Выбрать главу

— S’il risque de lui faire du mal, tu veux dire ? Non. Je ne pense pas. Du moins, pas directement. Pas physiquement. Ray est quelqu’un de compliqué, c’est même un salaud de première, mais pas un monstre. Il aime Tess, à sa manière.

— Elle est censée revenir vendredi. Il vaudrait peut-être mieux attendre jusque-là, histoire de voir comment il se comportera une fois qu’il aura eu l’occasion de se calmer. S’il insiste pour la garder, on avisera à ce moment-là.

— S’il arrive quelque chose de mauvais à Blind Lake, je veux avoir Tess avec moi.

— On n’en est pas encore là. Mais même si Tess ne court aucun danger, Marguerite, ça ne veut pas dire que toi, tu es en sécurité. Quand Ray vient ici chez toi, cela devient du harcèlement. Il est sur une mauvaise pente. Tes serrures ont un niveau d’intelligence élevé ? »

Elle haussa les épaules. « Pas vraiment. Je peux générer une nouvelle clé, j’imagine… mais Tess ne pourra plus entrer sans moi.

— Génère une nouvelle clé et mets à jour la carte de Tess même si cela t’oblige à aller à son école. Et reste sur tes gardes. Ferme ta porte à clé quand tu es seule et ne l’ouvre pas sans avoir vérifié qui sonne. Assure-toi d’avoir en permanence ton serveur de poche à portée de main. En cas d’urgence, appelle-moi, ou appelle Élaine, ou même ce type de la Sécurité, mmmh, ah, oui, Shulgin. N’essaye pas de gérer cela toute seule.

— Tu donnes l’impression d’avoir déjà vécu ce genre de situation. »

Il partit sans répondre.

Au Sawyer’s, Chris s’appropria un box isolé loin de la vitrine. Il n’y avait pas grand monde. Chris présumait que le cuisinier et les deux serveuses ne venaient guère plus que par habitude. Le menu ne proposait que trois sandwiches : jambon, fromage et jambon-fromage.

Élaine arriva en même temps que Sébastian Vogel et Sue Sampel. Tous trois s’assirent en regardant Chris avec appréhension. Dès que la serveuse eut pris leur commande, Chris posa sur la table une pochette en plastique transparent contenant la page de magazine brûlée.

« Ouah, fit Sue. Vous avez vraiment volé ça ?

— On n’utilise pas ce mot-là, rectifia Élaine. Chris dispose d’une source anonyme de haut niveau.

— Regardez-la, dit Chris. Prenez votre temps. Tirez-en des conclusions. »

Il ne restait de lisible qu’un quart de la page. Le reste était trop brûlé, et même la partie lisible à l’extrême droite était décolorée et roussie.

On arrivait a déchiffrer une partie de gros titre :

OSSBANK, LE MYSTERE DEMEURE,

SELON LE MINISTERE DE LA DEFENSE.

Et en dessous, la partie droite d’une colonne en caractères d’imprimerie.

« Qu’est-ce qu’il y a de l’autre côté de la page ? demanda Élaine.

— Une pub pour une bagnole. Et une date. »

Elle retourna la pochette. « Mon Dieu, ça a presque deux mois.

— Ouais.

— Le pilote avait ça sur lui ?

— Ouais.

— Et il est toujours dans le coma ?

— J’ai appelé la clinique ce matin. Pas de changement.

— Qui d’autre est au courant ?

— Marguerite. Et vous trois.

— OK… N’en parlons à personne d’autre pour le moment. »

La serveuse apporta du café. Chris couvrit la page avec le menu des desserts.

« Tu as eu un peu de temps pour réfléchir à tout ça, dit Élaine. Qu’est-ce que ça a donné ?

