"Ecoutez-le," dit la guérisseuse, en prenant le bras de Lockhart et en le regardant affectueusement comme s'il était un enfant précoce de deux ans.
"Il était très connu il y a quelques années; nous espérons que ce goût à signer les autographes est un signe que sa mémoire commence à revenir.
Voudriez vous nous suivre ? Il est sous haute surveillance, je pense qu'il a dû se faufiler dehors pendant que j'apportais les cadeaux de noël, la porte est fermée à clé d'habitude...
Pas qu'il soit dangereux ! Mais," elle réduisit sa voix à un murmure, "il est un peu dangereux pour lui même... Il ne sait pas qui il est, vous voyez, il peut quitter l'hôpital et ne pas savoir revenir... C'est très gentil à vous d'être venus le voir."
"Euh," dit Ron, en faisant en vain des signes vers l'étage au-dessus, "en fait, nous allions... euh..."
Mais la guérisseuse leur souriait dans l'expectative, et le faible "chercher une tasse de thé" de Ron fut réduit à néant. Ils se regardèrent faiblement avant de suivre Lockeart et sa guérisseuse le long du corridor.
"Mais on ne pourra pas rester très longtemps," ajouta timidement Ron.
La guérisseuse pointa sa baguette vers le service Janus Thicket et murmura
"alohomora". La porte s'ouvrit et elle leur céda le passage, en maintenant un contact ferme sur le bras de Gilderoy jusqu'à ce qu'elle l'ait installé dans un fauteuil à côté de son lit.
"C'est le service des patients à long terme," informa-t-elle Harry, Ron, Hermione et Ginny à voix basse. "Pour les victimes de sorts permanents. Bien sûr, avec des potions curative et des sortilèges intensifs, et beaucoup de chance, nous arrivons parfois à des améliorations notables. Gilderoy semble retrouver un petit peu sa personnalité; et nous avons observé une réelle amélioration chez M. Bode, il semble avoir recouvré la capacité de parler très correctement, bien que nous n'ayons pas encore réussi à reconnaître la langue qu'il utilise. Bien, je dois finir de distribuer les cadeaux de Noël.
Je vous laisse discuter."
Harry jeta un coup d'oeil alentour. Le service portait des signes évidents indiquant que ses pensionnaires étaient des résidents permanents. Il y avait beaucoup plus d'effets personnels autour de leurs lits que dans la chambre de M. Weasley; le mur derrière le lit de Gilderoy, par exemple, était recouvert de photographies de lui, qui souriaient de toutes leurs dents aux nouveaux arrivants. Il avait autographié bon nombre d'entre elles d'une écriture malhabile, enfantine. Dès l'instant où il avait été déposé dans son fauteuil par la guérisseuse, Gilderoy avait sorti une pile de photographies neuves devant lui, et commençait à les signer fébrilement.
"Tu peux les mettre dans des enveloppes, dit-il à Ginny, en posant les photos signées sur ses genoux une par une. "Je n'ai pas oublié, vous savez, je continue à recevoir de nombreuses lettres de fans... Gladys Gudgeon écrit chaque semaine... "Je voudrais simplement savoir pourquoi..." il marqua une pause, l'air déconcerté, puis sourit de nouveau et revint à ses signatures avec une vigueur renouvelée. "Je suppose que c'est uniquement mon aspect agréable..."
Un sorcier à la peau jaunâtre, à l'air lugubre, reposait dans le lit en face, les yeux fixés sur le plafond; il marmonnait pour lui même et semblait totalement ignorant de ce qui l'entourait. Deux lits plus loi, une femme avait la tête entièrement recouverte de fourrure; Harry se souvint que quelque chose de similaire était arrivé à Hermione pendant leur deuxième année, même si heureusement, dans son cas, les dégâts n'avaient été que temporaires. Tout au bout de la pièce, des rideaux avaient été installés autours de deux lits, pour donner un peu d'intimité à leurs occupants et leurs visiteurs.
"Voici pour vous, Agnes," dit brièvement la guérisseuse à la femme au visage recouvert de fourrure, en lui tendant une petite pile de cadeaux de noël.
"Regardez, ils ne vont ont pas oublié. Et votre fils a envoyé une chouette pour dire qu'il viendra ce soir, alors, c'est gentils n'est ce pas ?"
