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me fait mal. J'ai la tête creuse. Mais le plus affreux, c'est ce goût CALIGULA (se lève, commence normalement, puis, changeant de ton, de dans la bouche. Ce n'est pas du sang, ce n'est pas la mort, ni la plus en plus haut, finit avec une expression convulsée) : Eh bien ! je vais fièvre. C'est tout ça en même temps. Il suffît que je remue la langue compléter ta documentation et t'apprendre qu'il n'y a qu'une pour que tout redevienne noir et que les êtres me répugnent.

liberté, celle du condamné à mort. Parce que celui-là, tout lui est Cœsonia : Cela va passer, mon petit. Étends-toi. Dors. Dors indiffèrent, en dehors du coup qui fera gicler son sang. Voilà plusieurs jours. Laisse-toi aller et ne réfléchis plus. Cela ne peut pas pourquoi vous n'êtes pas libres. Voilà pourquoi dans tout l'Empire durer toujours. Ce serait inhumain. Après, tu te réveilleras. Il y romain, Caligula seul est libre, parmi toute une nation d'esclaves.

aura encore la campagne que tu aimes et la douceur du soir. Tu as A ce peuple orgueilleux de ses libertés dérisoires, il est enfin venu un le pouvoir et tous les êtres sont à toi, toutes les bouches où tu veux empereur qui va lui donner sa liberté profonde. (Il s'arrête haletant.

mordre. Tu garderas Cœsonia qui se taira près de toi. Et peu à peu,

D'une voix étrange.) — C'est comme si, à partir de cette heure, tu renaîtras et tu redeviendras bientôt celui que tout Rome a aimé.

vous viviez tous en condamnés à mort, comme les plus chers et les CALIGULA : [Ne me parle pas de ce pantin sucré. Il est bien plus délivrés de mes enfants. (Un temps. D'une voix neutre.) — Va-mort.] [Ne me parle pas de celui-là.] Il me dégoûte. (Il s'assoit près du t'en maintenant. Reste, Cœsonia.

miroir, il met la tête dans ses mains.) —Je voudrais guérir et je ne le puis pas. Quand je ne savais pas qu'on pouvait mourir, tout me paraissait croyable. Même leurs dieux, même leurs espoirs et leurs discours. Plus maintenant. Maintenant, je n'ai rien que ce pouvoir SCÈNE X

dérisoire dont tu parles. Plus il est démesuré et plus il est ridicule.

Parce qu'il ne compte pour rien auprès de certains soirs où Drusilla Caligula s'est détourné.

se retournait vers moi. (Un temps.) — Ce n'était pas elle, c'était le CŒSONIA : Tu pleures, Caligula.

monde qui riait par ses dents.

CALIGULA (toujours détourné) : Oui, Cœsonia.

CŒSONIA : Ne pense pas à toutes ces choses, tu...

CŒSONIA: Tu l'aimais tant que cela ?

CALIGULA (violemment) : Si, il faut y penser. Il faut y penser au CALIGULA : Je ne sais pas, Cœsonia.

contraire. (Il s'agite et redevient nerveux.) — J'ai compris un soir Cœsonia va vers lui et le prend aux épaules.

auprès d'elle que toute ma richesse était sur cette terre. Et c'est de Caligula sursaute.

ce soir-là que je ne peux me détacher. (Sourdement.) — Avec elle, CALIGULA : Ne me touche pas. — Je ne veux pas que tu me c'est la terre entière que je viens de perdre.

touches. (Plus doucement.) — Reste ce que tu étais. Tu es la seule CŒSONIA : Caligula !

femme qui ne m'ait jamais caressé les cheveux. Nous nous CALIGULA (comme poursuivant un rêve intérieur, véhément) : Je ne suis comprenons sur beaucoup de points, n'est-ce pas ?

pas un idéaliste, moi. Je ne suis pas un poète. Je ne peux pas me CŒSONIA : Je crois que oui.

