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Dix mille livres ! La réaction de Morlan avait été spontanée. Un coup de mortier fulgurant ! Et hop, in my pocket la pièce rare !

Un peu plus tard, ils avaient retrouvé le troisième larron fort marri : Huret lui avait échappé bêtement à lui aussi.

— Eh ben, dis donc, y fait la pige à l’horloge parlante, ton pèlerin, gouaille l’Enflure.

— Ce qu’il dit est aussi précis mais plus éloquent, assuré-je… Encore une minute, Gros, que je le dénoyaute entièrement.

Et, à ce vieux Génor :

— Vous n’avez rien découvert lors de votre première perquisition ici ?

— Non, rien.

— Vous avez une idée de ce que vous cherchiez ?

Il est d’un chouette vert, le polak. Bien que la température extérieure soit douce, son bain prolongé dans l’eau froide le rend glaglateur en diable. Il parle maintenant comme s’il était assis sur un vibrator, et ses éternuements se multiplient.

— Dddddes ddddocccccummmments ! grachoute-t-il.

— Quels documents ?

— Écoutez, halète le malfrat, je suis polonais, donc catholique-apostolique-romain, je vous jure sur le sang du Christ, sur la vertu de la Vierge et sur la sainte croix que j’ignore de quoi il s’agit !

— Vous ne les avez pas découverts, ces documents ?

— Voyons, reproche-t-il si nous les avions découverts, croyez-vous que nous vous aurions enlevé hier soir. Au contraire, le Brésilien se fâche ! Il a promis la forte somme et…

La porte de la salle de bains s’écarte doucement.

— Suis-je de trop ? demande le superintendant en s’avançant, le sourire aux lèvres !

— Mac ! Quel bon vent ! m’écrié-je joyeusement.

Il cligne de l’œil :

— C’est pas le vent, au contraire, c’est une girouette qui m’a prévenu…

— La vieille Ferguson ?

— Oui. Elle vient de téléphoner au Yard pour nous mettre au courant de ses démêlés avec vous et son Intelligence Service… de service !

Il considère Agenor dans son bain d’un œil réprobateur.

— Ce sont les nouvelles méthodes de la police française, Sané ?

— Oh, non ! Recettes personnelles !

— Mises au point par la gestapo et perfectionnées par certains de vos services pendant la guerre d’Algérie, si je ne m’abuse.

— La vie est un perpétuel recommencement, Mac. Voyez plutôt la mode ! Grâce à elles, en tout cas, nous avons quelque peu progressé. Je remets une partie du butin, et je vous apporte la preuve que je ne vous ai pas menti à propos des événements de la nuit dernière. Pas mal pour un camé, non ?

Il promène sa main de prélat sur sa nuque rubescente et soupire.

— Ainsi c’était donc vrai, les quatre pin-up en chaleur ?

— Un bouquet ! Ah, si vous aviez été là… Ce ravage !

Mais le sup toussote car ses subordonnés l’accompagnent. Y en a plein le couloir, avec des mâchoires crispées et des z’œils à vous guérir un marteau-piqueur du hoquet.

— Bon, au travail ! lance-t-il à ses écuyers. Vous m’embarquez le type de la chambre voisine, le monsieur, là, qui semble faire de la réclame pour des sels de bain, et puis ce gros bonhomme répugnant.

— Hein ! m’effaré-je ! Voulez-vous dire, Mac, que vous arrêtez mon collaborateur ?

— Il a massacré un policeman en service, my dear, rétorque le sup’ d’un ton plein d’âpreté. C’est un genre de fantaisie que nous ne saurions trop tolérer, même de la part d’un confrère français. Par égard pour notre bonne vieille amitié, je pense que je pourrai atténuer quelque peu sa responsabilité, de manière à ce que le tribunal ne lui inflige pas une peine supérieure à un mois de prison.

— On cause de moi ? demande le Mastar qui s’efforce de suivre la conversation en se référant à nos mimiques et intonations.

— Bravo, Gros, tu as deviné, fais-je en lui passant la main sur l’épaule. On parle de toi, et il est fortement question de tes vacances.

CHAPITREIZE

Bercé par le doux zonzonnement de lampe à souder des réacteurs, je m’abîme dans mes pensées.

Plutôt moroses, ces demoiselles.

D’un beau gris-toussaint ! On les croirait écrites sur un mur de chiottes.

En caractères gras.

Faut dire que mes avatars ont de quoi assombrir le cerveau le plus ensoleillé, mes fieux !

Voilà que je largue l’Angleterre en laissant ma mère en prison. Béru en prison. Marie-Marie placée comme petite-fille de compagnie dans une famille italoche… Le type que je cherchais, mort.

Plein succès, non ?

Et question rendement, mon enquête au point zéro. Que dis-je : zéro, zéro, zéro, un !

Je n’ai retrouvé aucun document. Bref, c’est le fiasco, comme on dit en Italie. À marquer d’une pierre noire ! Lorsque, plus tard, (et j’espère que ce ne sera pas trop tard) j’écrirai mes souvenirs, l’affaire Huret me filera rétrospectivement la nausée !

— Un peu de champagne ? me demande la ravissante hôtesse brune.

Un tantinet boulotte, cette donzelle. Mais comestible malgré tout. Jadis, les hôtesses étaient des prix de beauté ! Elles avaient leur brevet de sex-appeal dans leur giberne. À présent on commence à trouver du boudin sur les lignes zaériennes. Bientôt, on se farcira des mémères moustachues, j’inélucte. Les Boeing ressembleront à ces vieux théâtres de sous-préfectures dont les ouvreuses sont recrutées à l’asile des vieillards du département. Trop d’emplois et pas suffisamment de main-d’œuvre qualifiée.

— Un doigt ! réponds-je.

Des fois que la mousse de champagne me stimulerait les cellules grisâtres, non ?

Elle me sert. Je lui mate les pourtours. Basse de prose, mais de l’avant-scène intéressante. Un peu joufflue, mais des yeux très clairs, frangés de longs cils, comme on dit dans les romans de mes confrères les plus doués. Bref, c’est un lot pour brève escale, la petite Portugaise.

Elle me présente une coupe embuée dans laquelle dansent des bulles d’or.

— Merci. À quelle heure arrivons-nous à Lisboa, jolie mademoiselle ?

— Minuit moins dix. Désirez-vous un oreiller ?

— Sans façon, j’ai pris l’habitude de dormir en particulier.

Elle sourit guindé et s’éloigne. Son gros dargif ibérique obstrue presque complètement l’allée centrale. Peut-être qu’on a survolé l’Adolfo Magno depuis le décollage ?

Car il a levé l’ancre depuis la nuit dernière, le yacht du senhor Questulagro, et quitté les eaux territoriales britanniques. L’évocation du bateau me ramène quelque chose à l’esprit.

Je claque des doigts, comme un pisseur de communale, pour requérir l’attention de l’hôtesse. Elle se retourne avec, précisément, l’air d’une institutrice à qui ses élèves font des grimaces derrière son dos.

— Oui, monsieur ?

Je baisse le ton.

— Il se pourrait que je reçoive un câble pendant le vol. Mon nom est Delombard, Alfred Delombard…

Elle est soucieuse.

— Généralement, les passagers…

— Ne reçoivent pas de messages, je sais. Mais il y a passager et passager, comprenez-vous ?

Je vide ma coupe d’un trait et la lui tends.

— Tenez : l’emballage est consigné, je suppose ?

Là-dessus, je ferme les yeux pour lui indiquer que je n’ai plus besoin de ses services.