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« Comment ? Que dites-vous, si on voulait bien délier ces personnes ? Mais comment donc ! Qu’attendez-vous, vous autres, effroyables tortionnaires, gestapistes, pour délivrer ces charmantes gens ? Regardez-vous dans quelle posture ils se tiennent, les malheureux ! La France leur votera des dommages et intérêts, je m’y engage, et si la France montre quelque carence à ce propos, je débourserai de ma poche ! Mais soyez sans inquiétude, capitaine Van Dhäl, on ne va pas recommencer un nouveau Greenpeace. »

Il roule, le capitaine, prend un fade monumental. Il est en civil, bien sûr, puisqu’à l’étranger, genre officier de réserve dans un complet au ton épinard. Il manque un bouton à sa chemise et on aperçoit son ventre rose et gras de porcelet où frisottent quelques poils blonds.

Il me frime avec ironie. Chapeau ! ils sont gonflés, ces mecs ! Venir récupérer leurs complices officiellement en s’offrant le luxe de porter plainte contre nous !

Alors une lame de fond m’empare. Elle décarre de mes doigts de pieds et grimpe inexorablement jusqu’à mon chapiteau après avoir traversé mes burnes tuméfiées. Je me ramasse sur moi-même, pareil au tigre du Bengale, d’après ce que je me suis laissé raconter. Et je bondis ! Ma boule, il se la cueille en plein pif. Ce fracas de porte enfoncée, tu crois qu’il est produit par ses cartilages qui déclarent forfait, toi ? Oui, probable. Sa bouille est instantanément en sang. Je n’en reste pas là. Un crochet au bouc suit. Puis un uppercut à la pommette. Je recule pour lui ajuster enfin un penalty forcené sous le ventre. Le capitaine ne cherche pas à jouer au plus fin avec sa lucidité et perd conscience. Ça fait « Vraonggg ! » quand il s’abat sur le plancher des Bérurier.

— Oh ! mon Dieu, balbutie le Vieux, pétrifié, à peine réintégré me voici de nouveau limogé !

Epuisé, comme s’il était au cœur d’une cruelle hépatite virale, il s’assied sur une chaise qui proximitait. Il est aussi sonné que Van Dhäl. Il marmonne des bribes de misère. Il raconte comme quoi les temps sont de plus en plus difficiles. Que la vie, s’il aurait su, il se serait lancé dans la culture de l’endive, ou l’élevage du basset artésien ; à moins qu’il aurait pu être pêcheur grec dans les Cyclades. Il va se retirer dans un monastère avec Zouzou. Ils seront habillés de bure et prieront avant et après chaque coït. Des larmes lui jaillissent. Il lève sa tête de saint Sébastien martyrisé vers moi.

— O San-Antonio, vous que j’aimais paternellement, vous que j’ai formé, pétri dans l’argile de mon expérience, vous qui me devez tout et davantage encore, pourquoi me faire cela ?

Je tire une chaise de sous la table, prends place face au Vieux, lui saisis les mains sans qu’il résiste et plonge mon regard flamboyant dans ses yeux de chien battu.

— Je vous ai fait tout cela, patron, pour vous éviter de sombrer dans le déshonneur. Si je ne vous avais pas « fait cela », à l’heure où nous parlons la France serait sans président, Paris sans maire et les télévisions françaises sans antennes pour annoncer au monde ces fâcheuses nouvelles. Car si je ne vous avais pas fait cela, ces requins de haut vol à la solde de je ne sais quelle puissance maléfique auraient réussi l’attentat le plus terrible depuis celui qui coûta la vie à Kennedy.

Je vais chercher une petite boîte de carton sur le buffet des Bérurier. L’ouvre. A l’intérieur se trouve une chose sombre, brillante, ayant le volume de deux pièces de cinq francs superposées.

— Qu’est-ce que c’est ? murmure Achille.

