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J'illustrerai le processus du refoulement et sa relation nécessaire avec la résistance par une comparaison grossière. Supposez que dans la salle de conférences, dans mon auditoire calme et attentif, il se trouve pourtant un individu qui se conduise de façon à me déranger et qui me trouble par des rires inconvenants, par son bavardage ou en tapant des pieds. Je déclarerai que je ne peux continuer à professer ainsi; sur ce, quelques auditeurs vigoureux se lèveront et, après une brève lutte, mettront le personnage à la porte. Il sera «refoulé» et je pourrai continuer ma conférence. Mais, pour que le trouble ne se reproduise plus, au cas où l'expulsé essayerait de rentrer dans la salle, les personnes qui sont venues à mon aide iront adosser leurs chaises à la porte et former ainsi comme une «résistance». Si maintenant l'on transporte sur le plan psychique les événements de notre exemple, si l'on fait de la salle de conférences le conscient, et du vestibule l'inconscient, voilà une assez bonne image du refoulement.

C'est en cela que notre conception diffère de celle de Janet. Pour nous, la dissociation psychique ne vient pas d'une inaptitude innée de l'appareil mental à la synthèse; nous l'expliquons dynamiquement par le conflit de deux forces psychiques, nous voyons en elle le résultat d'une révolte active de deux constellations psychiques, le conscient et l'inconscient, l'une contre l'autre. Cette conception nouvelle soulève beaucoup de nouveaux problèmes. Ainsi le conflit psychique est certes très fréquent et le «moi» cherche à se défendre contre les souvenirs pénibles, sans provoquer pour autant une dissociation psychique. Force est donc d'admettre que d'autres conditions sont encore requises pour amener une dissociation. J'accorde volontiers que l'hypothèse du refoulement constitue non pas le terme mais bien le début d'une théorie psychologique; mais nous ne pouvons progresser que pas à pas, et il faut nous laisser le temps d'approfondir notre idée.

Qu'on se garde aussi d'essayer d'interpréter le cas de la jeune fille de Breuer à l'aide de la théorie du refoulement. L'histoire de cette malade ne s'y prête pas, car les données en ont été obtenues par l'influence hypnotique. Ce n'est qu'en écartant l'hypnose que l'on peut constater les résistances et les refoulements et se former une représentation exacte de l'évolution pathogène réelle. Dans l'hypnose, la résistance se voit mal, parce que la porte est ouverte sur l'arrière-fonds psychique; néanmoins, l'hypnose accentue la résistance aux frontières de ce domaine, elle en fait un mur de fortification qui rend tout le reste inabordable.

Le résultat le plus précieux auquel nous avait conduit l'observation de Breuer était la découverte de la relation des symptômes avec les événements pathogènes ou traumatismes psychiques. Comment allons-nous interpréter tout cela du point de vue de la théorie du refoulement? Au premier abord, on ne voit vraiment pas comment. Mais au lieu de me livrer à une déduction théorique compliquée, je vais reprendre ici notre comparaison de tout à l'heure. Il est certain qu'en éloignant le mauvais sujet qui dérangeait la leçon et en plaçant des sentinelles devant la porte, tout n'est pas fini. Il peut très bien arriver que l'expulsé, amer et résolu, provoque encore du désordre. Il n'est plus dans la salle, c'est vrai; on est débarrassé de sa présence, de son rire moqueur, de ses remarques à haute voix; mais à certains égards, le refoulement est pourtant resté inefficace, car voilà qu'au-dehors l'expulsé fait un vacarme insupportable; il crie, donne des coups de poings contre la porte et trouble ainsi la conférence plus que par son attitude précédente. Dans ces conditions, il serait heureux que le président de la réunion veuille bien assumer le rôle de médiateur et de pacificateur. Il parlementerait avec le personnage récalcitrant, puis il s'adresserait aux auditeurs et leur proposerait de le laisser rentrer, prenant sur lui de garantir une meilleure conduite. On déciderait de supprimer le refoulement et le calme et la paix renaîtraient. Voilà une image assez juste de la tâche qui incombe au médecin dans le traitement psychanalytique des névroses.

Exprimons-nous maintenant sans images: l'examen d'autres malades hystériques et d'autres névrosés nous conduit à la conviction qu'ils n'ont pas réussi à refouler l'idée à laquelle est lié leur désir insupportable. Ils l'ont bien chassée de leur conscience et de leur mémoire, et se sont épargné, apparemment, une grande somme de souffrances, mais le désir refoulé continue à subsister dans l'inconscient; il guette une occasion de se manifester et il réapparaît bientôt à la lumière, mais sous un déguisement qui le rend méconnaissable; en d'autres termes, l'idée refoulée est remplacée dans la conscience par une autre qui lui sert de substitut, d'ersatz, et à laquelle viennent s'attacher toutes les impressions de malaise que l'on croyait avoir écartées par le refoulement. Ce substitut de l'idée refoulée – le symptôme – est protégé contre de nouvelles attaques de la part du «moi»; et, au lieu d'un court conflit, intervient maintenant une souffrance continuelle. A côté des signes de défiguration, le symptôme offre un reste de ressemblance avec l'idée refoulée. Les procédés de formations substitutives se trahissent pendant le traitement psychanalytique du malade, et il est nécessaire pour la guérison que le symptôme soit ramené par ces mêmes moyens à l'idée refoulée. Si l'on parvient à ramener ce qui est refoulé au plein jour – cela suppose que des résistances considérables ont été surmontées -, alors le conflit psychique né de cette réintégration, et que le malade voulait éviter, peut trouver sous la direction du médecin, une meilleure solution que celle du refoulement. Une telle méthode parvient à faire évanouir conflits et névroses. Tantôt le malade convient qu'il a eu tort de refouler le désir pathogène et il accepte totalement ou partiellement ce désir; tantôt le désir lui-même est dirigé vers un but plus élevé et, pour cette raison, moins sujet à critique (c'est ce que je nomme la sublimation du désir); tantôt on reconnaît qu'il était juste de rejeter le désir, mais on remplace le mécanisme automatique, donc insuffisant, du refoulement, par un jugement de condamnation morale rendu avec l'aide des plus hautes instances spirituelles de l'homme; c'est en pleine lumière que l'on triomphe du désir.

Je m'excuse de n'avoir pas décrit de façon plus claire et plus compréhensible les principaux points de vue de la méthode de traitement appelée maintenant psychanalyse. Les difficultés ne tiennent pas seulement à la nouveauté du sujet. De quelle nature sont les désirs insupportables qui, malgré le refoulement, savent encore se faire entendre du fond de l'inconscient? Dans quelles conditions le refoulement échoue-t-il et se forme-t-il un substitut ou symptôme? Nous allons le voir.