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— D'où tenez-vous cette flatteuse information, ma bonne ?

— Elle est de notarié publique, elle aussi. J'm'ai laissé dire qu'une séance de baise av'c vous, Antoine, c'est plus beau qu'Venise. J'sais plus quelle pécore qu'v's'aviez tirée m'a raconté vos passes de cape, j'ai été obligée d'changer d'culotte tell'ment qu' j'm'y croiliais.

Comme tu vois, un dialogue avec Berthe Bérurier est toujours intéressant et fait avancer le progrès. La qualité de ses considérations, la clarté de ses aperçus, son sens inné de la vie font de ses moindres propos un enchantement délicat.

— Il ne faut rien sublimer, calmé-je le jeu ; il arrive qu'on soit en verve avec certaines partenaires dont la sensualité correspond à la vôtre…

Elle place l'estocade :

— Moi et vous, commissaire, j'sus certain qu'on s'recevrerait cinq su' cinq. Si j'vous avouais qu'je fantômasse à propos de vot' sujet. L'aut' nuit, j'ai rêvé que vous me broutiez la babasse ; j'ai tant tell'ment gueulé d'plaisir qu' ça a réveillé M'sieur Merlin, not' crémier, que la femme est en vacances et dont j'ai un faible à cause d'sa moustache. A quatre heures du matin y a fallu qu'y m'baratte l'trésor, j'y t'nais plus. Quand l'amour m'empare, Antoine, j'sus capab' d'm'enquiler un magnum d'champ' dans l'endroit frivole, si j'vous direrais !

— Voilà qui est bon à savoir, ma chère Berthe. Le jour où j'aurai besoin d'une planque sûre pour ma Maserati, je ferai appel à vous !

Elle s'éclate :

— V's'êtes un grand coquin, Antoine. La vie est mal faite, c'est vous que j'aurerais dû épouser, et non pas ce porc de Bérurier qu'est un goujat et un répugnant personnage. Si j'vous direrais qu'y m'gêne, par moments ! C'est pas l'gènre d'mari qui met sa femme en valeur, si vous voiliez ce dont je dis ? C'qu'il a, c'est qu'il a pas d'éducation. Bon, il est revenu, j'accepte. Mais faudra qu'il s'attendisse à des représailleries. On m'abandonne pas comme un vieux slip pour r'viendre la bouche en cœur comme quoi « elle m'a plaqué, j'rent' ». J'peux vous jurer qu'il va trouver comme un défaut dans nos nouvelles relations, commissaire. Et s'mett' la tringle, question tringle ! Dites, j'ai pris des habitudes, moi, pendant la récré d'môssieur. J'attends pas après sa pine d'âne pour m'faire reluire, j'regrette !

Je l'écoute vindicater en songeant qu'il n'y a pas de raison pour que sa délirade ne dure pas le temps de ce bouquin. Je pourrais te communiquer les réflexions de la Baleine intégralement et tituler le book : « Les stances de Berthaga », ça se vendrait. Je perçois un coup de sonnette dans I'apparte des deux monstres.

— Vous permettez, dit Berthe, y a quéqu'un à la porte, c'est p't'êt' ce gros sac qu'a oublillellé ses clés.

Elle abandonne le combiné. Je perçois un bruit de converse. Puis elle revient en ligne :

— Non, dit-elle, c'est Germain Pilon, le locataire du dessus qui vient se faire faire un' p'tite pipe en voisin. J'en ai pour deux minutes car il fait de la gesticulation précoce. C'soir, c'est leur annif d'mariage, sa femme et lui, et y voudrait la niquer après s'êt' fait essorer l'intime prélavablement. Y a qu' comme ça qu'y peut t'nir la distance, l'pauv' biquet. Installez-vous dans l'fauteuil, Germain, et déballez vot' bigomeau, j'sus t'à vous dans une instant.

