« Peut-être, » dit Rogue, ses yeux sombres, froids se rétrécissant légèrement, « peut-être qu’en réalité, vous aimez avoir ces visions et ces rêves, Potter. Peut-être qu’ils vous font vous sentir spécial - important ? »
« Non, rien de tout ça, » dit Harry, sa mâchoire se crispant et ses doigts serrés fermement autour de la poignée de sa baguette magique.
« C'est aussi bien, Potter, » dit Rogue froidement, « parce que vous n'êtes ni spécial, ni important et ce n'est pas à vous que reviens la tâche de découvrir ce que le Seigneur des Ténèbres dit à ses Mangemorts. »
« Non - c'est votre travail, n'est-ce pas ? » Lui lança Harry.
Il n’avait pas voulu le dire ; mais la colère l’avait fait éclater. Pendant un long moment ils se regardèrent fixement, Harry étant convaincu qu'il était allé trop loin. Mais il y avait une curieuse expression, presque de satisfaction, sur le visage de Rogue lorsqu’il répondit.
« Oui, Potter, » Dit-il, ses yeux brillants. « C'est mon travail. Maintenant, si vous êtes prêts, nous allons recommencer. » Il leva sa baguette magique : « un - deux - trois –
Légilimens ! »
Une centaine de Détraqueurs fusaient vers Harry à travers le lac et le parc… Il crispa son visage sous l’effet de la concentration… Ils venaient tout près… Il pouvait voir les trous sombres au-dessous de leurs capuchons… Déjà il pouvait aussi voir Rogue debout devant lui, ses yeux fixés sur le visage d'Harry, murmurant dans son souffle… Et d'une façon ou d'une autre, Rogue devenait plus clair et les Détraqueurs grandissait plus faiblement…
Harry leva sa propre baguette magique.
« Protego ! » Rogue chancela - sa baguette magique s’envola, loin d'Harry - et soudainement l’esprit d'Harry grouilla de souvenirs qui n'étaient pas les siens : un homme au nez recourbé criait à une femme se recroquevillant, tandis qu'un petit garçon aux cheveux bruns pleurait dans un coin… Un adolescent aux cheveux gras était assis seul dans une chambre à coucher sombre, dirigeant sa baguette magique au plafond, abattant des mouches… Une fille riait tandis qu’un garçon décharné essayait de monter sur un balai -
« ASSEZ ! »
Harry se sentit comme s'il avait été poussé durement à la poitrine ; il fit plusieurs pas en arrière sous le choque, heurta les planches couvrant les murs du bureau de Rogue et entendit quelque chose se briser. Rogue tremblait légèrement et le visage livide. Le dos de la robe d'Harry était humide. Une des fioles derrière lui s'était cassée quand il est tombé contre l’étagère ; la chose gluante saumurée tourbillonnait dans son breuvage magique de drainage.
« Reparo », siffla Rogue et la fiole se re scella immédiatement. « Bien, Potter… C’est indubitablement une amélioration… »
Haletant légèrement, Rogue redressa la Pensive dans lequel il avait de nouveau stocké certaines de ses pensées avant le début de la leçon, presque comme s'il vérifiait qu’elles étaient toujours là. « Je ne me rappelle pas vous avoir dire d'employer un Charme de Protection… Mais il n'y a aucun doute que c'était efficace… »
Harry ne parla pas ; il estima que dire quoi que ce soit pouvait être dangereux. Il était sûr qu'il venait de faire irruption dans les souvenirs de Rogue, qu'il venait de voir des scènes de son enfance. Il était déconcertant de penser que le petit garçon qui avait pleuré lorsqu’il avait surpris les cris de ses parents était en fait debout devant lui, ses yeux pleins de haine.
« Essayons de nouveau, vous voulez ? » Dit Rogue.
Harry sentit un frisson d'effroi ; il était sur le point de payer pour ce qui venait d'arriver, il en était sûr. Ils se déplacèrent de façon à avoir le bureau entre eux, Harry sentant qu’il allait être beaucoup plus dur de faire le vide dans son esprit cette fois. »
« Je compte jusqu’à trois. Tenez-vous prêt, » dit Rogue, levant sa baguette magique encore une fois. « Un - deux - »
Harry n'eut pas le temps de reprendre ses esprits ou d’essayer de faire le vide avant que Rogue n'ait crié, « Légilimens ! » Il avançait à toute vitesse le long du couloir du Département des Mystères, devant les murs en pierre blanche, devant les torches - la porte noire et plate devenait plus grande que jamais ; il se déplaçait si vite qu’il allait entrer en collision avec elle, il en était à quelques pas et de nouveau il pouvait voir par la fente passer une faible lumière bleue –
La porte s’ouvrit à la volée ! Il l’avait enfin passée, et était maintenant à l’intérieur d’une pièce aux murs et au sol noir. C’était une pièce circulaire éclairée avec des bougies aux flammes bleues et il y avait beaucoup de portes tout autour de lui - il avait besoin de continuer - mais quelle porte devait-il prendre - ?