Agnes émit plusieurs cris en retour.
"Et regardez, Broderick, on vous a envoyé une plante et un adorable calendrier avec un hippogriffe différent chaque mois; ils éclairent la journée, vous ne trouvez pas ? dit la guérisseuse, en s'affairant vers l'homme marmonnant, en posant une plante plutôt repoussante avec de longs tentacules sur la table de nuit et en fixant le calendrier au mur avec sa baguette. "Et... Oh, Mme Londubat, vous partez déjà ?"
Le coeur de Harry fit un bond. Les rideaux avaient disparu autour des deux lits et deux personnes marchaient le long des lits; une vieille sorcière à l'air imposant qui portait une longue robe verte, une étole mangée aux mites en fourrure de renard et un chapeau pointu orné de ce qui était immanquablement un vautour empaillé et, dans son sillage, apparemment complètement déprimé... Neville.
Dans un éclair de compréhension, Harry réalisa qui étaient les occupants des deux derniers lits. Il chercha désespérément aux alentours un moyen quelconque de distraire les autres pour permettre à Neville de quitter les lieux sans se faire remarquer ni questionner, mais Ron avait également réagi au nom de "Londubat" et avant que Harry n'ait pu l'arrêter, il appela :
"Neville !"
Neville sursauta comme si une balle l'avait manqué de peu.
"C'est nous, Neville !" Cria Ron en bondissant sur ses pieds. "Tu as vu ? Lockhart est là
! A qui as-tu rendu visite ?"
"Des amis à toi, Neville, mon chéri ?" Demanda la grand-mère de Neville avec grâce, en se tournant vers eux.
Neville semblait vouloir se trouver n'importe où sauf ici. Son visage potelé s'empourprait et il n'accrocha les yeux d'aucun d'entre eux.
"Ah, oui," dit sa grand mère, en lui tendant une main ridée. "Oui, oui, je sais qui tu est, bien sûr. Neville dit le plus grand bien de toi..."
"Euh... Merci," répondit Harry en lui serrant la main. Neville ne le regardait pas, mais fixait ses propres chaussures, dont la couleur était assortie à présent à celle de son visage.
"Ey vous deux êtes clairement des Weasleys," continua Mme Londubat en présentant royalement sa main successivement à Ron et Ginny. "Oui, je connais vos parents... Pas très bien, évidemment...mais ce sont des gens biens, des gens bien... Et tu dois être Hermione Granger ?"
Le fait que Mme Londubat connaisse son nom sembla surprendre Hermione, mais elle lui serra la main de même que les autres.
"Oui, Neville m'a parlé de toi. Tu l'as aidé pour quelques petits problèmes, n'est ce pas ?
C'est un gentil garçon," ajouta-t-elle en lançant un regard plein d'estime par dessus son nez squelettique à Neville, "Mais j'ai bien peur qu'il n'ait pas le talent de son père." Et elle désigna du menton les deux lits du bout de la pièce, si vivement que le vautour empaillé de son chapeau vacilla de façon inquiétante.
"Quoi ?" dit Ron, qui semblait très surpris. (Harry aurait voulu écraser le pied de Ron, mais c'était quelque chose de beaucoup plus difficile à réaliser discrètement quand on portait un jean au lieu d'une robe de sorcier.) "Est ce que ton père est là bas, Neville ?"
"Qu'est ce que ça veut dire ?" dit sévèrement Mme Londubat. Tu n'a rien dit à tes amis à propos de tes parents, Neville ?"
Neville respira profondément, leva les yeux au ciel, puis secoua négativement la tête.
Harry ne se souvenait pas d'avoir été aussi désolé pour quelqu'un, mais il ne trouvait pas la moindre manière d'aider Neville dans cette situation.
"Neville, il n'y a aucune raison d'être honteux !" Dit Mme Londubat avec colère. "Tu devrais être fier, Neville, fier ! Ils n'ont pas donné leur santé et leur esprit pour que tu ait honte d'eux !"
"Je n'ai pas honte," dit faiblement Neville, qui continuait à regarder n'importe où sauf vers Harry et les autres. Ron était à présent sur la pointe des pieds pour essayer de voir les occupants des deux lits.