Выбрать главу

Shelby bourrait sa pipe.

— D’après les techniciens il fallait que certaines conditions soient tout de même réunies pour obtenir un brouillard suffisamment épais. Un simple bulletin météo était insuffisant pour donner le feu vert. Les Russes devaient également envoyer un signal. Mais pas trop longtemps à l’avance évidemment.

— Pourquoi pas les bulletins météo justement ? Le commodore tira à petits coups sur sa pipe.

— J’y ai songé et j’ai vérifié. Possible. Dans l’indication du vent par exemple. Chaque fois ils donnent un relèvement différent ce qui est normal. Un peu trop précis tout de même, surtout quand ils annoncent seulement le chiffre des heures mais celui des minutes. Hum ! Si ces types-là ont choisi ce moyen de communication, autant prendre une grosse règle et nous frapper sur les doigts.

Kovask lui expliqua ce qu’il avait essayé de faire avec Gann.

— J’ai bien cru que j’allais réussir. Il y a eu quelque chose de très grave entre sa femme et lui. La raison de leur séparation ne peut être celle qu’il tente de nous faire croire. Il a réagi violemment comme un homme certain qu’on ne peut retrouver sa femme.

— Bigre ! murmura Shelby. L’aurait-il assassinée ?

— Je lui ai posé la question. Il s’est indigné. Le commodore avait enfilé un passe-montagne et son profil tendu, encore plus aigu de la sorte, se tourna vers Kovask.

— Nous ne pouvons le retenir plus longtemps.

— Si. Par l’intermédiaire de la Navy Police responsable de la sécurité générale dans les Îles, et en portant toute l’accusation sur la disparition de sa femme. Qu’il nous donne des renseignements précis. Il a certainement une idée de l’endroit où elle se trouve.

Son chef hocha la tête pour approuver :

— En effet. Curieux comme attitude.

Puis il revint à sa première préoccupation.

— Un autre avion va atterrir tout à l’heure avec toute une équipe chargée de fouiller cette île. Il y a certainement lui ou plusieurs diffuseurs cachées quelque part. Nous voulons les dénicher le bas vite possible.

— Mais pourquoi cette précipitation alors que les membres de ce réseau ne tout pas encore connus ?

Shelby tira la pipe de ses dents et soupira.

— C’est grave, Kovask, très grave. Ces diffuseurs du moins ceux que nous avons découverts, ne contiennent plus que la moitié de leur charge et celle-ci ne peut supporter d’être longuement stockée.

Son compagnon commençait à comprendre.

— De plus il est difficile de recharger tous les diffuseurs. Les installer a dû être un fameux tour de force, mais c’est une opération définitive.

— Bon sang ! jura Kovask.

— Oui. Ces diffuseurs ne sont utilisables que jusqu’à une certaine date, mettons septembre. Ce qui veut dire que nos voisins, les Russes comptent s’en servir avant cette date. Et non plus à titre expérimental.

CHAPITRE IV

Avec la nuit le vent avait perdu de sa force, mais de minuscules flocons de neige voltigeaient dans la rue. Debout devant la fenêtre Kovask regardait se balancer la lampe de l’éclairage public. Tout autour du halo on aurait dit un nuage de moucherons blancs.

Dans son dos s’éleva la voix du commodore Shelby :

— Vous avez tort de nous résister, Geoffrey Gann. Combien de temps espérez-vous tenir ? Combien de jours ? Combien de semaines ? Nous allons vous ramener à notre quartier général et mes hommes se relayeront jour et nuit pour vous interroger.

L’instituteur était certainement fatigué, mais sa réponse fut aussi nette que les autres.

— Que voulez-vous que je vous dise ? Il se peut que saoul de fatigue je finisse par m’accuser de crimes imaginaires, mais à quoi cela vous avancera-t-il ?

— Parlez-nous de votre femme. Il y a bien un endroit où elle se trouve.

— Je ne sais pas. Elle est orpheline et n’a que des parents éloignés.

Shelby craqua une allumette pour sa pipe.

— Bien. Où vous êtes-vous connus ?

— À San Francisco. Je vous l’ai déjà dit. J’étais professeur de français dans une institution privée. Je ne gagnais que soixante-trois dollars par semaine et c’est pourquoi j’ai demandé un poste au Department of Native affairs.

Kovask revint vers les deux hommes. Installé à califourchon sur une chaise, le premier maître Rubins ne perdait pas une miette de l’interrogatoire, même si ses yeux donnaient l’impression qu’il sommeillait.

— Votre femme était d’accord à ce moment-là ? Elle n’avait pas peur de cette vie pénible ?

Serge Kovask prit la suite :

— Était-ce parce que vous vouliez gagner davantage ou pour fuir San Francisco que vous êtes venus ici ?

Gann haussa les épaules.

— Allez-y, accusez-moi de m’être évadé d’Alcatraz. Vous pensez bien que mon administration a fait une enquête serrée sur moi.

Shelby en avait demandé la communication, mais c’était pour gagner du temps qu’il essayait de soutirer le plus de renseignements possible à l’instituteur.

— Votre femme travaillait comme hôtesse dans un motel. Elle a abandonné cette situation pour vous suivre ?

Gann releva la tête et toisa Kovask :

— Je voulais être seul à gagner l’argent du ménage.

— En six ans vous devez avoir fait beaucoup d’économies ?

La réponse claqua :

— Vous en connaissez le montant exact puisque vous avez fouillé dans toutes mes affaires.

Le ménage avait six mille dollars de côté. Une somme tout à fait normale vu les gains élevés que touchaient les fonctionnaires de ce pays. À condition de profiter des vacances pour ramener des U.S.A. tout ce qui était nécessaire pour vivre.

— Croyez-vous qu’elle ait repris son ancien métier ?

— Je l’ignore.

Excédé Shelby se leva pour se dégourdir les jambes et arpenta à grands pas le plancher de la petite salle à manger.

— Vous ne savez également rien au sujet du diffuseur de brouillard trouvé sur le point le plus élevé de l’île ?

Gann resta muet. L’équipe de la Navy n’avait pas mis plus de deux heures pour faire cette découverte. L’appareil était si gros qu’ils n’avaient pu le démonter. Ils s’étaient contentes de le déconnecter.

— Sortons, dit Shelby. Rubina, restez ici. Laissez-le faire du café et manger un morceau.

Dans la rue le commodore demanda à être conduit auprès du révérend Bergen. Ce dernier venait de s’installer devant son couvert lorsqu’ils frappèrent.

— Veuillez m’excuser, mais je n’avais pas prévu votre visite. Voulez-vous partager mon repas ? Il me suffit d’ouvrir quelques boîtes …

— Merci beaucoup, mais nous sommes attendus à l’aérodrome. Mes hommes se sont installés dans un des baraquements et ont dû tout préparer.

— Un peu de bourbon alors ?

Ils se laissèrent faire, puis le commodore posa des questions sur Gann. Les réponses du pasteur n’éclairèrent pas beaucoup la personnalité de l’instituteur.

— Lui et sa femme vivaient déjà un peu à l’écart. Évidemment ils rendaient les plus grands services aux habitants de l’île et n’hésitaient jamais à se dévouer. Ils ne fréquentaient pas l’église et Gann m’a franchement déclaré qu’ils ne pratiquaient aucune religion. Alberta Gann était d’origine catholique.

Shelby lui coupa la parole.

— En fin d’année ils sont allés à Anchorage et il est revenu seul. Qui le remplace durant son congé ?

— Son administration envoie un suppléant. Mais cette fois c’est Donald Thohoë qui a accepté de s’occuper de la centrale et de l’émetteur.