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— Bravo, docteur Béru !

— Bœuph, fait-il, modestement, j’ai pas grand mérite.

Puis, très poulaga :

— J’ai réfléchi à cette valoche, tu crois pas que c’est à cause d’elle que ton pote Longuant a été refroidi ?

— J’y pensais à la seconde même, Alexandre-Benoît. Je pige maintenant les raisons et les circonstances de son assassinat.

La tête à demi enfouie dans mon oreiller, je récite :

— Haben était embusqué dans la remise, surveillant les allées et venues avec inquiétude. Il devait se demander quand et comment il pourrait entrer en possession de cette mallette. Soudain, il voit un homme s’avancer en rasant les murs, dans le jardin, et gagner la salle d’auscultation : Longuant, lequel voulait se planquer pour te prendre en flagrant délit d’incompétence médicale. Haben a cru que Longuant appartenait à quelque réseau adverse, peut-être même qu’il avait tout bonnement servi de complice à Berthoux… Bref, il a été persuadé que le gros pétomane connaissait la planque.

« Alors, il a risqué le tout pour le tout et il a foncé dans la salle de radio. Longuant s’était caché dans l’appareil, rien n’était plus facile que de le poignarder. Haben a ensuite mis les voiles, seulement le hasard a voulu que la friponne Mme Blaisin passe dans le chemin creux presque au même moment… »

Le Gros m’écoute.

— Je connaissais pas tous les gonzes que tu causes, mais t’as l’air sur de toi.

— Si je te disais que cet ultime mystère m’empêchait de dormir.

— Ça ne m’étonne pas, t’as que le boulot en tête, San-A. Tiens, je te transmets le bonjour du brigadier Narcisse, mec. Il est venu l’autre jour me consulter pour ses plaies variqueuses. C’est fréquent chez les gendarmes, la varice. Tu l’aurais vu, il rayonnait comme un Louis IX. Il a bien des satisfactions avec sa jeune fille. Paraît qu’elle vient d’obtenir le tableau d’honneur et qu’elle a le premier prix en travaux pratiques…

— C’est une demoiselle extrêmement douée, opiné-je. Dès que je serai sur pattes, j’irai la remercier, car c’est grâce à elle si je suis encore vivant…

— Ah ! à propos de te remettre sur pattes, coupe le Gros en rabattant mon drap.

— Qu’est-ce que tu fabriques ! m’égosillé-je.

— Je vais te soigner ta blessure. Ma vieille m’a enseigné une recette pour les coupures, que t’irais à Lourdes tu ne pourrais pas guérir plus vite. C’est de l’ail écrasé avec du jaune d’œuf et de la crotte de poule. Je t’en fais une application, ma parole, dans deux jours on ne verra même plus la cicatriste.

Il sort une boîte de sa poche, l’ouvre et la hume voluptueusement.

— Tiens, sens, me dit-il, on dirait des escargots à la parisienne !

Comme il commence d’arracher mon pansement, je m’emporte :

— Fous-moi le camp avec tes immondices. J’ai pas envie de claquer de septicémie !

Sa Majesté se fige, ses bajoues bajoutent. Ses gros yeux bovins s’emplissent de larmes.

— Alors t’as pas confiance en moi ? bredouille-t-il. En moi, ton vieux Béru ?

Vaincu, je soupire :

— Je disais ça pour charrier, Gros. Vas-y pommade-moi le dossard avec tes antibiotiques de basse-cour !

— En vitesse, exulte le Mastar ! Mais faudra rien dire aux vrais médecins, hein ? On est bien obligé de se défendre par soi-même, car ces vaches-là, si on les laisserait faire, ils nous tueraient !

FIN