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Le psychologue en chef écouta son rapport et l’exposé de ses intentions sans faire le moindre commentaire. Ce ne fût que lorsque Conway eut terminé ses explications, qu’il rétorqua :

— Professeur, avez-vous conscience de ce qui risque d’arriver à cet hôpital, si cette chose recouvre tous ses moyens? Je ne parle pas uniquement de ses moyens sur un plan physique. Vous avez dit que son esprit est gravement perturbé, pour ne pas dire qu’elle est carrément démente. Pour l’instant, cet être est inconscient, mais si j’en crois vos paroles, sa maîtrise des sciences psychologiques est telle qu’il pourrait nous convaincre d’aller manger dans ses appendices manipulateurs grâce à quelques paroles.

« Je redoute de ce qui risque de se produire à son éveil. »

C’était la première fois que Conway entendait O’Mara admettre qu’il pouvait craindre quelque chose. On racontait que lorsqu’un vaisseau en perdition s’était écrasé contre l’hôpital en semant la destruction et la confusion dans seize niveaux, quelques années plus tôt, le commandant O’Mara avait également exprimé son inquiétude …

— Je m’efforce de ne pas y penser, déclara Conway sur un ton d’excuse. Cela ne ferait qu’embrouiller les choses.

O’Mara prit une profonde inspiration et laissa l’air s’échapper lentement de ses narines, ce qui remplaçait avantageusement plus de vingt phrases cinglantes.

— Il faut pourtant que quelqu’un y pense, professeur, rétorqua-t-il sèchement. J’espère que vous n’aurez aucune objection à faire, si j’assiste à cette intervention?..

Ce n’était rien de moins qu’un ordre poliment tourné auquel Conway ne pouvait répondre qu’en acquiesçant avec la même courtoisie.

— Je serai heureux de votre présence, commandant.

Lorsqu’ils arrivèrent dans la salle d’observation, le « Lit » du patient avait été soulevé à une hauteur qui faciliterait l’intervention et le EPLH avait, quant à lui, été solidement sanglé. Le Tralthien avait pris place à côté de l’enregistreur et de l’appareil d’anesthésie et gardait un œil sur le patient, l’autre sur son matériel, et les deux derniers tournés vers Prilicla avec qui il discutait d’un scandale particulièrement savoureux qui avait éclaté au grand jour la veille seulement. Etant donné que les deux personnes concernées étaient des PVSJ qui respiraient du chlore, leur liaison n’avait pour eux qu’un intérêt purement académique mais, apparemment, ce dernier était grand. Cependant, dès qu’ils virent O’Mara, leurs médisances cessèrent aussitôt et Conway leur fit signe de commencer.

L’anesthésique avait été choisi dans un éventail de produits qui, selon le service de pathologie, étaient sans danger pour le métabolisme des formes de vie EPLH. Pendant qu’il était administré au patient, Conway découvrit que son esprit se portait sur son assistant Tralthien.

Les chirurgiens de cette espèce étaient en fait deux êtres au lieu d’un seul, une combinaison de FGLI et d’OSTB. Accroché au cuir du dos du Tralthien pachydermique et maladroit se trouvait un être minuscule et presque sans esprit qui vivait en symbiose avec lui. Au premier regard, l’OSTB ressemblait à une balle duveteuse d’où sortait une longue queue de cheval, mais un examen plus approfondi révélait que cette « queue » était composée de nombreux cirres manipulateurs minuscules dont la plupart possédaient des organes visuels extrêmement sensibles. En raison des rapports existant entre les Tralthiens et leurs symbiotes, l’ensemble FGLI/OSTB formait les meilleurs chirurgiens de la galaxie. Les Tralthiens ne choisissaient pas tous de s’unir à un symbiote, mais les médecins FGLI les portaient toujours comme un insigne de leur profession.

Brusquement, l’OSTB remonta en courant le long de l’épine dorsale de son hôte et se blottit au sommet de son crâne en forme de dôme, entre les pédoncules oculaires. Sa queue descendit en direction du patient et s’étala en éventail, avec rigidité. Le Tralthien était prêt à commencer l’intervention chirurgicale.

— On peut noter qu’il s’agit d’une affection purement superficielle et que tout l’épiderme parait nécrosé, séché et sur le point de se détacher en squames, déclara Conway à l’attention de l’enregistreur. Nous n’avons eu aucune difficulté à prélever les premiers échantillons de peau, mais lors du prélèvement des spécimens suivants nous avons rencontré une certaine résistance. La raison en a été découverte : la présence de minuscules radicelles d’approximativement six millimètres de longueur et invisibles à l’œil nu. À mon œil nu, devrais-je dire. Ainsi, il semble évident que l’évolution de la maladie est entrée dans une nouvelle phase. La nécrose quitte l’épiderme pour s’étendre à l’intérieur des chairs et plus vite nous agirons sera le mieux.

Conway dicta les références des rapports du laboratoire et de ses notes préliminaires sur ce cas, puis ajouta :

—  … Etant donné que, pour des raisons que nous ignorons encore, le patient ne réagit pas aux traitements, je suggère que nous procédions à l’ablation chirurgicale des tissus malades, à l’irrigation des chairs, nettoyage des zones atteintes et au remplacement de l’épiderme par une pellicule synthétique. Un Tralthien, guidé par un OTSB, pratiquera l’excision des radicelles. Exception faite de l’importance de la zone nécrosée qui rendra cette opération extrêmement longue, cette intervention est d’une extrême simplicité …

— Excusez-moi, professeur, l’interrompit Prilicla, mais le patient est toujours conscient.

Une discussion, au cours de laquelle Prilicla seul se montra courtois, éclata entre le Tralthien et le petit GLNO. Ce dernier affirmait que le EPLH pensait encore et qu’il captait ses émotions alors que le FGLI soutenait qu’en raison de la dose d’anesthésie administrée il resterait totalement insensible durant les six prochaines heures. Conway intervint à l’instant où cette dispute professionnelle allait dégénérer et que des arguments d’ordre plus personnels allaient être utilisés.

— Nous avons déjà rencontré ce problème, dit-il avec irritation. Le patient est physiquement inconscient depuis son arrivée, si l’on excepte les quelques minutes durant lesquelles il a été pris de folie furieuse. Cependant, Prilicla a constamment détecté des pensées rationnelles. C’est le même phénomène qui se produit alors qu’il est sous anesthésie. Je ne saurais comment l’expliquer et, pour obtenir des éclaircissements, il faudrait sans doute faire pratiquer des recherches chirurgicales au niveau de sa structure cérébrale, ce qui devra attendre. Pour l’instant, l’important est qu’il soit physiquement dans l’incapacité de se mouvoir ou de ressentir la douleur. Bien, pouvons-nous commencer?

Puis il se tourna vers Prilicla, pour ajouter :

« Mais continuez d’être vigilant, on ne sait jamais …

IV

Durant une vingtaine de minutes, ils travaillèrent en silence, bien que l’opération ne nécessitât guère de concentration de leur part. C’était un peu comme sarcler un jardin, hormis que tout ce qui poussait était une mauvaise herbe et qu’il fallait ne déraciner qu’une plante à la fois. Conway soulevait une zone d’épiderme nécrosé, les appendices filiformes de l’OSTB examinaient, sondaient et extirpaient les radicelles, puis Conway tirait une autre squame. Il attendait avec impatience la fin de l’intervention chirurgicale la moins passionnante de toute sa carrière.