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— Ce qui est vrai ! renchérit Mathias, désespéré.

Le Vioque hurle :

— Taisez-vous, canaille ! Est-ce que ça compte, vos serments, quand la vie de votre directeur est menacée ? Mais vous savez qu’il va me laisser trucider, l’apôtre ! Et il aura le culot de suivre mes funérailles nationales en larmoyant, l’hypocrite assassin ! Revenons au téléphone. Devant cette inqualifiable attitude, San-Antonio, je lui dis de me repasser Violette et j’explique le topo à cette fée, la chargeant de faire parler ce con à tout prix. Par n’importe quel moyen, dût-elle sucer son pauvre petit sexe de laborantin anémié, au besoin !

— Rassurez-vous : il a parlé, assure-t-elle, grâce à l’injection d’un produit dont il s’était muni.

J’explique au Daron que ses ennemis, les Rosbifs comme les Jaunassous, n’ont pas chômé à Istanbul où ils sont bien implantés. Les Britiches ont une base de filles formées à l’espionnage dans un monastère d’un genre très spécial et elles nous ont entrepris sérieusement. Les Japs, quant à eux, sous le couvert d’une grande agence de voyages dirigée par un chef de réseau, sont très actifs dans cette ville-là. Entre les unes et l’autre, on a eu pas mal de boulot. Je lui promets de lui raconter nos péripéties à l’occasion. Violette s’est rendue à l’agence en question avec Mathias pendant que je me dépatouillais des perfides amazones. Douée, mais peu rompue aux effractions, mon excellente collaboratrice s’est fait piquer. Le directeur de l’Agence Höyüyü n’a pas eu le temps de les molester : comprenant qu’il dirigeait un réseau japonais, et forte de vos directives, Violette lui a cassé le morceau (j’oublie sciemment d’informer le Vioque qu’elle a en outre séduit le type). Elle est revenue au motel pour y prendre la drogue qui neutralise toute volonté. De retour à l’agence, ils l’ont injectée au Rouquemoute qui, dès lors, a révélé le nom et les coordonnées du décrypteur. Ainsi donc, les Japonais obtenaient satisfaction.

— Ah ! bon, bien, parfait, bravo ! gazouille le Mironton chauve.

— Seigneur ! Vous avez fait ça ! lamente Mathias, très abattu (pire qu’une bride !). Vous m’avez contraint, à mon insu, à mon corps défendant, de trahir.

— Oui, elle a fait ça, dis-je, mais les deux témoins qui ont recueilli tes confidences sont décédés avant d’avoir pu les transmettre à leurs supérieurs. Le garde du corps a plongé dans l’escalier de l’agence et s’est éclaté le cigare contre l’angle de la dernière marche. Quant au directeur inanimé que nous avions ramené alors qu’il s’enfuyait, Béru l’a déposé sans savoir sur le fil électrique dénudé par le type lui-même et il a été électrocuté tout comme les trois personnes qu’il venait de foudroyer ; cela s’appelle la justice immanente !

Le Vieux se tourne vers Violette.

— Mais vous, toi, ma suprême beauté au parfum de verveine, tu l’as retenue, l’identité du décrypteur, n’est-ce pas ?

— Bien sûr.

Sourire de garce triomphante. Je la giflerais ! Non : je la giflerai.

Mathias murmure :

— Monsieur le directeur, laissez-moi aller récupérer le plan moi-même auprès du spécialiste à qui je l’ai confié. Je vous promets de vous le rapporter dans moins de deux heures.

— Que nenni, fait Achille.

— Mais cela revient au même ! argumente Xavier.

— Non, mon cher. Vous pensez bien que les gens du Yan Na Chémoa vont vouloir exécuter votre gars pour s’assurer de sa discrétion, tout comme ils ont (probablement) assassiné le brave docteur Chaudelance, le légiste.

Mathias se tasse, vaincu par l’adversité, torturé par sa conscience.

— Et les deux meurtriers ? aboie soudain Achille. Qui les a arrachés à nos ambulanciers du consulat, les Anglais ?

— Sûrement pas, puisqu’au cours de la nuit, les chères nonnes de La Contraception Contemplative nous traquaient encore pour tenter de les récupérer.

— Alors, qui ?

— J’ai bien réfléchi à la chose, et je pense que le coup vient de la Police istanbuliote. Depuis notre visite en leurs locaux, au lieu de nous aider, ils nous ont filés, Violette et moi. Ils ont vu que nous avions déniché le repaire de Lady Fog. On allait foutre la merde, tarir leurs revenus occultes et, qui sait, les démasquer. Alors ils ont voulu nous tuer pour neutraliser la menace. Partant du consulat ils ont suivi les faux infirmiers venus prendre livraison des tueurs pour récupérer ceux-ci. Je vous parie que Tommaso et Kelfiott sont peinardement dans une autre planque en ce moment.

— Tu as l’heure ? murmure Mathias.

— Quatorze heures dix.

Il se livre à un calcul mental qu’il vérifie en écrivant des chiffres ensuite dans la paume de sa main.

— Plus qu’une heure quinze, fait-il.

— Ce qui signifie ? lui demandé-je.

— Que les deux tueurs vont se réveiller dans soixante-quinze minutes environ.

— Et alors, ça nous fait une belle jambe !

— Ça peut leur en faire deux mauvaises !

— Explique.

Soudain, le Rouillé prend l’initiative :

— Patron ! fait-il au dirluche (c’est la première fois qu’il lui donne ce titre familier), je vous fais une proposition : vous me laissez aller récupérer le plan, en échange de quoi, je vous donne le moyen de neutraliser physiquement les deux tueurs.

Il sort de sa poche un boîtier. Son dernier gadget. L’ouvre. A l’intérieur, il y a un cadran de montre et un bouton rouge en son centre.

— Il vous reste une heure et douze minutes pour appuyer sur ce bouton. Si vous — ou qui que ce soit d’autre — le fait, les deux minuscules suppositoires-bombes magnétiques que je leur ai enfoncés dans le rectum, à l’un et à l’autre, après les avoir endormis, exploseront et les deux bandits seront détruits. Je m’étais permis de prendre cette initiative pendant la disparition d’Antoine (il se délecte de mon prénom) car je redoutais le pire et voulais que la justice s’accom-plisse néanmoins.

Le Dabe rassérène.

— Vous avez de ces combines, vous alors ! Ça me rappelle un hebdo auquel j’étais abonné dans mon enfance et qui s’appelait Système D. Quel bricoleur vous faites !

— Vous devriez peut-être agir, monsieur le directeur, suggéré-je. Téléphoner au Foreign Office pour leur expliquer la situation.

« Leur dire que les deux salopards peuvent être éliminés et donc rendus à tout jamais muets. Ils auront toute latitude ensuite de faire des recherches auprès de certains chefs de Police istanbuliote dont je leur fournirai les noms, pour s’assurer de leur décès. »

— Pas mal ! ronronne le Scalpé. Voilà la solution.

Il présente le boîtier à Mathias.

— Vous dites que c’est sur ce bouton rouge qu’il faut presser, Mathias ?

Le Rouquinos pousse un cri.

— Mais ! Mais… mais vous venez d’appuyer des-sus, monsieur le directeur !

Il fait l’angélique, Pépère. Il désarme par son innocence.

— Vous croyez, Mathias ?

— Mais oui : voyez, le bouton est enfoncé !