jeunes comédiens, sur une scène d'essai, assez semblable à la scène Gérard Philipe, enfin, se rappelle qu'à l'époque où il jouait Caligula, pour laquelle elle avait été écrite », précise Camus dans le il tournait aussi dans L'Idiot, un film de Georges Lampin : « Il y a programme des représentations. Jean-Pierre Jorris tient cette fois le eu un équilibre certain à ce moment-là entre cette force du mal pure rôle de Caligula, Helena Bossis celui de Cœsonia. Les retouches qu'était Caligula, et cette force du bien pur qu'était l'Idiot [...]. Les concernent surtout les rôles des patriciens, dont la caricature est deux personnages se complétaient en effet : le Prince du Bien et le accusée.
Prince du Mal qui, tous deux, se rejoignaient finalement dans une pureté exacerbée5. »
Après la mort de Camus, Jean-Pierre Jorris tient à nouveau le Le succès des représentations de Caligula auprès de la presse fut rôle de Caligula dans une reprise de la pièce au Théâtre des d'abord celui de Gérard Philipe qui, selon Raymond Cogniat ( Arts, Galeries de Bruxelles, en 1962. Le décor de Jacques Van Nerom 28 septembre 1945), « au lieu d'un empereur conventionnel nous retient principalement l'attention des critiques : « décor unique, mégalithique, auquel les éclairages d'Auguste Lodewijck donnaient l'illusion d'être multiple, décor inquiétant avec l'amorce de ses 1. Gérard Philipe. Souvenirs et témoignages, recueillis par Anne Philipe et présentés par Claude Roy, Gallimard, 1960, p. 48.
2. Voir ibid., p. 55.
1. Ces fresques qui décorent l'église Saint-Nicolas, à Tavant (Indre-et-3. Voir ibid., p. 56-60.
Loire), sont du XIe ou XIIe siècle.
4. Voir ibid., p. 59.
2. Pour plus de détails, voir Théâtre, récits, nouvelles, Pléiade, p. 1778 et suiv.
5. Cité dans Roger Grenier, Albert Camus. Soleil et ombre, p. 123.
3. Camus, « Génies et réalités », 1964, p. 178.
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hauts couloirs sombres où se trame toujours quelque complot, décor Galeries de Bruxelles (Roger Van Hool est Caligula). De la mise en théâtral avec ce monumental escalier qui traverse tout le plateau et scène de Genève, la critique retiendra surtout la reconstitution qui assure, comme au music-hall, le maximum d'effets aux romaine à la David, avec des éclairages modelant les draperies et protagonistes qui l'escaladent et le descendent » (P. Godefroy, Les accentuant les visages; de celle des Galeries, l'anachronisme des Lettres françaises, 7 décembre 1962). Dans l'ensemble, la critique costumes, qui facilite le lien avec notre époque. A. James Arnold souligne la froideur de la pièce.
nous signale aussi ' le Caligula de Patrick Guinand joué au Jeune Après deux séries de représentations, en 1964 et 1969, aux Théâtre National en 1981, dans une mise en scène résolument Tréteaux de France de Sarcelles, avec Jacques Goasguen dans le
« jeune » où Caligula serait « Rimbaud et Hitler à la fois ».
rôle de l'empereur, il faut surtout signaler les représentations
« Caligula Rock Star », titrait un magazine parisien pour rendre données à la Maison de la Culture de Nantes, en 1970, dans une compte de cette audacieuse tentative...
mise en scène de Georges Vitaly (qui jouait Hélicon lors de la À l'automne de 1991, Caligula est affiché au Théâtre 14 «Jean-création de la pièce, en 1945) ; Jean-Pierre Leroux tient cette fois le Marie Serreau » dans une mise en scène de Jacques Rosny, qui sera rôle de Caligula. La troupe de Vitaly effectue une longue tournée reprise à Versailles et au Théâtre des Mathurins. Emmanuel dans les universités américaines, faisant applaudir la pièce par plus Dechartre, qui avait auparavant incarné 1' « Idiot » (d'après de cent mille spectateurs. Georges Vitaly avait voulu une mise en Dostoïevski), Britannicus, le Prince de Hombourg, Lorenzaccio et scène très simple, implantée dans un décor en forme d'arène où les Chatterton, tient le rôle de Caligula. Comme Gérard Philipe jadis, acteurs s'entre-déchireraient. « Tous les personnages sont des il se dit sensible à l'opposition entre le Prince Mychkine, « ange de gladiateurs qui défendent leur peau », expliquait-il. Ces intentions pureté et de lumière », et Caligula, « ange de la mort ». Mais tous ne sont guère comprises de la critique quand il redonne la pièce à deux sont des anges. A ses côtés, Pascale Roberts est Cœsonia; Paris en 1971, au Théâtre La Bruyère. Les moues des critiques Philippe Bouclet, Cherea (Jacques Rosny reprendra le rôle à s'adressent indistinctement à la pièce et à sa mise en scène. Dans Le Versailles et aux Mathurins) ; Mathieu Roze, Scipion ; Jean-Paul Figaro (23 septembre 1971), Jean-Jacques Gautier s'avoue ému Bazziconi, Hélicon.
parce qu'il a connu la personne humaine de Camus, mais s'inter-Le 15 février 1992, Caligula entre à la Comédie-Française. Dès roge sur le succès de la pièce auprès des générations suivantes; 1957, Camus avait négocié avec Pierre Descaves, administrateur du quant à la mise en scène, « peut-être M. Georges Vitaly aurait-il pu Français, l'inscription de sa pièce au répertoire. Reprises en 1960, éviter que ce ne soit joué comme on faisait si volontiers dans les après sa mort, avec Maurice Escande, les négociations n'aboutiront années qui suivirent la guerre : tout le monde criant tout le temps, pas davantage. En 1992, la mise en scène de la pièce est confiée à et arrivant ainsi à la véhémence soutenue d'un tissu sonore tendu si Youssef Chahine. Jean-Yves Dubois tient le rôle de Caligula; l'on veut, mais sans air et combien monotone ». Matthieu Galey Martine Chevallier est Cœsonia; Michel Favory, Cherea; Lilah regrette dans Combat (24 septembre 1971) que l'inévitable péplum Dadi, Scipion ; Nicolas Silberg, Hélicon. Catherine Samie joue le soit « remplacé par des peignoirs de bain et des minijupes d'une rôle du vieux patricien. Confier à une femme le rôle du dignitaire laideur si provocante qu'elle doit être voulue ! ». Dans Le Monde traité d'efîeminé par Caligula donne à ces injures une justification (24 septembre 1971), Bertrand Poirot-Delpech parle d'une qui va sans doute à l'encontre des intentions de Camus. Mais le
« impression de rétrospective vieillotte, que le jeu odéonesque de décor de Françoise Darne, juxtaposant ruines romaines et pan-certains patriciens et le style opérette de Cœsonia portent parfois au neaux où se profilent des gratte-ciel, autant que les costumes bord du ridicule ».
intemporels de Jean-Pierre Delifer, évitent heureusement tout ce Bernard de Coster met Caligula en scène en 1976 avec l'équipe du qui pourrait ressembler à une reconstitution historique. La mise en Point Carré (Jean-Philippe Harmel joue le rôle principal), Gérard Carrât la présente en 1977 à la Comédie de Genève (François Germond est Caligula), et Daniel Scahaise, la même année, aux J. « Camus et la critique théâtrale : l'exemple de Caligula », dans Albert Camus et U théâtre (voir bibliographie), p. 35-43.