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– Je n’ai participé qu’à deux concours à Akureyri, dit-elle. La première fois, j’ai obtenu la deuxième place, et au concours suivant j’ai été éliminée car je n’ai pas pu participer.

– C’est ce que j’ai entendu dire. Ils en ont un peu parlé dans le Nord.

– On en parle encore ?

– Tu as eu un accident de voiture ou quelque chose comme ça, non ?

– Ce n’était pas un accident, dit Stella. Depuis, je boite. Mais je préfère ne pas en parler. J’espère que tu ne vas rien écrire là-dessus.

Je me tus.

– Tu as parlé à Bettý ? demanda-t-elle tout à coup.

– Bettý ? dis-je.

– C’est elle qui a gagné le concours, dit-elle. Le dernier auquel j’ai participé.

– Oui, dis-je, sans savoir si je devais avouer que je connaissais Bettý ou pas.

– J’ai entendu aux infos qu’ils ont retrouvé son mari, dit Stella. Il était porté disparu depuis de nombreuses semaines.

– Oui, l’armateur ? dis-je. J’ai entendu ça aussi à la radio en venant ici. C’était le mari de Bettý ?

– Elle a toujours voulu s’en dégoter un riche, dit Stella.

– Quel genre de fille c’était, cette Bettý ?

– Bettý, c’était une foutue coureuse, dit Stella, et son visage se durcit. C’était une gouine, tu le savais ? Elle couchait aussi bien avec des gars qu’avec des filles quand je l’ai connue.

Je secouai la tête.

– Je me souviens d’une fille au concours, qu’elle avait embobinée. C’était une fille tout ce qu’il y a de plus normal qui habitait à Dalvík. Après avoir connu Bettý, elle s’est métamorphosée et ne jurait plus que par elle. Elle est comme ça, Bettý. Elle met le grappin sur les gens et elle ne les lâche plus. Elle a essayé avec moi, un jour. Elle était assez douce et désinvolte, mais j’avais honte pour elle. Et ça n’a pas changé. Tu pourras lui dire si tu la vois.

– Vous n’étiez pas amies, on dirait, fis-je pour dire quelque chose.

– Tu n’as jamais entendu parler de ce qu’elle m’a fait ?

Je secouai la tête.

– Je ne veux pas que tu l’écrives, mais c’est bien que tu le saches si tu la vois. Elle a toujours nié, mais je sais que c’était elle. Elle et son petit ami.

– Son petit ami ?

– C’était une foutue garce, Bettý.

– Quel genre d’homme c’était ?

– Elle a toujours voulu devenir riche, dit Stella. Elle semblait m’avoir oubliée. Elle y est parvenue à la fin. Elle va hériter une fortune, hein ?

J’allais répondre, mais elle me coupa la parole.

– Ça me met toujours en colère quand je pense à ce qui s’est passé.

– Quoi ? Qu’est-ce qui s’est passé au juste ?

Stella leva une jambe et se frotta la cheville.

– Ils ont été obligés de la fixer avec des broches, dit-elle. Je ne peux pas la bouger.

– La cheville, tu veux dire ?

– Oui, la cheville. Elle est en miettes. Ils l’ont rafistolée, mais elle est toute raide. Je ne peux plus la bouger. C’est comme un pied bot. C’était deux jours avant le concours. J’étais sortie et je descendais en vélo à Oddeyri. C’était tard dans la soirée et il n’y avait personne sur la route, quasiment pas de circulation. Tout à coup, j’ai entendu une voiture derrière moi. Je me suis rangée tout au bord. Il n’y avait pas de trottoir. J’ai regardé en arrière et j’ai vu que la voiture roulait à toute allure et ensuite, tout à coup, elle a fait un écart dans ma direction et m’a renversée avec mon vélo. La cheville était entre le garde-boue et la roue. Elle s’est fracturée en plusieurs endroits.

Elle se tut.

– Il aurait pu me tuer.

– Il ?