— D’après Mathias qui y a jeté un premier coup d’œil, il s’agirait d’une charge de Chibrium endurci. L’explosif le plus puissant avant la bombe atomique. Si ce truc explosait, il ne resterait de l’immeuble que ses caves et peut-être la cage à serins de Mme Glansale, la concierge, accrochée à la porte de sa loge mais, que je vous raconte… Quand Berthe a été baisée par cet équipage de chauds lapins, on lui a fait subir ensuite un contrôle médical. Au cours dudit contrôle, le médecin qui l’effectuait a placé cette bombe miniaturisée dans le corps de Mme Bérurier. Ne restait plus que d’attendre l’occasion de la faire exploser. Pour cela, il convenait que Berthe se trouvât dans l’entourage du président, chose qui n’avait rien d’impossible puisqu’elle était l’épouse du ministre de l’Intérieur. A ce moment-là, un technicien compétent, se trouvant à bonne portée, provoquait l’explosion de l’engin. La chose a failli se produire tout à l’heure, au second étage de la tour Eiffel. Si je n’avais pas remplacé la vraie dame Bérurier par une fausse, c’était l’apocalypse. Vous réalisez, monsieur le directeur ? Berthe était partie chercher l’amour à Amsterdam et elle en a rapporté la mort dans son ventre.

Pépère est à bout de crédulité.

— Tout ce que j’avance, je peux le prouver, dis-je. Grâce à Pinaud qui a télescopé l’Asiatique chargé de la manœuvre (et qui se trouve à l’hosto dans un piteux état), nous possédons la mallette de déclenchement. Un gynécologue de renom peut témoigner qu’il a bel et bien prélevé cette bombe dans les profondeurs de notre chère Berthe après l’y avoir décelée à la radioscopie. Mais il y a mieux, boss. Je me fais fort d’obtenir les aveux de cette tête de lard de capitaine Van Dhäl.

« Si je l’installe en plein champ avec ce machin-là dans sa poche et que Mathias soit prêt à actionner l’attaché-case contenant le détonateur, il vous racontera tout, je vous le garantis. Alors cessez de faire dans votre pantalon en appréhendant les conséquences diplomatiques. Ces gens sont des démons, pour employer votre langage toujours imagé ; il est temps que les coupables paient. Et c’est nous qui allons avoir la peau de Hieronymus Krül ! »

PILOGUE

Le reste, c’est-à-dire la fin, t’as dû le ligoter dans les baveux. Ça a fait assez de cris ! Le suicide de Krül. La démission en chaîne de hauts fonctionnaires néerlandais placés sous ses ordres. La confession du capitaine Van Dhäl. Son extradition. Sa condamnation aux assises d’Amsterdam. La mise à jour d’une Mafia internationale de trafiquants frappant tous azimuts : drogue, prostitution, ventes d’armes, aide largement rétribuée à des brigades terroristes, que sais-je ! De là est partie la Croisade pour un monde assaini, dont notre cher président a pris la tête, ce qui va lui valoir le Nobel de la Paix à la prochaine distribution de gadgets. Tout ça grâce à qui est-ce ? N’aie pas crainte de le dire, Casimir. Oui, grâce à ton San-Antonio joli, que rien n’arrête et qui n’aura jamais froid aux châsses. Car, si je n’avais pas exigé de Béru qu’il démissionne, si je n’avais pas inventé une fausse Bérurière, si je… Enfin merde, je ne vais pas recommencer ce book, il est suffisamment long comme ça, non ?

Carton reçu une huitaine de jours après les dramatiques événements relatés dans ce chef-d’œuvre impérissable :

Monsieur Alexandre-Benoît BERURIER, ancien Ministre et Madame Alexandre-Benoît BERURIER, sa femme et épouse, ont le plaisir de vous inviter à la projection du film que Berthe Bérurier est la vedette et qu’a été réalisé à bord du paquebot Shöen Zobar av’c la participance de tout l’équipage.