trouve naze. Pour le coup je carillonne les voisins, et…

Je saute sur place. Je trépigne. Je désordonne. Je gesticule ! Je rage. J'enrage. J'orage. Et je rigole idem malgré tout, parce qu'un grand, un beau, un immense canular, même si l'on en est victime, ça demeure une sorte d'œuvre d'art, mes fils, n'oubliez jamais ça.

Machinchouette, le voyage payé, tout le bigntz : une combine du Vieux pour me faire partir. Une machiavélerie de ce salaud de Tondu. Le micro dans le bouquet ! Le poste de guet chez la vioque, de l'autre côté de la rue : du cinéma à grand spectacle ! Le Dabe voulait coûte que coûte que je retrouve Vosgien. Alors, il a employé les grands moyens ! Et Machinchouette me filait l'adresse d'Hilario pour que je coure porter à ce dernier les marrons que je retirerais du feu ! Sacré Machinchouette, va ! Où est-il allé pêcher cet excellent comédien, le dirlo ? L'idée de la raclée que j'ai servie au gars me plonge dans des transes de plus en plus hilarantes. J'y ai salement ébréché le clavier, à ce dégourdoche ! Il glaviotait ses dominos dans la suie de la mère Tapedur ! Oh ! ce que c'est drôle ! Oh ! comme j'aurais voulu assister à l'entrevue avec le Vioque, ensuite ! Être mouche et skatinguer sur le crâne au Surglacé pendant la séance ! Cette explication, madame !

— Mais t'arrêtes, oui, autrement sinon j'appelle un toubib ! s'égosille le Mastar.

Je me calme.

— Pourquoi tu ris de la sorte, San-A., fait l'Alarmé. J'ai idée que tu yoyotes des cellules depuis qu'on a z'été à cette grand-messe dansée ! Ils jetteraient pas des harengs-saurs, des fois, pendant leur fiesta bougnoule.

— Penses-tu, c’est l'atmosphère du carnaval qui me porte à la rate !

— Alors, tu devrais en écraser, conseille-t-il, moi je trotte retrouver Fernande. L'insomnie, ça me porte toujours au bulbe, Gars, et je vais lui servir une platée de délices et orgues pour deux personnes avant d'en écraser.

Sur cette engageante promesse il sort, tandis que Félicie fait une entrée furtive et que j'appelle l'ambassade de France.

* * *

— Alors, tu crois que ça va s'arranger ? s'inquiète m'man après que j'eus raccroché.

— Je l'espère, l'attaché d'ambassade que j'ai eu me connaît de réputation et il a tout intérêt à coopérer, s'il ne veut pas que ça cacate, puisque Freitas était un agent français.

« On est en plein accord commercial avec le Brésil, et…

Le bruit d'une émeute me clôt le bec. Un moment je crois que c'est le carnaval qui passe, mais à la seconde audition, je me rends compte que ça se déroule dans l'hôtel.

Un pressentiment me poignant, je bombe vers la chambre du Gros.

Une fois de plus, la porte pend sur ses gonds et y a ramdam à l'intérieur.

Je m'y hasarde. Fernande est à poil dans la pièce en compagnie du flic qui vint nous appréhender (vous savez : le jugulé). Celui-ci est nu également et il a du mal à amortir les beignes qu'un gladiateur courroucé lui balance à tout va.