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palais. Ils s'arrêtent, interdits. Cœsonia se retourne.

Hélicon : Chère Cœsonia, Caïus est un sentimental. Tout le monde le sait.

Elle et Scipion courent vers Caligula. Il les arrête Et le sentiment, cela n'enrichit pas, cela se paie. Mais vous permettez, le d'un geste.

déjeuner. (Il sort.)]

CŒSONIA (essoufflée) : Un garde l'a vu passer. Mais Rome tout entière voit Caligula partout. Et Caligula ne voit que l'ombre de SCÈNE VI

Drusilla.

Elle s'assoit, douloureuse. Silence.

L'INTENDANT (d'une voix mal assurée) : Nous... nous te cherchions, SCIPION : Dites, Cœsonia, l'aimait-il à ce point?

César.

CŒSONIA : C'est pire, mon petit. Il la désirait aussi.

CALIGULA (d'une voix brève et changée) : Je vois.

SCIPION : Comme tu dis cela.

L'INTENDANT : Nous... c'est-à-dire...

CŒSONIA : C'est que, vois-tu, s'il l'avait seulement aimée, sa CALIGULA (brutalement) : Qu'est-ce que vous voulez ?

mort n'aurait rien changé. Les maladies de l'âme ne sont pas L'INTENDANT : Nous étions inquiets, César.

graves. On s'en sauve par la mélancolie. Mais aujourd'hui sa chair CALIGULA (s'avançant vers lui) : De quel droit ?

aussi est mordue. Il brûle tout entier.

L'INTENDANT : Eh heu... (Soudain inspiré et très vite.) Enfin, de SCIPION (imprudent) : Mais il te désirait aussi.

toutes façons, tu sais que tu as à régler quelques questions CŒSONIA : Toi, tu t'occupes de ce qui ne te regarde pas. (Un concernant le Trésor public.

temps.) Il me désire, c'est vrai. Mais il faudrait qu'il m'aime.

CALIGULA (pris d'un rire inextinguible) : Le Trésor? Mais c'est SCIPION (timidement) : Je ne comprends pas bien.

vrai, voyons, le Trésor, c'est capital.

CŒSONIA (lasse) : Moi, si. Cela veut dire qu'il me demande L'INTENDANT : Certes, César.

seulement du plaisir. Est-ce le vrai désir ? Tu sauras plus tard qu'on CALIGULA (toujours riant, à Cœsonia) ; N'est-ce pas, ma chère, c'est peut aimer souvent, mais qu'on ne désire jamais qu'une fois.

très important, le Trésor?

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CŒSONIA : Non, Caligula, pas encore [c'est une question secondaire], L'INTENDANT : César, tu ne te rends pas compte.

CALIGULA : Mais c'est que tu n'y connais rien. Le Trésor est

[CALIGULA : — Non, c'est toi. (Avec violence.) — Écoute-moi bien.

d'un intérêt puissant. Tout est important : les finances, la moralité Si le trésor a de l'importance, alors la vie humaine n'en a pas. J'ai publique, la politique extérieure, l'approvisionnement de l'armée et décidé d'être logique. Et vous allez voir ce que la logique va vous les lois agraires! Tout est capital, te dis-je [comme la peine du coûter. J'ai le pouvoir. J'exterminerai les contradicteurs et les même nom]. Tout est sur le même pied, la grandeur de Rome et tes contradictions. S'il le faut, je commencerai par toi. Tu as déjà crises d'arthritisme. Ah! Je vais m'occuper de tout cela. Écoutez-choisi. Ton premier mot pour saluer mon retour a été le Trésor. Je moi un peu.

te le répète, on ne peut pas mettre le Trésor et la vie humaine sur le L'INTENDANT : Nous t'écoutons.

même plan. Augmenter l'un, c'est démonétiser l'autre. Toi, tu as Les sénateurs s'avancent.

choisi. Moi, j'entre dans ton jeu. Je joue avec tes cartes. Et CALIGULA : Tu m'es fidèle, n'est-ce pas ?

d'ailleurs, mon plan par sa simplicité est génial. Tu as trois L'INTENDANT (d'un ton de reproche) : César !

secondes pour disparaître. Je compte : un...]