– Oui, son ami, à Bettý. Je l’ai vu avant qu’il ne me renverse. Je l’ai dit à la police. Ils l’ont interrogé, mais il a toujours nié. La police n’a rien pu faire. Je ne pouvais rien prouver.

– Et tu sais qui était cet homme ?

– Oui.

– C’était qui ?

– Son petit ami ? L’ami de Bettý ?

– Oui.

– Il s’appelait Léo.

– Léo ?

– Oui, Léo. Il est d’ici, de Reykjavík.

Ce fut pour moi comme si le temps s’arrêtait. Je fixai les yeux sur elle et je ne compris pas tout de suite ce qu’elle disait. Je ne comprenais pas ce que ça signifiait, mais je savais que c’était quelque chose d’épouvantable. Quelque chose de terrifiant. Léo et Bettý ! Je l’ai fait répéter trois fois.

– Ça ne va pas ? demanda-t-elle.

– Non, aïe !… Je me suis mordu la langue.

Il fallait bien que je dise quelque chose. J’étais rouge comme une pivoine et j’en avais les larmes aux yeux.

– Comment tu sais que c’était Léo ? balbutiai-je en simulant une douleur à la langue.

– Comment je sais que c’était Léo ? fit Stella en écho à mes paroles. Elle m’a appelée quand elle a gagné le titre. Elle a appelé l’hôpital. Elle m’a demandé comment allait ma jambe. Elle était comme ça, Bettý. Complètement fêlée. En fait, je crois qu’elle avait dû se droguer. Et ensuite, elle l’a dit. Elle l’a tout simplement dit.

– Elle a dit quoi ?

– Que Léo me donnait le bonjour. Elle a dit : “Tu as le bonjour de Léo.”

Nous nous tûmes. La porte s’ouvrit et deux enfants se précipitèrent vers leur mère.

– Ensuite, elle m’a raccroché au nez, dit Stella en se frottant doucement la cheville.

Je lorgnai vers la glace dans la salle d’interrogatoire.

– Elle est derrière ? m’écriai-je.

– Du calme, dit Lárus. Il n’y a personne derrière.

– Ne recommence pas ton cirque, Sara, dit Dóra. Ça n’apporte rien. Tu le sais. Sinon, tu vas retourner directement dans ta cellule.

– Qu’est-ce qu’elle vous a dit ?

– Bettý n’est pas là, dit Lárus. Du calme !

Je me levai doucement et ne quittai plus la glace des yeux. Ils se levèrent tous les deux. La porte de la cellule s’ouvrit et le gardien apparut dans l’ouverture.

– Du calme, dit Dóra d’une voix apaisante.

– Qu’est-ce que tu leur as dit ? m’écriai-je devant la glace.

– Assise ! ordonna Lárus, requérant des yeux l’aide du gardien de prison.

– Assieds-toi, dit Dóra très calmement. Il n’y a personne derrière la glace. C’est ton imagination. Et s’il y avait quelqu’un, ce ne serait certainement pas Bettý. Crois-moi. Bettý ne pourrait jamais être là derrière la glace.

Je me calmai un peu et la regardai.

– Tu ne me mens pas ?

– Non, dit Dóra.

– Tout le monde me ment, dis-je. Tout le monde m’a menti depuis le début.

– D’accord, dit Dóra. Assieds-toi et nous allons parler de ceux qui t’ont menti.

– Tout le monde m’a menti tout le temps, dis-je.

La tension qui régnait dans la pièce diminuait. Le gardien de prison qui se tenait dans l’ouverture de la porte hésitait. Dóra lui fit signe de s’éclipser. Lárus se rassit. Dóra et moi restions debout et nous nous regardâmes dans les yeux. J’eus l’impression qu’elle me comprenait. Je me calmai et m’affaissai sur mon siège.

– Tout le monde me ment, répétai-je.

– Nous avons le témoignage d’un homme, dit Dóra avec prudence. Il a entendu dire certaines choses sur toi par Tómas Ottósson Zoëga. Je vais te dire ce que c’est, mais il ne faut pas que tu t’excites. C’est compris ? Sinon, tu retournes directement dans ta cellule.