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Paul Colize

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Playlist

Voici la bande son, par ordre d’apparition, pour accompagner et prolonger votre lecture.

CREAM, Spoonfull

CHUCK BERRY, Maybellene

GRAND FUNK RAILROAD, Paranoid

THE ROLLING STONES, The Last Time

CHUCK BERRY, Sweet Little Sixteen

CHUCK BERRY, Roll Over Beethoven

CHUCK BERRY, Johnny B. Goode

LITTLE RICHARD, Tutti Frutti

BILL HALLEY & THE COMETS, Rock around the Clock

JERRY LEE LEWIS, Great Balls of Fire

THE EVERLY BROTHERS, Bye Bye Love

ELVIS PRESLEY, Hard Headed Woman

ELVIS PRESLEY, Baby, Let’s Play House

CHUBBY CHECKER, Let’s Twist Again

THE BEATLES, Love me Do

THE SHADOWS, Apache

THE SHADOWS, Blue Star

THE SHADOWS, Nivram

THE SHADOWS, Little B

THE BEATLES, Please Please Me

JIMMY REED, You’ve got me Dizzy

JIMMY REED, Down in Virginia

MEMPHIS SLIM, Every Day I Have the Blues

LITTLE RICHARD, Lucille

EDDIE COCHRAN, Summertime Blues

THE BEATLES, Twist and Shout

THE BEATLES, I Want to Hold Your Hand

THE BEATLES, She Loves You

THE YARDBIRDS, For Your Love

THE ROLLING STONES, Satisfaction

THE ROLLING STONES, She Said Yeah

U2, Get On Your Boots

THE BEATLES, Norwegian Wood

THE WHO, My Generation

THE WHO, The Ox

THE ROLLING STONES, Paint It Black

U2, One

U2, With or Without You

CREAM, Steppin’ Out

THE BEATLES, Strawberry Fields Forever

PINK FLOYD, Arnold Layne

CREAM, Sunshine of Your Love

PEARL HARBOR, Girls Just Wanna Get Fucked All Night

THE BEATLES, A Day in The Life

PROCOL HARUM, A Whiter Shade of Pale

THE MOODY BLUES, Nights in White Satin

THE ROLLING STONES, Sympathy for The Devil

PINK FLOYD, Astronomy Domine

PINK FLOYD, Interstellar Overdrive

TOTO, 99

À ma mère,

qui savait si bien danser le rock’n’roll

C’est la CIA et l’armée qui ont lancé le LSD pour contrôler les gens et en fait, ils ont réussi à nous donner la liberté. Il ne faudrait pas oublier de les remercier. Le LSD a des façons mystérieuses de faire des merveilles, en tout cas ça marche foutrement bien. Si on lit le rapport du gouvernement sur l’acide, les seuls qui sont passés par la fenêtre étaient des militaires. Je n’ai jamais connu quelqu’un qui s’est jeté par une fenêtre ou qui s’est suicidé à cause du LSD.

JOHN LENNON, 1980

Je ne suis pas seulement là pour faire des disques et de l’argent. Je suis là pour dire quelque chose, et toucher les autres, et parfois, c’est un appel désespéré.

KEITH RICHARDS, Life

1

Un joli petit oiseau

Larry Speed débarqua à l’aéroport de Majorque le samedi 18 mars 1967 en milieu d’après-midi.

À la sortie de l’avion, il cligna des yeux, chaussa ses lunettes noires et ôta son blouson de cuir. Lorsqu’il avait quitté Tempelhof, quelques heures plus tôt, Berlin se perdait dans la brume et la température ne dépassait pas cinq degrés.

Le lendemain de l’enregistrement, il avait suggéré aux trois autres membres de Pearl Harbor de s’offrir quelques jours de vacances. Avec trois mille marks dans la poche et quinze mois de travail dans les jambes, il estimait que c’était plus que mérité. De plus, la cohabitation et la promiscuité prolongées avaient entraîné l’inévitable lot de tensions et de tiraillements. Il les avait convaincus qu’un peu de recul leur serait bénéfique.

Les autres avaient acquiescé.

Dans l’après-midi, il s’était rendu dans une agence de voyages sur le Kurfürstendamm. La gérante lui avait proposé Majorque, la Grèce ou Istanbul.

Goguenard, il lui avait adressé un clin d’œil et lui avait demandé de sa voix éraillée où il y avait le plus de putes à baiser.

La femme était restée de marbre et lui avait recommandé les Baléares, destination pour laquelle il restait des places disponibles dans l’avion du samedi.

Le jour venu, il avait empilé quelques affaires dans une valise, glissé sa Fender dans son étui et commandé un taxi pour l’aéroport. Il avait également pris soin d’emporter son tourne-disque portatif Teppaz et quelques 33 tours dont Fresh Cream, l’album du power trio qui tournait en boucle dans la chambre depuis trois mois.

Larry Speed, de son vrai nom Larry Finch, était le fondateur et le leader de Pearl Harbor, le groupe de rock qu’il avait formé trois ans auparavant, alors qu’il vivait encore à Battersea, un quartier de la banlieue sud de Londres.

Enfant illégitime, il n’avait pas connu son père, un coureur de jupons qui avait disparu du jour au lendemain, peu avant sa naissance. Il avait passé son enfance et la majeure partie de son adolescence au second étage d’une modeste maison de Queenstown Road, choyé par une mère omniprésente qui l’idolâtrait. Durant près de vingt ans, les quatre gigantesques cheminées de la centrale électrique construite sur le versant de la Tamise lui avaient servi d’horizon.

À l’inverse du mythe qui veut qu’un bassiste de rock soit un bagarreur intrépide, prompt à passer à tabac le premier contradicteur venu, Larry était un blanc-bec chétif, au visage émacié, au teint maladif et au courage limité.

Sous l’impulsion de sa mère, il avait suivi des cours de solfège et appris le piano à l’âge de huit ans. Quatre ans plus tard, il était passé à la guitare jazz, pour rapidement basculer vers la basse et suivre les pas de son modèle de l’époque, Charlie Mingus.

De sa formation classique, il avait conservé la rigueur et la précision. Il affirmait avec le plus grand sérieux que les lignes de basses les plus abouties avaient été composées par Jean-Sébastien Bach deux siècles auparavant et que personne ne l’avait surpassé depuis, sauf Jack Bruce.

Introverti, taciturne, misanthrope, il masquait son mal de vivre derrière un sourire cauteleux et des sarcasmes assassins.

Il subissait néanmoins de saisissantes métamorphoses lorsqu’il entrait en scène. Il devenait alors excentrique, enjoué et se mettait à gesticuler comme un forcené.

Peu avant seize heures, il arriva au Punta Negra, un hôtel flambant neuf perché sur une petite péninsule de la Costa d’en Blanes, à une vingtaine de kilomètres de Palma.