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— C’est à quel sujet ?

— Comment faites-vous pour déclencher les diffuseurs de brouillard artificiel ?

Gann eut une attitude assez normale. Il les regarda à tour de rôle comme s’ils déraisonnaient avant d’ouvrir la bouche.

— Je ne comprends pas.

— Nous avons découvert des diffuseurs de grande puissance installés autour de cette île. Nous sommes certains que périodiquement de mystérieux essais de brumes artificielles sont provoqués sur toute cette zone. Pouvez-vous nous donner des précisions là-dessus ?

— Moi ? Mais pourquoi ?

Kovask soupira. Rubins remua à côté de lui.

— Combien de temps allez-vous résister, Gann ?

Pourquoi ne pas tout avouer immédiatement ?

— Mais … Vous êtes fou … Ou alors c’est moi qui ne comprends pas bien ce que vous me reprochez.

— Bon, autre chose. Où se trouve votre femme ?

Gann encaissa très mal cette fois. Son visage se ferma et de la colère apparut dans ses yeux.

— Ma vie privée ne regarde personne.

Kovask alluma une cigarette.

— Vous vous trompez, Gann. Elle nous regarde, nous. Votre femme vous a quitté au cours d’un séjour à Anchorage. Pour quelles taisons ?

— Je ne suis pas obligé de vous répondre. Rubins comprenait fort bien pourquoi on lui avait ordonné d’assister l’agent de l’O.N.I.

— Si vous permettez …

— Non, attendez.

Geoffrey Gann haussa les épaules.

— Vous n’allez pas me passer à tabac pour me faire avouer que ma femme en avait assez de vivre ici ?

— Où est-elle ?

— Elle est rentrée au paya.

— Avez-vous engagé une procédure de divorce ? L’instituteur parut tressaillir.

— Non, j’attends qu’elle le fasse, elle, dit-il avec une sorte de répugnance.

Il passa la main sur son front et Kovask vit qu’il transpirait à grosses gouttes.

— La reprendriez-vous à l’occasion ?

— Pourquoi pas ? Il ne s’agit que d’un malentendu.

— Depuis combien de temps êtes-vous mariés ? L’autre répondit avec lassitude.

— Six ans.

— Et il y a six ans que vous avez été nommé à ce poste. Et votre femme a quand même patienté aussi longtemps avant de se rendre compte qu’elle ne pouvait plus supporter cette vie ?

Détournant le visage, Gann parut contempler le portrait de son épouse.

— Il faut le croire, dit-il d’une voix sourde.

— Moi je suis sceptique, dit Kovask. Savez-vous ce que je pense ? Qu’elle vous a quitté lorsqu’elle a découvert que vous aviez des activités suspectes dirigées contre votre pays.

Gann s’emporta :

— Complètement stupide ! … Jamais elle n’aurait fait ça. Quant à mes activités suspectes elles n’existent que dans votre esprit.

Depuis un moment Kovask cherchait un cendrier des yeux. Il en dénicha un derrière le portrait d’Alberta Gann et y écrasa son mégot.

— Quel est le nom de votre assistant ?

— Donald Thohoë. Vous n’allez pas l’inquiéter lui aussi ? Il vient ici pour faire la classe et s’en retourne ensuite au village.

Soudain une voix s’éleva dans la pièce voisine.

— Atka appelle île de Kena … Atka appelle île de Kena …

Kovask se précipita.

— Restez avec mon adjoint, Gann. Je vous demande de ne pas bouger pour l’instant.

Il prit les écouteurs et coupa le haut-parleur.

— Ici lieutenant-commander Serge Kovask.

— Très heureux mon garçon, fit la voix du commodore Shelby. Écoutez-moi bien et essayez de comprendre entre les lignes. Coder serait trop long. On a examiné les échantillons. Sans trop chercher la petite bête, mais à première vue, nous avons découvert quelque chose d’inquiétant. Me comprenez-vous Kovask ?

