Выбрать главу

— Elles sont méchantes. Magali, elle nous donne des baffes et Mme Roques elle dit que nous sommes bons pour la maison de correction.

En définitive, ils se détestaient les uns les autres, mais étaient forcés d’entretenir de bonnes relations, de s’entraider.

— On a eu des chips, du caramel et du camion, dit Louis en entrant chez lui comme Jules César dans Rome.

Elle viendra nous chercher encore, dis, maman ?

Le Navet mordait sa petite lèvre desséchée avec perplexité.

— Vous avez fait des folies… C’est cher, ces choses-là…

— Une fois en passant… C’était pour les amadouer…

Mais ça m’a fait quand même plaisir… Ils sont très gentils, vraiment très gentils.

— Ce n’est pas l’avis de tout le monde.

— Prenez un apéritif, dit le mari, c’est midi.

— Merci, mais je dois… Enfin j’ai quelque chose d’urgent à faire.

Elle rentra chez elle et alla s’asseoir dans un fauteuil face à la fenêtre. Les gosses avaient raconté n’importe quoi. Possible que les Arbas aient donné une soirée la nuit même où les Sanchez décidaient d’en finir avec la vie. Les parents avaient laissé les gosses seuls pour s’y rendre.

Par contre, ils étaient terrorisés par les Algériens. Les occupants du Bunker pouvaient se vanter d’avoir accompli leur mission. Jusqu’à présenter ces malheureux comme des croque-mitaines aux enfants. Toute la maison avait fini par délirer dangereusement sur ces clandestins exploités par Bachir et en quelques semaines la tension avait dû devenir intolérable.

« Tout ça encombre ma tête pour m’empêcher de penser que Pierre Arbas m’attend avec des intentions précises et que si ce petit con n’encombrait pas ma vie j’y serais allée. Comme ça par désœuvrement, par vague, très vague curiosité. Je me doute de ce qu’un Arbas peut apporter à une femme comme moi. Mais le petit con m’a laissé tomber, peut-être pour tout le week-end parce qu’une fois chez papa maman il n’a plus envie d’une femme qui picole et qui trimbale des yeux bordés de crottes de souris. C’est vrai qu’on dirait des crottes de souris. Ce gosse me manipule comme il le veut. Hier, il m’interdisait de boire et je pensais qu’il avait un peu d’affection, de pitié pour moi, mais en fait c’était un réflexe égoïste. Il n’avait pas envie que les invités s’enfuient en découvrant que j’étais fine saoule. Le petit fumier ! Il me paiera ça. Je vais aller chez Pierre Arbas et s’il veut me sauter il le fera et je ne vais quand même pas me priver. »

Elle se rendit à la cuisine, ouvrit le réfrigérateur, saisit une bouteille de porto et la téta longuement avant de la remettre en place. Ça ne valait pas un V.S.O.P. Mais ce n’était pas mauvais. Elle alla se regarder dans la glace, ne se trouva pas extra. Elle souleva son pull, regarda ses seins à la pointe sombre irritée par la laine.

« Ça va le troubler, c’est sûr. Même si sa femme est plus jolie je sais que je le fais bander. »

Elle passa devant la cuisine, retourna pour prendre encore du porto. Il ne lui avait pas demandé des nouvelles de sa bouteille de vieille fine Napoléon. Elle avait terminé dans l’évier et le verre à la poubelle grâce à Manuel.

« Je me demande pourquoi sa femme est absente justement aujourd’hui à midi. Mais après tout… Est-ce qu’il m’attend en robe de chambre ? Hier, c’était certainement pour le Navet. Qu’est-ce qu’il lui trouve ? Elle a des spécialités ? Manuel la trouve affreuse, mais dans le Bunker, lorsqu’on vit cloîtré elle peut paraître très sexy. Je suis sûre qu’elle a les miches comme du fromage blanc. » Elle referma également le verrou, monta tranquillement sonner au second. Ce rendez-vous pouvait cacher une visite clandestine faite par un Larovitz ou un Roques.

