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Mes Japs se sont tus.

Je perçois un claquement de lourde. Alors, je stoppe l’enregistrement, récupère la cassette et m’esbigne pudiquement avant la fin, que je devine triomphale, de ce morceau de haute bravoure !

APITRECH III

Combien j’ t’ai dit qu’il parlait de langues, Mathias ? Vingt-huit, hein ? Plus, tu crois ? En tout cas, sur le lot, y a le japonais et, dans le cas présent, c’est essentiel.

Je le regarde usiner, le frère. Beau à voir. L’homme en plein phosphore ! Le cycle de l’azote dans ses œuvres. Un magnéto est posé sur son bureau. Il a placé un grand bloc de papier entre l’appareil et lui. Une pointe Bic à la main, il écoute, regard mi-clos. Temps à autre, il rouvre ses lampions pour noter quelque chose : des bouts de phrases hâtivement griffonnés, juste remémorer l’essentiel. Par la suite, il se mettra au charbon pour un décryptage complet. Mais dans un premier temps, je lui ai demandé de me résumer le topo.

Bon, il esgourde. Je ne sais pas si le texte enregistré vaut celui qui s’échangeait dans la chambre du Gros pendant ce captage clandestin. Les cris de la marchesa, les stances de Béru. Philosophe, le Mammouth, tu remarqueras. Dans ses pires calembredaines, tu trouves les traces de son bon sens congénital. Il sait la vie, la comprend, la malaxe, l’ajuste à ses mesures. Il possède la poésie du lard, Bérurier : la plus subtile de toutes. Et cette volonté farouche, parlons-en ! La manière somptueuse dont il a assuré le coup de la vieille. Et pourtant, crois-moi, pour chevaucher cette relique, fallait du nerf et une énergie surhumaine. La bande, c’est capricieux ; ça se laisse mal domestiquer. T’as plus vite fait de dresser un escargot qu’un paf. Si les sens renâclent, il est pratiquement impossible de leur imposer ta loi. Mais lui, unique bipède capable d’une telle prouesse, il se joue des navrances physiques, l’Emérite, et contraint son sexe.

Elle a reçu sa volée de chibre vert, la marquise. Dans une immense clamance éperdue. Ses cris ont alerté la gent larbienne et des filles de salle, des hommes de peine, des femmes de tête, des garçons de bain sont survenus en grand nombre pour voir ce qui se passait.

Ils sont venus, ont vu, ont été vaincus par l’admiration.

La mère marquise, en cours de liquéfaction, écartelée sur le plumard, et Sa Majesté surdimensionnée courant sur son erre dans la vénérable personne pour l’accomplissement privilégié des derniers spasmes. Puis, se retirant, le braque encore impétueux et dodelineur, et faisait front à la populace. Superbe, grandiose, même, j’ose affirmer. Ramenant tous les regards à son mandrin rubicond, si effarant.

Et, à peine troublé par ces présences, lâchant en guise de boutade :

« — Encore un que les Boches n’auront pas ! »

Comme disait mon père, après chaque repas pris à la ferme, en repliant son Opinel.

D’une démarche mécanique de porte-drapeau, gagnant le lavabo pour un rafraîchissement express du matériel. Tout en commentant :

« — Si on s’occup’rait pas d’ nos chères vieillardes, on s’rait des criminels. Ell’ ont droit à la brosse comm’ toute une chacune, vous n’ croilliez pas ? »

Se remisant coquette avec difficulté, compte tenu qu’elle s’attardait dans ses raideurs bibliques. Ajoutant encore, agacé par le silence général qu’il croit hostile :

« — Quand t’est-ce on peut emplâtrer une carne dans c’t’état, vous jugez-t-il des performances dont on est possib’ av’c des jeunettes comme j’en distingue parmi vous ? »

Mémère haletait sur la couche ravagé par le séisme. Dur dur de retrouver ses esprits, et plus encore la position verticale et l’équilibre permettant de la conserver.

Lui, galant, offrant la main de l’abnégation à la personne pantelante.

