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— Bien sûr : Amsterdam-vice !Visite organisée ; ça ne se refuse pas quand on a la manette du réchaud perpétuellement sur la position 6.

Le Gravos fait la moue.

— J’le connais l’quartier des radasses d’Amsterdam, il est grand ; tu comptes faire du porte-à-porte ? En moins de jouge on s’ra retapissés et mis à l’indesque.

— Un élément va nous faciliter le travail.

— Lequel-t-il ?

— Ouvre ton bel album de famille, Gros, et mate l’avant-dernière photo…

Il s’arrête et obtempère.

— J’y sus.

— Que représente-t-elle ?

— L’enfourchement cosaque de ma Merveilleuse par le gus au baobab.

— Et ça se passe comment, cet épisode guerrier, mec ?

— Mon adorée est à genouxe et l’sagouin la grimpe en danseuse.

— En effet. Et en dehors de son goumi féroce, à l’artiste, tu aperçois quoi d’autre de lui ?

— Ses gesticules : on dirait deux gourdes en peau d’chèvre de deux lit’ chacun.

— Toujours exact. Et, outre ces outres, que distingue-t-on encore ?

Le Monumental examine l’image.

— Ses mains sur le michier à ma Grosse.

— Bravo ! Comment les trouves-tu ?

— Bizarres.

— Sais-tu pourquoi elles le sont, monsieur l’ancien ministre ?

— Cause !

— Parce que ce sont des mains de nain.

— De nain ?

— De nain !

Il hoche la tête, incrédule.

— Tu voudrais m’faire croire qu’un nain peut être membré si gigantesqu’ment ? La monstre bombarde que ma pauv’ Berthe s’ingurgite appartiendrerait à un nabot ? Tu débloques, mon pote !

— Pas du tout, Mastar : la chose m’a sauté aux yeux d’emblée. Regarde leur potelé, l’arc de l’avant-bras, l’aspect compact des doigts. Par ailleurs, il est fréquent que les nains soient dotés par la nature de cette compensation. Nous nous trouvons bel et bien en présence d’un gnome. Voilà qui va faciliter nos recherches.

— Tu crois ?

— D’autant que les quelques éléments que nous découvrons du décor sur ces photos me confortent dans la certitude que le petit documentaire a été réalisé dans le studio d’une pute professionnelle du quartier aux vitrines.

— T’es sûr ? bredouille l’épave.

— Non, mais je le sens.

Elle portait un boléro en lamé argent qui scintillait dans la lumière d’un projo comme un poisson au soleil. Du bas, elle était vêtue de quelques centimètres de cordonnet qui passait entre ses cuisses après avoir ceinturé sa taille. Je l’aurais probablement trouvée sexy sans sa frime de pute plus vraie que nature qui détruisait le charme. Cette personne faisait radasse pire que dans les films du muet, quand fallait forcer sur l’expression pour remplacer la parole encore non avenue.

Quelque chose, dans son visage, me racontait des banlieues de France : Paris, Lyon, Marseille ? (En voiture !) Elle avait ce côté pauvrement vache des connasses prostituées. Ce genre de pétasse n’est jamais une affaire, car pour bien se vendre, il faut disposer d’un minimum de psychologie qui, probablement, manquait à cette fille. Pour me conforter dans mon impression qu’elle était ma compatriote, un écriteau rédigé à la main et placé dans un coin de la vitrine, indiquait : Ici, on cause français.

Je recommandai à Béru de m’attendre en faisant du lèche-vitrines le long de la rue et je pénétrai dans le studio de la demoiselle.

L’endroit empestait le parfum, si toutefois l’on peut donner le nom de parfum à l’infernale et âcre odeur qui m’agressa dès le seuil.

Une vue de la tour Eiffel, peinte sur une tranche de bouleau, acheva de me persuader que cette prostituée était made in France.

— Salut, môme ! fis-je joyeusement.

Elle dit, de dos, en fermant les rideaux pour isoler nos dégueulasseries en devenir de la chaussée :

— Bonsoir, Chouchou, alors, t’es français ?