CHAPITRE XXIX

Pantalon de velours, chemise sport et pull au col en v, il jouait au dilettante, sourit et s’effaça pour qu’elle entre.

— Je me demandais si nous étions encore amis.

— Nous le fûmes ? Demanda-t-elle amusée.

— J’aimerais que oui… Venez… Je crois que j’ai beaucoup à me faire pardonner, mais vous aussi.

Elle pénétra dans le bureau que Manuel avait visité et s’assit dans un fauteuil d’osier en face de son hôte qui passait derrière son bureau.

— C’est Bossi qui vous a promis une place dans son service social ? C’est lui qui vous a envoyée ici pour nous espionner ?

Curieusement, il était très gai, pas du tout furieux.

Elle le regarda de travers :

— Vous inventez facilement, vous.

— Non, je suis bien renseigné, c’est tout. Il m’a suffi d’une douzaine de coups de fils ces jours pour remonter jusqu’à Bossi.

— Vous avez le téléphone ?

— Ce n’est pas extraordinaire de nos jours.

— Les autres ne l’ont pas. Vous détenez donc une supériorité, un pouvoir.

— Qu’est-ce que vous n’allez pas chercher ? Un scotch ? Puisque ma bouteille de fine Napoléon a disparu. J’espère qu’elle vous a fait bon usage ?

— On l’a cassée avec mon copain pour sceller notre contrat.

Finis la gaieté, le petit air guilleret : l’œil se fit charbonneux.

— Quel contrat ?

— J’ai promis de ne plus picoler et lui s’est engagé à m’être fidèle.

Et voilà ! Elle venait là prête à tout, à poil sous ses vêtements et la première des choses qu’elle n’aurait jamais dû faire, évoquer ce sale merdeux de Manuel, elle la jetait au visage d’Arbas pour le faire pâlir et lui faire appréhender son infortune. Toc, toc, mais qu’est-ce qu’elle y gagnait au change ? Le dépit amoureux, c’était rétro. Il finirait par s’en rendre compte, le beau syndic.

— Désolée que cette vénérable bouteille qui devait valoir son prix ait terminé ainsi.

— J’en suis ravi si c’est pour vous refaire une santé.

C’est vrai que vous n’avez pas l’air au mieux… Vous ne voulez pas reconnaître que vous travaillez pour Bossi ? Tant pis. Je vais vous en dire une bien bonne. Bossi, il a des intérêts dans les sociétés qui veulent rénover le coin et il veut avoir notre peau. Et vous l’aidez à se remplir les poches. Vous avez un pourcentage ?

Décidément, on l’exploitait dans les grandes largeurs et quand Manuel la besognait en feignant la passion il devait penser au trésor Sanchez pour éviter l’éjaculation précoce.

— Bossi est compromis dans des tas d’histoires et notre conseil municipal, qui pourtant ne nous a pas habitués à beaucoup de sens moral, songe même à se débarrasser de lui. Un de ces matins on le trouvera avec du plomb dans le ventre. C’est très à la mode dans ce milieu-là. Vous avez été assistante sociale puis mariage, vie facile et oisive, puis divorce, plus de fric, chômage, petits métiers, prostitution et le cognac. Le bon autant que possible tant que vous pouvez vous en payer. Mothe est dans le coup ? Fifty-fifty ? On l’a viré du journal pour une phrase malheureuse, Bossi n’aurait pas apprécié. Il cherche sa revanche ? En attendant, vous prenez en charge sa tendre jeunesse. Pas un instant à perdre et vous avez raison. Ça durera ce que ça durera, mais il a les dents longues et un jour malheureusement…

— C’est pour un effet d’éloquence que vous donnez rendez-vous à des femmes ? Dit-elle en se levant. Je croyais que vous aviez d’autres idées en tête. Mais je ne peux m’attarder. Bossi, connais pas. Manuel est bon copain, peut-être ex-journaliste, mais ça m’importe peu.