— De toute évidence, il y a une crise à Crossbank. On ne dispose pas de beaucoup d’indices sur la nature de cette crise. Quelque chose d’assez important pour impliquer l’infanterie et peut-être aussi pour qu’on interdise toute circulation… Qu’est-ce que ça disait, déjà ?… à l’est du Mississippi. On a le mot “peste” entre guillemets et ce qui ressemble à un démenti de la Santé Publique…

— Ce qui peut vouloir dire tout et n’importe quoi, dit Élaine.

— Nous avons des “autres décès” ou peut-être “pas d’autres décès”. Nous avons de mystérieuses références à du corail, à une étoile de mer et à un pèlerin. Une déclaration qui semble attribuée à Ed Baum, le conseiller scientifique du Président. L’événement était assez important pour s’attirer une couverture médiatique majeure et susciter des déclarations des agences fédérales, mais pas assez pour évincer les annonceurs du magazine.

— Cette pub a pu avoir été achetée et payée six mois plus tôt. Elle ne prouve rien.

— Sébastian ? fit Chris. Sue ? Une opinion ? »

Tous deux avaient l’air grave. « L’utilisation du mot spirituelle m’intrigue », dit Sébastian.

Élaine roula des yeux. « M’étonne pas. »

« Continuez », l’encouragea Chris.

Sébastian fronça les sourcils et sa bouche pincée disparut presque dans son énorme barbe. Plus le blocus se poursuit, se dit Chris, plus il ressemble à un gnome. Il avait trouvé le moyen de prendre du poids. Ses joues étaient rouge cerise. « Rédemption spirituelle. Quel genre de désastre engendre ne serait-ce que l’illusion d’une rédemption ? Ou attire les pèlerins ?

— N’importe quoi, estima Élaine. On attire des pèlerins en annonçant avoir vu un portrait de la Vierge Marie dans un drap de lit sale. Les gens sont crédules, Sébastian. Il faut bien, sinon votre livre ne serait jamais devenu un best-seller.

— Oh, je ne pense pas que nous ayons affaire ici au Second Avènement. Encore que les gens l’ont peut-être cru. Mais cela laisse malgré tout penser à quelque chose d’étrange, vous ne trouvez pas ? À quelque chose d’ambigu.

— Une chose étrange et ambiguë. Ouah, j’admire votre perspicacité. »

Chris rangea la page de magazine dans sa poche. Il laissa les autres parler quelques minutes. De toute évidence, cela frustrait Élaine de n’avoir que la moitié de l’explication. Sébastian semblait plus intrigué qu’effrayé, et Sue s’accrochait à son bras gauche en gardant sagement le silence.

« Les médisants ont peut-être raison, avança Élaine. Il est arrivé quelque chose aux O/BEC de Crossbank. Il faut donc envisager l’arrêt de l’Œil.

— Peut-être », dit Chris. Il avait réfléchi à ce scénario la veille avec Marguerite. « Mais si les types dehors voulaient qu’on l’arrête, ils auraient pu nous couper le courant il y a des mois de cela. Peut-être qu’ils ont réagi de cette manière pour Crossbank et que cela n’a fait qu’empirer les choses.

— Peut-être, peut-être, peut-être, j’en ai ras le cul des peut-être. Il nous faut des informations supplémentaires. » Elle adressa un regard significatif à Sue.

Celle-ci grignota son sandwich comme si elle n’avait rien entendu.

« Brave fille, lui dit Sébastian. Il ne faut jamais se porter volontaire. »

Sue Sampel – avec ce que Chris jugea une remarquable expression de dignité – avala la dernière bouchée de jambon et de fromage, but une gorgée de café et s’éclaircit la gorge. « Vous voulez savoir ce qu’a donné l’incursion de Ray dans les serveurs de la direction. Désolée, mais je n’ai pas réussi à le découvrir. La paranoïa de Ray est montée d’un cran, ces derniers temps. Tout le personnel de support doit désormais se munir de clés à validité limitée. On ne peut pas venir plus tôt ou rester après le travail sans autorisation de la Sécurité. La plupart des bureaux sont sous surveillance vidéo, et ce n’est pas juste pour la forme.