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— Parfait.

Khalid se releva lourdement, s’approcha d’un pas lent de Sayyed Abdul Aziz et, sans prévenir, lui flanqua un coup qui l’envoya les quatre fers en l’air sur l’estrade.

— Et toi ! rugit-il. Quelle est ton EXCUSE ? Pourquoi es-tu toujours si mauvais ? La constance n’est pas une excuse ! Ton CARACTÈRE N’EST PAS une EXCUSE !

Sayyed le foudroya du regard, étalé par terre, suçant son doigt tordu. Des épées dans le regard.

— Foutez-moi la paix !

Khalid fit mine de lui flanquer un nouveau coup de pied.

— Je te revaudrai ça, promit-il. Un jour ou l’autre, tu me le paieras.

— Oublie-le, lui conseilla Iwang. Ce n’est pas le vrai problème, et il fera toujours partie de nous. Oublie-le, oublie les dieux. Concentrons-nous sur ce que nous faisons. Nous pouvons faire notre propre monde.

LIVRE 5

CHAÎNE ET TRAME

Une nuit peut changer le monde

Les Portiers envoyèrent des messagers, avec des ceintures de wampum, annoncer une réunion du conseil au Pont Flottant. Ils voulaient élever au rang de chef l’étranger qu’ils appelaient Delouest. Il n’y avait rien d’extraordinaire à cela, et les cinquante sachems avaient accepté de se réunir. Il y avait beaucoup plus de chefs que de sachems, dont le titre mourait avec l’homme. Chaque nation était libre de choisir le sien, en fonction de ce qui se passait sur le sentier de la guerre et dans les villages. La seule chose inhabituelle dans cette nomination était l’origine étrangère du candidat, mais cela faisait déjà quelque temps qu’il vivait avec les Portiers, et le bruit courait parmi les neuf nations et les huit tribus que c’était quelqu’un d’intéressant.

Il avait été sauvé par une escouade de guerriers Portiers qui s’étaient avancés loin vers l’ouest pour infliger encore une leçon aux Sioux, voisins des Hodenosaunees. Les guerriers étaient arrivés alors que les Sioux étaient en train de torturer un homme, suspendu au-dessus d’un feu par des crochets enfoncés dans sa poitrine. Tout en préparant leur embuscade, les guerriers avaient été impressionnés par le discours de la victime, qui parlait dans un dialecte compréhensible par les Portiers, comme s’il avait vu qu’ils étaient là.

D’ordinaire, l’attitude à adopter quand on était torturé consistait à rire frénétiquement au nez de ses ennemis, afin de leur montrer qu’une douleur infligée par l’homme ne pouvait triompher de l’esprit. Mais l’étranger n’agissait pas ainsi. Calmement, il faisait remarquer à ses tortionnaires, dans la langue des Portiers et non en sioux :

— Vous êtes vraiment minables comme tortionnaires ! Ce qui blesse l’esprit ce n’est pas la passion, puisque toute passion est un encouragement. En me haïssant, vous m’aidez. Ce qui meurtrit vraiment, c’est d’être broyé comme un gland par une meule. Là d’où je viens, il existe un millier d’outils permettant de déchirer les chairs, mais ce qui fait souffrir, c’est l’indifférence. Vous, vous me rappelez que je suis un être humain, doué de passion, une cible de passion. Je suis heureux d’être ici. Et je suis sur le point d’être sauvé par des guerriers bien meilleurs que vous.

Les Seneques tapis dans les fourrés prirent cela comme le signal évident de l’attaque, et ils se ruèrent sur les Sioux en poussant des cris de guerre. Ils scalpèrent tous ceux qu’ils purent attraper, tout en prenant soin de sauver ce captif qui avait si bien parlé, qui plus est dans leur langue.

Comment saviez-vous que nous étions ici ? lui demandèrent-ils.

Suspendu comme je l’étais, leur répondit-il, j’avais vu vos yeux dans les fourrés.

Et comment se fait-il que vous parliez notre langue ?

Il y a, sur la côte ouest de cette île, une tribu parente de la vôtre, qui est venue ici il y a bien longtemps. C’est avec eux que j’ai appris votre dialecte.

