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Probablement.

Maintenant le téléphone commence à vibrer et à tressauter sur son bureau. Elle a une chouette musique des Snow Patrol en sonnerie mais — avec son estomac tout retourné et sa mortelle inquiétude pour Pete —, elle a pas pensé à modifier le mode silencieux, obligatoire pour l’école, lorsqu’elle est rentrée à la maison avec sa mère, et Linda Saubers, qui est au rez-de-chaussée, ne l’entend pas. L’écran s’allume et affiche la photo de son frère. Finalement, le téléphone se tait. Au bout de trente secondes, il recommence à vibrer. Puis encore une troisième fois. Puis il s’arrête pour de bon.

La photo de Pete disparaît de l’écran.

35

Dans Government Square, Peter fixe son téléphone, incrédule. C’est la première fois que Teenie répond pas à son portable en dehors des heures de cours.

Maman, alors… ou peut-être que non. Pas encore. Elle voudra lui poser un million de questions, et le temps est compté.

Et puis (encore qu’il veuille pas tout à fait l’admettre), il a pas envie de lui parler tant qu’il y sera pas absolument obligé.

Il va sur Google pour essayer de trouver le numéro de M. Hodges. Il tombe sur neuf William Hodges dans cette ville, mais celui qu’il cherche doit être K. William, dont la société s’appelle Finders Keepers. Pete appelle et tombe sur un répondeur. À la fin du message — qui lui semble durer au moins une heure — Holly dit : « Si vous avez besoin d’une assistance immédiate, veuillez composer le 555-1890. »

Pete hésite encore une fois à appeler sa mère, puis décide d’essayer d’abord le numéro donné par la voix enregistrée. Ce qui emporte sa conviction, ce sont ces deux mots : assistance immédiate.

36

« Euurgh, fait Holly lorsqu’ils approchent du bureau désert au centre de l’étroite boutique de Andrew Halliday. C’est quoi, cette odeur ?

— Du sang », répond Hodges. Ça sent aussi la viande avariée, mais il a pas envie d’en rajouter. « Vous deux, vous restez là.

— Vous êtes armé ? demande Jerome.

— J’ai mon Slapper.

— C’est tout ? »

Hodges hausse les épaules.

« Alors je viens avec vous.

— Moi aussi », dit Holly et elle s’empare d’un bouquin volumineux intitulé Plantes et fleurs sauvages d’Amérique du Nord.

Elle le tient brandi comme si elle comptait s’en servir pour claquer un insecte piqueur.

« Non, leur oppose Bill patiemment. Vous allez rester sagement ici. Tous les deux. Et faire la course pour voir lequel des deux appelle le 911 le premier si je vous crie de le faire.

— Bill… tente Jerome.

— Discute pas, Jerome, et perdons pas de temps. J’ai idée que le temps pourrait être compté.

— Une intuition ? demande Holly.

— Peut-être même un peu plus. »

Hodges sort le Happy Slapper de la poche de son veston (il l’emporte quasiment toujours à présent, alors qu’il porte rarement sur lui son ancienne arme de service) et l’empoigne au-dessus du nœud. Il avance rapidement et silencieusement en direction de la porte qu’il pense être celle du bureau privé de Andrew Halliday. Elle est légèrement entrebâillée. L’extrémité chargée de billes du Slapper se balance au bout de sa main droite. Il se poste légèrement en retrait d’un côté de la porte et frappe de sa main gauche. Et comme cet instant semble être de ceux où la stricte vérité s’impose, il lance d’une voix forte :

« C’est la police, monsieur Halliday. »

Pas de réponse. Il frappe une deuxième fois, plus fort, et, toujours sans réponse, il pousse la porte. L’odeur est immédiatement plus forte : sang, décomposition et alcool renversé. Autre chose, aussi. Poudre brûlée, une odeur qu’il connaît bien. Et un bourdonnement de mouches somnolentes. Les lumières sont allumées, tels des projecteurs dirigés vers le corps étendu au sol.

« Oh, merde, il lui manque presque la moitié de la tête ! » s’écrie Jerome.

Il est si proche que Hodges sursaute de surprise, élevant le Slapper pour le rabaisser aussitôt. Mon pacemaker vient de s’emballer, pense-t-il. Il se retourne et ils sont là tous les deux, bouchant le passage. Jerome a la main devant la bouche. Les yeux exorbités.

Holly, quant à elle, a l’air calme. Elle serre contre sa poitrine Plantes et fleurs sauvages d’Amérique du Nord et paraît évaluer le carnage sanglant étalé sur le tapis. Elle dit à Jerome :

« Dégobille pas. C’est une scène de crime.

— Je compte pas dégobiller. »

La voix de Jerome est étouffée par sa main.

« On peut pas vous faire confiance, dit Hodges. Si j’étais votre prof, je vous expédierais au bureau du proviseur. J’entre. Vous deux, vous bougez pas de là. »

Il franchit le seuil. Jerome et Holly, côte à côte, lui emboîtent aussitôt le pas. On dirait les foutus Jumeaux Bobbsey, pense Hodges.

« C’est le frère de Tina qui a fait ça ? demande Jerome. Bon Dieu, Bill, vous croyez que c’est lui ?

— Si c’est lui, ça date pas d’aujourd’hui. Le sang est quasi sec. Et il y a des mouches, même si je vois pas encore d’asticots… »

Jerome s’étrangle.

« Jerome, non », prévient Holly d’un ton sévère. Puis à Hodges : « J’aperçois une petite hache. Une hachette. Peu importe comment ça s’appelle. C’est l’arme du crime. »

Hodges ne répond pas. Il évalue la scène. Il pense que Halliday — s’il s’agit bien de Halliday — est mort depuis au moins vingt-quatre heures, peut-être plus. Probablement plus. Mais il s’est passé quelque chose ici depuis, parce que les odeurs d’alcool renversé et de poudre brûlée sont fraîches et fortes.

« Bill, c’est un impact de balle, ça ? » demande Jerome.

Il désigne du doigt une étagère à gauche de la porte, près d’une petite desserte en merisier. Il y a un petit trou rond dans un exemplaire de Catch-22. Hodges s’en approche, l’examine attentivement et pense : Ça risque de faire baisser le prix de revente. Puis il regarde la desserte. Deux carafes en cristal sont posées dessus, probablement des Waterford. La desserte est légèrement poussiéreuse et il distingue la trace laissée par deux autres carafes qui s’y trouvaient. Il regarde de l’autre côté de la pièce, au-delà du bureau, et, ouais, elles sont là, renversées par terre.

« Sûr, c’est un impact de balle, dit Holly. Je sens l’odeur de poudre.

— Il y a eu une bagarre », dit Jerome, puis il désigne du doigt le cadavre sans le regarder. « Mais lui était déjà hors circuit.

— Oui, confirme Hodges. Et les deux adversaires sont déjà partis.

— Est-ce que l’un des deux était Peter Saubers ? »

Hodges pousse un gros soupir.

« C’est pratiquement certain. Je pense qu’il est venu ici après nous avoir semés à la pharmacie.

— Quelqu’un a pris l’ordinateur de M. Halliday, annonce Holly. Il y a encore son branchement DVD là-bas, à côté de la caisse enregistreuse, et la souris sans fil — je vois aussi une petite boîte avec des clés USB dedans — mais l’ordinateur a disparu. Il y a un espace vide sur son bureau là-bas. Ça devait être un ordinateur portable.