contenter de souvenirs. Je ne saurai pas. C'est un vice que je ne CALIGULA : Alors reste près de moi sans parler. Je sortirai peut-connais pas. Je ne me suis jamais masturbé, c'est la même chose. À

être de là. Mais je sens monter en moi des êtres sans nom — comme douze ans, j'ai connu l'amour. Je n'ai pas eu le temps de me faire Annexes

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Annexes

// s'arrête et tourne un peu sur lui-même. Il des imaginations. Ce qu'il me faut, c'est un corps, une femme avec reprend les phrases de Drusilla de la même voix, des bras et des odeurs d'amour. Le reste c'est pour les fonction-mais plus lente et plus douloureuse.

naires, les comédiens et les impuissants. Et pourtant, voici le plus CALIGULA: Tais-toi, Caïus. (Confidentiel.) — Elle me priait douloureux : de ce soir-là, c'est tout ce qui me reste : le souvenir et souvent de me taire. (Reprenant à nouveau.) — Ne réveille pas mes sa pourriture. Faut-il donc être un fonctionnaire ?

regrets. C'est si terrible d'aimer dans la honte. O h ! mon frère!

// se lève et va vers le miroir. Cœsonia tend les Lorsque je vois mes compagnes se taire et devenir songeuses, bras vers lui, mais il ne la voit pas.

lorsque je lis dans leurs yeux l'image secrète et tendre qu'elles CALIGULA : Elle avait une voix douce et elle parlait sans heurts.

caressent farouchement, ah ! je leur envie cet amour qu'elles taisent Mais aujourd'hui son corps pour moi n'est pas plus réel que l'image quand elles pourraient l'avouer! Mais elles renferment leur bon-de ce miroir. Ce dialogue de ce miroir à moi, et de son ombre à moi, heur pour le mieux préserver. Et moi je me tais à cause du malheur si tu savais, Cœsonia, l'affreuse envie que j ' a i de le jouer.

où mon amour me plonge. (La voix de Caligula faiblit.) — Et Cœsonia (dans un cri) : Non, je t'en prie, tais-toi.

pourtant, des soirs comme ce soir, devant ce ciel plein de l'huile CALIGULA : C'est elle qui parlait d'abord.

brillante et douce des étoiles, comment ne pas défaillir devant ce CŒSONIA (se jette sur lui et s'agrippe à ses bras) ; Tu vas te taire. Tu que mon amour a de pur et de dévorant ?

ne vas pas faire ça.

CŒSONIA (pleure, elle fait un geste et d'une voix étouffée) : Assez.

Caligula se débarrasse doucement de ses mains et

[Mais Caligula se précipite sur le miroir, tombe à marche vers le miroir avec un sourire indicible.

ses pieds, le prend au cou et se serre avec désespoir contre lui.]

CALIGULA : Ce qu'elle disait n'avait pas d'importance tout de suite. C'était pour donner le ton. C'était le « la » d'un langage de CALIGULA : Pur, Drusilla, pur comme les étoiles pures. Je musique et de sang — musique du cœur, sang du désir.

t'aimais, Drusilla. Comme on aime la mer ou la nuit, avec un

// tend les mains vers le miroir. Cœsonia s'assoit enfoncement qui a la lenteur et le désespoir des naufrages. Et mais cache sa tête dans ses mains.

chaque fois que je sombrais dans cet amour, je me fermais aux bruits du monde et à l'infernal tourment de la haine. Ne me quitte La scène qui suit, grotesque dans les faits, ne doit pas, Drusilla. J ' a i peur. J'ai peur de l'immense solitude des jamais l'être dans le ton.

monstres. Ne te retire pas de moi. O h ! cette douceur et ce dépassement.

// s'arrête brusquement avec des hoquets de SCÈNE XI

larmes. Il fait volte-face, se tourne vers Cœsonia et la prend aux épaules. H parle avec véhémence et CALIGULA (toujours la même attitude bouleversée) : C'est moi qui ai d'une voix pleine d'éclats.

commencé. (Il récite un peu.) — Si tu venais près de moi, Drusilla.