— Entièrement taillé dans la masse.

Elle me fit face. Je constatai que son air con était encore plus grave, vu de près. Une tache de vin en forme de la Suisse se voyait sous son maquillage de la joue gauche.

— T’as des florins, au moins ? s’inquiéta la donzelle. Parce que je prends pas l’argent français.

Je la rassurai : j’en avais.

Elle s’empressa de m’indiquer ses tarifs et je lui remis la somme forfaitaire qu’elle réclamait pour me confectionner une pipe.

Elle garda le blé dans la main et pleurnicha :

— Sois gentil : rajoute-moi un petit quelque chose.

Bon pigeon, j’y allai d’un bifton supplémentaire.

— Toi, ma grande, t’aurais une vieille mère à charge et un enfant en nourrice que ça ne m’étonnerait pas ! ricanai-je.

— Comment le sais-tu ?

— J’ai des dons de voyance.

Elle s’en fut planquer son blé dans un coffret délicatement orné de petits coquillages multicolores et qui jouait Happy birthday to you quand on en soulevait le couvercle.

— Tu me montres ton petit bijou, Chouchou ? fit-elle en revenant.

Je la décidai trop infamement stupide, même pour un petit calumet express ; ce genre de vache aurait pu me mâchouiller pendant dix ans sans que je gode. Pas que je sois porté sur les intellectuelles — grand Dieu non —, mais le néant me flanque le vertige.

— Je préférerais qu’on parle un peu avant : tu m’intimides, lui dis-je.

Elle se rembrunit.

— Parler ? Mais ça va te coûter un max, Max ! riposta l’élue de mon cœur. C’est long, parler. J’ai pas de temps à perdre, moi. D’autant que c’est le soir, l’heure qu’on affure. Je suis très demandée, moi, Chouchou. Je fais mes dix passes facile d’ici la fermeture.

Je sortis de nouveau des bank-notes de ma vague.

— Pleure pas, Ninette. Tiens, pour tes pauvres.

Elle happa. Son regard brillait comme les Champs-Elysées le soir de Noël. Elle flairait la bonne pomme fastoche à éponger et sentait qu’en usinant bien elle pourrait m’en griffer toute une liasse.

— C’est la première fois que tu viens voir les filles d’Amsterdam ? demanda-t-elle.

— Non, ça m’arrive de temps en temps.

— T’es dans l’import-export ?

— Affirmatif.

— Quelle branche ?

— Le poulet… surgelé.

— Et tu dérouilles chez ces mange-merde ?

— Ça boume.

Je rigolai :

— La dernière fois que je suis venu tringler dans le secteur, j’ai participé à une partouzette tout ce qu’il y avait de mimi. J’arrive plus à retrouver la boutique : il faisait nuit et j’étais drivé par des copains.

Elle se pinça car elle détestait la concurrence. Que je célèbre les mérites d’un autre baisodrome la désobligeait. Pourtant, il me fallait savoir.

— Ouais, j’ai des collègues qui font ça, dit-elle d’un ton réprobateur.

Elle abordait le bécébégisme, Ninette. Fallait pas la ramener devant elle, question dépravation. Sa conscience pour elle, si tu vois le genre. Elle y allait du cul, mais dans les normes admises par la morale pour peu qu’elle fût élastique.

Je poursuivis :

— Note que c’était assez dégueulasse, ce rodéo. Si je te disais : y avait un nain dans le ballet, mais chibré comme Jumbo l’éléphant.

Elle exclame :

— Ah ! c’était chez cette salope de Marika !

— Tu connais ?

— Tu parles. Une paumée camée à mort et qui s’explique avec son oncle, Teddy.

— Le nabot, c’est son tonton ?

— Ouais. Il travaillait dans un cirque. Et puis quand sa nièce s’est faite pute, il s’est mis en association avec elle. Ils ont des couples comme clients, ou des pédoques qu’ont pas froid aux miches. Teddy, paraît qu’il se traîne la chopine du siècle !