Et voilà comment ils le ramenèrent chez eux, près du Niagara, où il vécut avec les Portiers et le Peuple de la Grande Colline, pendant plusieurs mois. Il participa aux chasses et prit part aux combats. On vanta ses exploits dans toutes les neuf nations, et bien des gens le rencontrèrent et furent impressionnés. Personne ne fut surpris qu’on le nommât chef.

Le conseil devait se tenir sur la colline, en amont du lac Canandaigua, où les Haudenosaunees étaient apparus, en sortant de la terre comme des taupes.

Le Peuple de la Colline, le Peuple du Granit, les Maîtres du Silex et les Tisseurs-de-Chemises, qui étaient montés du sud voici deux générations, après avoir connu bien des malheurs avec les gens venus d’au-delà des océans de l’Est, tous partirent vers l’ouest en suivant la Piste de la Longue-Maison, qui traversait la terre du peuple d’est en ouest. Ils campèrent à quelque distance de la maison du conseil des Portiers, envoyant des messagers pour dire qu’ils arrivaient, comme on le faisait autrefois. Les sachems seneques confirmèrent le jour de la réunion, et renouvelèrent leur invitation.

Au matin convenu, avant l’aube, les gens se levèrent, roulèrent leur couverture et se pressèrent autour des feux pour un rapide repas de gâteaux de maïs et de sirop d’érable. Le ciel était clair, avec seulement une mince ligne de nuages gris à l’est, pareille à l’ourlet finement brodé du manteau que portaient les femmes. La brume du lac se mit à danser. On aurait dit que des farfadets patinaient à la surface, y formant des tourbillons, des farfadets qui se rendaient à un conseil des farfadets, comme il y en avait un à chaque fois que les hommes se réunissaient. L’air était humide et froid, sans un brin de cette chaleur qui les accablerait probablement dans l’après-midi.

Les nations invitées se réunirent dans la prairie, au bord du lac, et s’installèrent là où elles en avaient l’habitude. Le temps que le ciel passe du gris au bleu, il y avait déjà quelques centaines de gens venus assister au Salut au Soleil, chanté par l’un des sachems seneques.

Les nations Onandagas gardaient le bâton de parole, ainsi que le wampum auquel on avait murmuré les lois de la Ligue. Leur puissant et vénérable sachem, Keeper, le Gardien du Wampum, se leva et brandit dans ses mains tendues les ceintures de wampum, lourdes et blanches. Les Onandagas étaient la nation du centre, le feu de leur conseil était le siège des conseils du peuple. Le Gardien du Wampum se lança dans une danse endiablée autour de la prairie, chantant quelque chose que la plupart d’entre eux ne perçurent que sous la forme d’une faible plainte.

On alluma un feu, et les pipes se mirent à tourner. Les Mohawks, les Onandagas et les Seneques, frères entre eux et pères de tous les autres, s’installèrent à l’ouest du feu ; les Oneidas, les Cayugas et les Tuscaroras s’assirent à l’est ; les jeunes nations, les Cherokees, les Shawnees et les Choctaws, s’assirent au sud. Le soleil apparut à l’horizon ; sa lumière coula dans la vallée comme du sirop d’érable, teintant chaque chose d’un jaune estival. Un filet de fumée s’éleva, de gris et de brun mêlés. C’était un matin sans vent, et la brume du lac finit par se dissiper. Des oiseaux se mirent à chanter dans le dais de verdure, à l’est de la prairie.

Des flèches d’ombre et de lumière sortit un homme. Il était petit, râblé, marchait pieds nus, et ne portait pour tout vêtement que le pagne du messager. Son visage était un ovale plat. C’était un étranger. Il avançait les mains jointes, le regard humblement baissé, et passa entre les jeunes nations jusqu’au feu central, où il se présenta, les paumes en avant, au Gardien du Wampum.

— Aujourd’hui, lui dit Keeper, tu deviens chef Hodenosaunee. En cette occasion, l’usage veut que je lise l’histoire du peuple, telle que la raconte le wampum que je tiens, et que je vous rappelle les lois de la Ligue, qui nous ont donné la paix pendant tellement de générations, à nous et aux jeunes nations qui nous ont rejoints, de la mer au Mississippi, des Grands Lacs au Tennessee.