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— Ce sont des diamants ! affirme Odile.

— Dans la caisse du coq ! bée Berthe.

— Le magot de notre oncle Prosper ! gicle Laurentine.

Pour lors, Alexandre-Benoît Bérurier éclate en sanglots.

— Alors, c’était donc vrai, gémit la chère grande âme, c’était donc vrai, l’oncle Prosper, un receleur ! Un ténor du mitan ! Le Laurenzi n’était que son homme à tout faire !

— Qu’est-ce que tu racontes ? glapit la cousine au turban sanglant. Insulter encore la mémoire de nos défunts… C’est une manie chez toi, espèce de mécréant !

Le Gros paraît en état second. Je le vois se dresser, mécaniquement, avec des grâces de robot. Il s’approche du coq, le saisit à deux mains. Mongénéral, croyant à une caresse, se pavane autant que sa convalescence le lui permet. Il essaie même un petit cocorico dérisoire qui ressemble aux roues d’un tramway dans un virage.

De sa large, de sa puissante, et noble, et velue, et terrible main droite, Bérurier empoigne le cou du coq et, floc, d’une simple torsion, il met le volatile hors vie. L’animal foudroyé pend dans sa main gauche, le bec ouvert sur un dernier spasme, les yeux déjà fixes, bien ronds, reflétant les diamants éblouissants…

— Alexandre-Benoît ! s’écrie Berthe.

— Gredin ! hurle Laurentine !

— Malheureux ! soupire Odile.

Y a que San-A. qui dit rien, vu qu’il a pigé le geste et sa beauté.

Bérurier s’avance vers sa cousine qui amorce un geste de parade, le croyant devenu fou.

— Laurentine, dit lentement le Gros, Laurentine, t’es une pauvre pécore, ton vieux était un sacré grigou qui déplaçait les bornes des prés et ta mère une charogne qui brouillait les ménages, mais pourtant, tous les trois, vous êtes des gens honnêtes. J’ai le regret de te le dire : notre oncle Prosper c’était un gangster, on va tout t’expliquer. Il est pas question que nous touchassions un sou de son héritage. Maintenant, sa fortune ira à la commune, et j’espère qu’avec tout cet argent mal gagné, elle construira des hôpitals, des routes, des stades, des hospices et des pissotières ; brèfle, tout ce qui peut embellir la vie du pauvre monde ou la soulager. Faut lui réhabiliter la mémoire, à ce salaud de Prosper, et réhabiliter aussi le nom des Bérurier.

Béru pleure abondamment, mais sa voix reste forte et noble.

— En ce moment, me dit-il, je comprends un peu ce qu’a pu se passer dans la tête d’Hildegarde à propos de l’honneur de son vieux, San-A. Oui, je comprends…

Il baisse son front honteux, puis jette Mongénéral encore tiède sur les genoux de sa femme.

— Plume-le et fais-le cuire au chambertin, Berthe !

Bérurier se redresse, comme le jonc après la foulure d’un pied.

— Et veille que ça soye bien de l’appellation contrôlée, recommande-t-il.

Il ajoute en caressant du bout des doigts le plumage de Mongénéral :

— Il le mérite !

FIN