— Très bien, sir. Vous avez découvert quelque chose d’inquiétant.

— Voilà. Méfiance sur toute la ligne. Restez tous les trois ensemble. Ne vous séparez pas.

— Bien.

— D’ici une heure je serai avec vous.

Il alla retrouver les deux hommes. Gann s’était assis et bourrait sa pipe. Les yeux endormis de Rubins posaient sur lui un regard sans défaillance.

Kovask en refermant la porte eut soudain une idée qu’il jugea excellente. Mais, avant de le laisser parler, Gann ouvrit la bouche.

— Je vous en prie, laissez la porte ouverte et commutez à nouveau le haut-parleur. Un avion doit venir chercher ce gosse malade.

Songeur, le marin lui obéit. Quand il revint il s’assit en face de l’instituteur et le regarda, le visage grave.

— Gann, je viens de recevoir un message de mes chefs. On a retrouvé votre femme.

L’homme se leva lentement. Les yeux lui sortaient de la tête.

— Retrouvé Alberta ? Ce n’est pas possible. Rubins, pour une fois paraissait complètement réveillé mais sa surveillance ne se relâchait pas pour autant.

— Non, vous mentez.

— Un de nos agents l’a contactée aujourd’hui New York.

Une expression de joie vite remplacée par de la méfiance avait flotté sur le visage de Gann.

— Non. Vous ne l’avez pas retrouvée. Ses lèvres sourirent tristement.

— Vous avez essayé de me bluffer, Kovask. Ce dernier s’emporta :

— Pourquoi ne l’aurions-nous pas retrouvée ?

— Alberta n’a rien à faire à New York …

— Non mon vieux. Vous avez dit ça d’un ton formel comme si votre femme était morte. L’avez-vous assassinée ?

— Qu’allez-vous imaginer grands dieux !

Il passa sa main, puis la manche de son blouson sur son front. Il transpirait énormément.

— Gann, où se trouve-t-elle ? Pourquoi vous a-t-elle quitté ? Ne comptez pas vous en tirer ainsi. Je sais, je suis absolument certain que la disparition de votre femme explique tout. Même si je dois vous tenir jour et nuit je vous ferai dire où elle se trouve.

Il referma sa grosse veste de cuir.

— Considérez-vous en état d’arrestation. Mon collègue va veiller sur vous.

Au-dehors le vent glacé l’enveloppa. Il marcha jusqu’au petit aérodrome situé sur le plateau qui dominait le village. Un petit appareil, un Beschcraft malmené par le vent s’apprêtait à atterrir. Un groupe sortit alors du petit baraquement qui se trouvait à droite. Deux hommes portaient une civière et une femme se penchait vers le malade, le gosse dont avait parlé Gann.

Le commodore Shelby arriva une demi-heure après. Il attira Kovask à part dès qu’il fut descendu de son appareil, et les deux hommes prirent le chemin du village relativement abrité du vent.

— Désastreux mon vieux ! On a interrompu les recherches à cause du mauvais temps. Les vedettes risquent de s’écorcher sur les brisants mais on a trouvé trois énormes diffuseurs. Je vous donne en mille où ils étaient installés. Dans les ruines des installations construites au cours de la dernière guerre, lorsque les Japs croyaient qu’il suffisait de sauter d’une île à l’autre pour nous prendre à revers. Il a fallu drôlement chercher. Dans un îlot on a débarqué cinquante bonshommes. Il fallait bien ça. Les salauds avaient peint des taches de rouille pour mieux confondre ces diffuseurs avec le reste.

— De quoi s’agit-il en réalité ?

— Nos techniciens parlent d’aérosols et je ne vais pas me lancer dans des explications scientifiques. Vous aurez tout le temps de vous documenter sur ces engins plus tard.

Ils approchaient des premières maisons et le commodore s’arrêta.

— Et Gann ?

— On ne peut rien en tirer. Il y a tellement peu de charges contre lui.