« POTTER ! »
Harry ouvrit les yeux. Il était allongé sur le dos de nouveau sans avoir la moindre idée de comment il était arrivé là ; il haletait aussi comme s'il avait vraiment parcouru la longueur du couloir du Département des Mystères, avaient vraiment passé la porte noire et s’était trouvé dans la pièce circulaire.
« Expliquez-vous ! » Dit Rogue, qui était debout devant lui, le regard furieux.
« Je… Je ne sais pas ce qui est arrivé, » dit Harry sincèrement, en se relevant. Il y avait une bosse à l'arrière de sa tête à l’endroit où elle avait touché le sol et il se sentait fiévreux. « Je n'ai jamais vu ça auparavant. Je veux dire, je vous l’ai raconté, j'ai déjà rêvé de la porte… mais elle ne s’est jamais ouverte avant. »
« Vous ne travaillez pas assez dur ! »
Pour une raison inconnue, Rogue semblait encore plus en colère que deux minutes auparavant, lorsque Harry avait vu dans les souvenirs de son enseignant.
« Vous est-ce que paresseux et vous ne vous appliquez pas, Potter, il n’est guère étonnant que le Seigneur des Ténèbres – »
« Vous pouvez m’expliquer quelque chose, professeur ? » Dit Harry, respirant profondément de nouveau. « Pourquoi appelez-vous Voldemort le Seigneur des Ténèbres ? J'ai n’ai jamais entendu que les Mangemorts l’appeler ainsi. »
Rogue ouvrit la bouche pour répondre - et une femme cria à l'extérieur de la pièce.
Rogue leva la tête vers le haut ; il regardait le plafond.
« Qu’est-ce que - ? » Murmura-t-il.
Harry pouvait entendre une agitation assourdie, qui semblait provenir du Hall d’Entrée.
Rogue regarda autour de lui, fronçant les sourcils.
« Avez-vous remarqué quelque chose de bizarre quand vous êtes descendu ici, Potter ? »
Harry secoua la tête. Quelque part au-dessus d'eux, la femme cria de nouveau. Rogue marcha à grands pas jusqu’à la porte de son bureau, tenant prête sa baguette magique et disparut dans le couloir. Harry hésita un instant, puis décida de le suivre. Les cris perçants venaient en effet du Hall d’Entrée ; ils devinrent de plus en plus fort à mesure que Harry montait les marches en pierre menant en haut des cachots souterrains. Quand il atteint le sommet, il trouva le Hall d’Entrée bondé ; les étudiants étaient accourus du Grand Hall, où le dîner était toujours en cours, pour voir ce qui se passait ; d'autres s'étaient fourrés sur l'escalier de marbre. Harry se fraya un chemin à travers un groupe de grands Serpentard et vit que les spectateurs avaient formé un grand cercle, certains d'entre eux semblants choqués, d'autres même effrayés.
Le professeur McGonagall se trouvait exactement à l’opposé d’Harry, de l'autre côté du Hall ; elle avait l’attitude de quelqu’un qui observe une personne malade. Le professeur Trelawney était debout au milieu du Hall d’entrée, sa baguette magique dans une main et une bouteille de xérès vide dans l'autre, une lueur de folie dans le regard. Ses cheveux étaient défaits, ses lunettes étaient tordues de telle façon qu'un oeil était plus agrandi que l'autre ; ses innombrables châles et écharpes traînaient au petit bonheur de ses épaules, donnant l'impression qu'elle tombait en morceaux aux coutures. Deux grands coffres étaient posés sur le sol à côté d'elle, l’un d'entre eux à l'envers ; il semblait qu’elle l’avait jeté directement en bas l'escalier. Le professeur Trelawney regardait fixement, apparemment terrifié, quelque chose qu'Harry ne pouvait pas voir, mais qui semblait être debout au pied de l'escalier.