Berthe baisse le ton et me confie :

— J'voudrais qu'vous vissiez la zézette à m'sieur Pilon, Antoine : il l'a en tire-bouchon ! La crise ! On a l'impression de pomper une hélice ! Mais qu'est-ce y m'fait, là ! Non, non ! Masturbez-vous pas, Germain, v's'allez tout m'saloper mon tapis qui rent' du nettoilliage d'à la suite d'Alfred qu'avait dégueulé dessus. Les tapis, c'est comme les gens : y en a qu'ont pas d'chance. Çui-là, y dérouille sans arrêt ; quand c'est pas une tasse d'café ou du foutre, c'est la blanquette d'veau ou les andouillettes ! J'passe ma vie à l'frotter à l'eau écarlate ! C'est dommage, une pièce d'cette rareté qu'on avait gagnée dans une tombola, à nos débuts, Sandre et moi. Persan authentique, on l'a fait mésestimer un jour par un espert. Bon, Antoine, faut que j'vais vous laisser, M. Pilon s'impatiente du membre et y va m'causer du grabuge. L'i simpliste c'est qu'vous viendriez : l'temps d river d'Saint-Cloud, Béru s'ra de r'tour. J'sais pas c'qui vous veuille, mais c'est très grave. J'vous embrasse.

Cling !

Ouf !

Antoine qui attend la fin de ce morceau d'anthologie, assis à califourchon sur chaise, les bras croisés, ricane :

— C'te grosse vachasse, tu l'empêches de dormir ! Elle voudrait te violer tout cru, grand. Avec elle, c'est plus de la baise, c'est d spéléogie ! Elle doit avoir des peintures rupestres dans la moulasse !

— Dis donc, t'es savant, Toinet : rupestre c'est pas du langage courant !

— On vient de l'étudier, grand ; tu vois je ne suis pas si ignare que tu crois !

Il est impressionnant, le petit étalon !

Lorsque nous nous présentons sur le paillasson des Bérurier, un vacarme issu de logement fait résonner la cage d'escadrin.

Des cris, des bris ! Les seconds ponctuant les premiers. L'ensemble est assez rythmé :

— Fumière !

Bloing !

— Pourri !

Crac !

— Pute morte !

Boum !

— Saligaud de sa mère !

Floc !

— Merderie en flaque !

Vraoum !

— Baquet de merde !

Tchloc !

— Pertes blanches !

Dziou !

— Cocu cocu !

Pif !

— Morue tournée !

Dinggg !

— Crème de gland !

Raousse !

— Connasse pleine de foin !

Paf !

Et alors, le texte se développe, le débit s'accélère. On ne casse plus, on hurle !

— T'es un pourceau plein de pus, nourri d'colombins ! Une pompe à vidange qui déborde ! Un paquet de boyaux décomposés ! Une fosse à trous du cul ! De la vérole raclée ! Du dégobillage de chien malade. Une bite rance ! Un paf en pleine blenno ! Un sac bourré d'hémorroïdes de pédés ! T'es un vieux lavement d'occasion, Béru ! Une bassine remplie de capotes anglaises usagées ! T'es une tarte aux furoncles ! Un crapaud vérolé ! T'es plein de pets au cassoulet gâté ! Tu rotes le civet lièvre chié !

« Quand tu baises, t'as l'air d'un camion-citerne qui se vide ! Tu fouettes si tellement qu'avec toi, les fleurs sentent la fosse à purin ! Quand j'te regarde, j'ai honte de mes yeux ! Quand tu passes, ça laisse des traces comme de transporter des poubelles. S'réveiller dans un plumard à côté de toi, c'est comme si on ferait un cauchemar. Les petits enfants pas sages, on leur montre ta photo pour les punir ! Qu'un êt' de ton acabit existe, c'est pire qu'une épidémie d'vérole dégoulinante. Tu suintes de partout ! T'es couvert d'moisissures ! Tu ressemb' à un chancre pas sec ! La différence ent' toi et un cochon crevant d'indigestion, y en a pas. Je t'hais. Te gerbe à n'en plus finir ! Te cague sur la gueule ! Je crache sur ta chopine d'âne qu'on sait jamais d'où elle sort ! En t'voiliant, y me vient des abcès jusqu' dans la chatte ! Si j'aurais encore d'la religion, j'irais m'confesser de t'avoir causé.

« Faudrait qu'on t'pende par les couilles ! Qu'on t'ouve le bide en grand, laisser partir l'plus gros ! Qu'on t'arrache les yeux av'c fourchettes à huîtres. L'jour qu'ton vieux t'a concevu, il aurait dû embroquer ta mère par le pot ; sûrement qu'il l'a fait d'alieurs, parce qu't'es pas un homme, mais un étron ! Moi, reviv' avec cette infamure ? Je préfére entrer au couvent, m'faire nonne et brouter la supérieure ! Tu vas refout' ton camp aussitôt autrement sinon c'est moi qui fous le mien ! C'est comprille ? Mais qu'est-ce y l'arrive, à ce con ! Y s'marre ! Tu t'marres, sac à merde ? »