« — Allons, la grand-mère, Ramona, c’est terminate, faut r’gagner vot’ mouroir, ma Bichette ! »

Et d’un geste de super-prélat, il bénissait l’émeute, tel le toréro brindant à la foule.

« — Alaise en pet, récitait le Preux, Y aura plus d’ découillade pour aujord’hui. Les celles qui veuillent r’tenir leur tour pour d’main, auront qu’à s’ présenter après le caoua du morninge pour un p’tit canter matineux. »

Béru for ever ! dis-je toujours.

Pour ceux qui ont quelque chose entre les deux burnes.

— Voilà, commissaire !

Je redescends en vrille, redresse l’appareil au dernier moment et me pose dans le regard de Mathias.

Il vient de stopper le magnétophone.

— Alors ?

— Bizarre, étrange, stupéfiant !

— La progression est bonne, complimenté-je. Metz Angkor ?

Le Rouquin consulte ses notes.

— Il n’a pratiquement été question que de poids.

— De quel poids ?

— De celui de chacun des deux hommes. La fille s’est livrée à des tas de calculs.

— Quel genre ?

Il relit ses notes partiellement et hoche la tête.

— A première vue, cela semble plutôt saugrenu, reprend l’Incendié. Vos deux Japs pèsent respectivement 124,600 et 127,300 kilos après avoir absorbé à jeun 2 litres d’eau chacun, d’une seule traite.

— C’est une histoire de dingues, interrompé-je.

— Je vous l’avais dit, monsieur le commissaire. La fille leur a précisé que les directives étaient les suivantes : ils doivent atteindre en commun le poids de 255 kilos pile une fois leurs 3 litres d’eau bus.

— Intéressant, bien que je n’y comprenne rien.

— Attendez, il y a plus loufoque encore. Ils sont chargés de s’entraîner à uriner de concert de manière à évacuer simultanément environ 3 kilos d’urine.

Mes yeux doivent ressembler à ceux d’un chat déféquant dans la braise et se morflant un brandon dans les claouis.

— T’es sûr de bien comprendre le japonais, fils ? m’inquiété-je.

Il ne rougit pas, car à l’impossible nul détenu, comme dit Béru, mais il pince les lèvres et son regard se fait un bref instant flétrisseur.

Comprenant que je viens de le blesser, je m’empresse de lui bourrader l’épaule.

— Je te chambre, Mathias. Ta science n’est jamais prise en défaut. Et comment mes deux monstres parviennent-ils à licebroquer trois litres d’urine à eux deux, dans la foulée ?

— Forte prise de diurétique et une rétention de deux heures au moins.

— C’est-à-dire que chacun avale ses deux litres de flotte, puis prend un ou deux comprimés de Modurétic, après quoi il se retient de lancequiner une paire de plombes avant d’ouvrir les vannes ?

— Exact.

— Voilà bien l’ordre le plus extraordinaire que j’ai jamais entendu donner au cours de mon édifiante vie en comparaison de laquelle celle du père de Foucauld ressemble à une blennorragie mal soignée, fais-je.

— La fille est revenue à plusieurs reprises sur l’impérieuse nécessité d’atteindre les 255 kilos et de lâcher 3 kilos sous forme de miction.

— Autre chose ?

— Oui, il a été également question du poids de leur tenue. Celle-ci se composerait d’un slip, d’un pantalon de toile et de sandales de plastique. L’ensemble devra peser un kilo, lequel sera inclus dans le total de 255. Elle a ajouté que les sandales permettraient, le cas échéant, de corriger une miction inférieure à 3 kilos de quelques centaines de grammes. Ils devraient alors les ôter l’une après l’autre, en respectant un intervalle de dix secondes. Mais je vais procéder à une transcription plus précise de cet enregistrement, monsieur le commissaire, et vous en ferai tenir une copie dans les meilleurs délais.

Il s’exprime comme un fabricant de pièces détachées pour godemichés télescopiques, Mathias. « Dans les meilleurs délais », ça fleure bon sa lettre d’affaires !