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— Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? demande Jerome.

— On appelle la police. »

Hodges n’en a pas envie, il pressent que Pete Saubers a de graves ennuis et qu’appeler la police ne pourrait que les aggraver, du moins dans un premier temps, mais il a déjà joué les justiciers solitaires dans l’affaire du Tueur à la Mercedes et ça a bien failli coûter la vie à quelques milliers d’adolescents.

Il sort son téléphone portable, mais avant qu’il ait pu s’en servir, celui-ci s’allume et sonne dans sa main.

« Peter », dit Holly. Elle a les yeux qui brillent et la voix empreinte d’une certitude absolue. « Je vous parie six mille dollars que c’est lui. Maintenant il veut te parler. Vas-y, bouge, Bill, réponds à ton toufu téléphone. »

Hodges s’exécute.

« J’ai besoin d’aide, débite Peter Saubers d’une voix rapide. S’il vous plaît, monsieur Hodges. J’ai vraiment besoin d’aide.

— Une seconde. Je mets le haut-parleur pour que mes associés puissent t’entendre.

— Vos associés ? » Peter prend un ton plus alarmé que jamais. « Quels associés ?

— Holly Gibney. Ta sœur la connaît. Et Jerome Robinson. C’est le grand frère de Barbara Robinson.

— Ah. Alors… alors, ça va. Je crois. » Et comme se parlant à lui-même : « Au point où j’en suis, ça peut pas être pire.

— Peter, nous sommes à la librairie de Andrew Halliday. Il y a un cadavre dans son bureau. J’imagine que c’est le sien, et j’imagine que tu es au courant. Je me trompe ? »

Il y a un instant de silence. Sans la faible rumeur de circulation à l’endroit où Pete se trouve, Hodges pourrait croire qu’il a coupé la communication. Puis le garçon se remet à parler, et ses mots roulent comme un torrent :

« Il était mort quand je suis arrivé. C’est l’homme aux lèvres rouges. Il m’a dit que M. Halliday m’attendait derrière, alors je suis allé dans son bureau, il m’a suivi et il avait un revolver et il a essayé de me tuer parce que je voulais pas lui dire où étaient les carnets. Je voulais pas… parce qu’il mérite pas de les avoir et en plus, il m’aurait tué quand même, je le voyais bien à ses yeux. Il… je…

— Tu t’es défendu en lui lançant les carafes, c’est ça ?

— Oui ! Les bouteilles de whisky ! Et il m’a tiré dessus ! Il m’a manqué mais c’est passé si près que j’ai entendu les balles siffler. J’ai réussi à m’enfuir en courant mais il m’a rappelé par téléphone pour me dire qu’on m’accuserait, que la police m’accuserait, parce que je lui ai lancé la hachette aussi… vous avez vu la hachette ?

— Oui, dit Hodges. Je suis en train de l’examiner.

— Et… il y a mes empreintes dessus, vous savez… parce que je l’ai prise pour lui lancer… et il a des vidéos de moi et M. Halliday en train de s’engueuler… parce qu’il a essayé de me faire du chantage ! Halliday, je veux dire, pas le bonhomme aux lèvres rouges, sauf que maintenant, lui aussi il essaie de me faire du chantage !

— Cet homme aux lèvres rouges a les vidéos de sécurité du magasin ? demande Holly. C’est ça que tu veux dire ?

— Oui ! Il a dit que la police allait m’arrêter et c’est vrai parce que je suis allé à aucune des réunions de dimanche à River Bend et il a aussi un message vocal et je sais plus quoi faire  !

— Où es-tu, Peter ? demande Hodges. Où es-tu à cet instant précis ? »

Il y a un autre silence et Hodges sait exactement ce que fait Pete : il cherche des repères. Il a beau avoir toujours vécu dans cette ville, il est tellement affolé qu’il ne sait plus reconnaître sa droite de sa gauche.

« Government Square, dit-il enfin. En face du restaurant là, le Happy Cup ?

— Vois-tu l’homme qui a tiré sur toi ?

— N-non. J’ai couru et je crois pas qu’il aurait pu me poursuivre longtemps à pied. Il est plutôt vieux et on peut pas conduire dans Lacemaker Lane, c’est une rue piétonne.

— Ne bouge pas de là, dit Hodges. Nous allons venir te chercher.

— S’il vous plaît, n’appelez pas la police. Mes parents en mourraient, après tout ce qui leur est déjà arrivé. Je vous donnerai les carnets. J’aurais jamais dû les garder, et j’aurais jamais dû essayer d’en vendre. J’aurais dû juste m’en tenir à l’argent. » Sa voix se brouille, il est en train de craquer : « Mes parents… ils étaient tellement en galère. Y avait tout qui partait en vrille ! Je voulais juste les aider !

— Je suis sûr que tu dis la vérité, mais je dois appeler la police. Si tu n’as pas tué Halliday, les preuves le montreront. Tu seras innocenté. Je vais venir te chercher et nous allons aller chez toi. Tes parents seront là ?

— Papa est en déplacement mais ma mère et ma sœur seront là, oui. » Pete doit inspirer brusquement avant de continuer : « Je vais aller en prison, hein ? Ils me croiront jamais pour l’histoire de l’homme aux lèvres rouges. Ils penseront que je l’ai inventée.

— Tout ce que tu as à faire, c’est de dire la vérité, intervient Holly. Bill ne laissera rien de mal t’arriver. » Elle saisit la main de Bill et la presse farouchement. « C’est vrai, hein ? »

Hodges répète :

« Si tu ne l’as pas tué, tu seras innocenté.

— Je l’ai pas tué ! Je vous le jure !

— Le coupable est l’autre homme. Celui aux lèvres rouges.

— Oui. Il a tué John Rothstein aussi. Il dit que Rothstein était un vendu. »

Hodges aurait un million de questions, mais c’est pas le moment.

« Écoute-moi, Pete. Très attentivement. Reste où tu es. On sera à Government Square dans quinze minutes.

— Si vous me laissez conduire, dit Jerome, on peut y être dans dix. »

Hodges ne l’écoute pas.

« Nous irons chez toi ensemble, tous les quatre. Tu nous raconteras toute l’histoire, à ta mère, à moi et à mes associés. Elle voudra peut-être appeler ton père et voir avec lui pour te trouver un avocat. Ensuite, on appellera la police. C’est le mieux que je puisse faire. »

Et mieux que ce que je devrais faire, pense-t-il, les yeux fixés sur le cadavre défiguré, se rappelant qu’il a bien failli aller en prison lui-même il y a quatre ans. Pour le même genre d’histoire, aussi : de justicier solitaire à la con. Mais bon, trente ou quarante-cinq minutes de plus peuvent pas faire grand mal. Et ce qu’a dit le garçon à propos de ses parents n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Hodges était au City Center ce jour-là. Et ce qu’il a vu n’était pas beau à voir.

« D-d’accord. Faites vite.

— On arrive. »

Il coupe la communication.

« Qu’est-ce qu’on fait pour nos empreintes ? demande Holly.

— On les laisse, dit Hodges. Allons chercher ce gosse. J’ai hâte d’entendre son histoire. »

Il lance la clé de la Mercedes à Jerome.

« Me’ci, missié Hodges ! glapit Tyrone Feelgood. Ce nègwe-là, c’est le meilleu’ chauffeu’ du pays ! Y va vous conduiwe où vous…

— Ferme-la, Jerome. »

Hodges et Holly ont parlé en même temps.

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