CALIGULA : Eh bien j'ai un plan. Nous allons bouleverser L'intendant disparaît.

l'économie politique en deux temps. Je te l'expliquerai, intendant...

quand les sénateurs seront sortis.

Les sénateurs sortent.

SCÈNE VIII

Caligula se tourne vers le jeune Sdpion, l'appelle du geste et l'entoure de son SCÈNE VII

bras libre.

CALIGULA (singulièrement) : Ah! mes enfants. Je viens de Caligula s'assied près de Cœsonia, et entoure sa taille.

comprendre la vertu du pouvoir. Il va de pair avec la liberté CALIGULA : Écoute bien. Premier temps : tous les sénateurs, d'esprit. Aujourd'hui et pour tout le temps qui va venir, ma liberté toutes les personnes de l'Empire qui disposent de quelque fortune n'a pas de limites. (Avec une soudaine émotion.) — Pas de limites,

— petite ou grande, c'est exactement la même chose — doivent Cœsonia, tu comprends?

obligatoirement déshériter leurs enfants et tester sur l'heure en CŒSONIA : Oui.

faveur de l'État.

SCIPION (tristement) : Il faut que je parte, César.

L'INTENDANT : Mais César...

CALIGULA : Bien sûr, mon petit. (Il a les larmes aux yeux.) CALIGULA : Je ne t'ai pas encore donné la parole. À raison de nos En sortant, Sdpion croise Cherea.

besoins, nous ferons mourir ces personnages dans l'ordre d'une liste établie arbitrairement. À l'occasion, nous pourrons modifier cet ordre — toujours arbitrairement. Et nous hériterons.

SCÈNE IX

CŒSONIA (se dégageant) : Qu'est-ce qui te prend ?

CALIGULA (imperturbable) : L'ordre des exécutions n'a en effet CALIGULA : Tiens, voilà un intellectuel [voilà notre littérateur].

aucune importance. Ou plutôt ces exécutions ont une importance C'est curieux, ce besoin que j'ai, tout d'un coup, de parler avec un égale, ce qui entraîne qu'elles n'en ont point. D'ailleurs, ils sont intellectuel [littérateur],

aussi coupables les uns que les autres. (Rudement à l'intendant.) — Tu CHEREA : Nous faisons des vœux pour ta santé, Caïus.

exécuteras ces ordres sans délai. Les testaments seront signés dans CALIGULA : Ma santé te remercie, Cherea, elle te remercie. Mais la soirée par tous les habitants de Rome, dans un mois au plus tard dis-moi, que penses-tu du pouvoir?

par tous les provinciaux. Envoie des courriers.

CHEREA : Tu me demandes mon opinion sur la liberté, Caïus'

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CALIGULA : C'est ce que je veux dire, en effet.'

les visages horribles d'une liberté inhumaine. Je ne puis plus rien CHEREA : Je pense qu'elle est seulement ce que tu lui permets contre eux, tu comprends. Je savais qu'on pouvait être désespéré d'être.

[angoissé]. Je ne savais pas ce que ce mot voulait dire. Je croyais CALIGULA : Belle réponse de sophiste. Et toi, Cœsonia, qu'en comme tout le monde que c'était une maladie de l'âme. Mais non, penses-tu ?

c'est mon corps qui souffre. (D'une voix malade.) —J'ai mal au cœur, CŒSONIA : Je pense que tu devrais aller te reposer.

Cœsonia. Non, n'approche pas. Laisse-moi. J'ai comme une envie CALIGULA : Belle réponse d'idiote. C'est tout, Cherea.

de vomir dans tout le corps. Mes membres me font mal. Ma peau CHEREA : C'est tout, Caïus.