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Murphy pleurait. « Écoute-moi, Pyè. J’ai pas d’argent. Putain, je saigne. Ça fait mal. Il faut que je voie un médecin !

— Cheche lajan, mwen cheche médecin, wi ?

— J’ai pas d’argent », répéta Murphy en se tenant la cuisse, pressant son bras de l’autre main. « Ça pisse le sang ! »

Pyè lui planta le couteau dans l’autre cuisse. « Pas lajan, pas médecin. »

Encore un hurlement de Murphy. « Pyè, merde ! »

Pyè s’approcha tout près en posant les mains sur ses genoux fléchis. » Mwen te le dis une dernière fois. Pas d’argent, pas de médecin. Konprann ? Tu piges, connard ?

— Oh, mon Dieu. » Des larmes mêlées de sueur coulaient sur les joues de Murphy. « J’ai deux cents dollars en bas dans le coffre. Prends tout le matos que tu veux. Tout ce que vous pouvez porter. Prends tout. Mais arrête. S’il te plaît.

— C’est pas assez, Murphy.

— Je t’en prie, Pyè. Je n’ai pas l’argent. S’il te plaît, arrête !

— Putain. » Pyè saisit Murphy par les cheveux, lui renversa la tête en arrière et approcha le couteau de sa gorge.

« Non, je t’en supplie », gémit Murphy.

Pyè prépara son geste.

Fegan se pencha par-dessus la chaise et le retint par le poignet. « Non. »

Pyè le dévisagea, incrédule. « Qu’est-ce que tu fais, là, Gerry ?

— Non », répéta Fegan.

Pyè tenta de se dégager, mais Fegan tenait bon. Murphy se collait au dossier de la chaise, le plus loin possible de la lame. L’Haïtien agrippa les doigts de Fegan pour lui faire desserrer sa prise. « Lâche-moi.

— Non. » Fegan abaissa la main de Pyè, poussa vers la gauche pour le déséquilibrer.

Murphy se laissa glisser au bas de la chaise et s’enfuit à quatre pattes, le cou tordu pour regarder Pyè et Fegan qui s’affrontaient. Une traînée de sang marquait son sillage.

De sa main libre, Pyè saisit Fegan à la gorge. Fegan donna un coup de genou dans la chaise demeurée entre eux, fauchant les jambes de l’Haïtien qui tomba en avant et lâcha prise. Fegan lui envoya son avant-bras dans la mâchoire. La tête de Pyè partit sur le côté, il ferma les yeux. Fegan accentua la pression de son bras et le força à la chute. Tandis que l’Haïtien gisait à terre, les yeux égarés, il s’empara du couteau.

« Putain, Gerry ! dit Murphy. File-lui un coup. »

Fegan regardait la lame. Il leva les yeux.

Murphy gisait dans son sang, la haine et la peur sur son visage. « Vas-y ! Il le mérite, ce salopard.

— Non. »

Pyè gémit et cligna des yeux. Voyant que Fegan tenait le couteau, il poussa un petit cri et se recula craintivement.

« Fiche le camp, dit Fegan. Tu diras aux Doyle que je ne veux pas faire le sale boulot à leur place.

— Ils te tueront, Gerry. » Pyè essuya le sang sur sa lèvre.

— Peut-être. Allez, tire-toi. »

Le Haïtien se leva. Il ouvrit la bouche, la referma, fit bouger sa mâchoire d’un côté à l’autre. « Pour lui ? » demanda-t-il en regardant Murphy. Il secoua la tête. « Ils ont raison, les Doyle. T’es complètement malade.

— Dégage. »

Pyè se dirigea vers la porte. Il s’arrêta devant Murphy. « Bientôt », dit-il.

Murphy s’écarta en rampant.

Sur le seuil, le Haïtien se retourna. « À la prochaine, Gerry. »

Fegan le regarda partir sans la moindre réaction. Dans le silence de l’appartement, il entendit soudain la respiration haletante de Murphy.

« Merci, Gerry, dit Murphy en se traînant vers le téléphone.

— Ce n’est pas mon nom », répondit Fegan. Il alla prendre le téléphone et le posa par terre à côté de la main ensanglantée de Murphy. « Appelle une ambulance. »

Il partit en abandonnant Murphy qui baignait dans son sang.

20

La police scientifique de Carrickfergus se présenta à l’aube dans l’entrée de la petite maison où attendait Lennon. L’équipe se consacra d’abord au cadavre de Quigley pendant que le photographe prenait d’autres clichés du garçon dans la courette, cette fois-ci à la lumière du jour. Lennon se posta à la fenêtre de la cuisine, les yeux secs et irrités. Bien qu’il fût rentré chez lui pendant près de deux heures, il n’avait pu trouver le sommeil.

Il regarda le corps du jeune garçon, son visage levé vers le ciel, à côté de la bâche qu’on avait tendue pour la nuit et qui venait d’être retirée. La cambrure de la nuque suggérait qu’il n’était pas mort du seul coup reçu à la tête. Dix-sept ou dix-huit ans, dix-neuf tout au plus. Il portait un survêtement et des chaussures de sport Nike, sans doute des imitations achetées dans un supermarché quelconque. A priori, un jeune du quartier qui délibérément n’avait pas de papiers sur lui, mais on ne mettrait pas longtemps à l’identifier. Une mère s’apercevrait que son fils n’avait pas dormi dans son lit, et lorsqu’elle entendrait parler du garçon découvert mort dans la cour d’une maison non loin de là, elle arriverait en courant. C’est Lennon qui l’accueillerait à la porte.

Le photographe revint dans la cuisine. Il montra l’écran de son appareil à Lennon et fit défiler les prises. « Regardez, dit-il. Là. »

L’image révélait un couteau dans la main que le garçon cachait sous sa jambe. Lennon jeta un coup d’œil par la fenêtre. Le corps dissimulait l’arme.

« Le meurtrier n’est pas allé loin, dit le photographe. Il a glissé et a fait une mauvaise chute.

— Peut-être. Il est couché sur le côté gauche, mais son dos et le côté droit aussi sont pleins de terre. Remarquez la position de sa tête. Il n’a pas pu se rompre le cou et se tourner ensuite.

— Allez savoir où il s’est sali.

— Laissons d’abord travailler les techniciens avant de supposer quoi que ce soit. Déposez vos tirages sur le bureau de l’inspecteur principal Gordon le plus tôt possible.

— Pas de problème. » Le photographe se dirigea vers le salon.

Lennon gagna la porte et examina la cour dans ses moindres détails, passant en revue chaque détritus, chaque flaque d’eau. Sur la mousse qui couvrait le béton d’un mince film verdâtre apparaissaient des traces de pas. Ce pouvait être les empreintes de n’importe qui. Celles de la vieille femme ou de son fils, du garçon, du médecin qui avait constaté le décès. La pluie avait commencé à tomber avant qu’on n’étende la bâche et noyé leurs contours. On n’en tirerait rien.

« C’est trop parfait », songea Lennon.

Son portable sonna. Il prit l’appel.

« On vient de découvrir quelque chose d’intéressant, dit Gordon.

— Ici aussi.

— Vous d’abord. »

Lennon lui parla du couteau décelé par le photographe.

« Alors, c’est réglé, fit Gordon. Presque.

— Presque ?

— D’après un rapport de l’agent de service à North Queen Street, des policiers sont intervenus dans une rixe entre deux bandes rivales à la jonction de Lower Ormeau et de Donegall Pass. Ils ont pourchassé les jeunes dans Lower Ormeau et en ont suivi deux qui s’engageaient dans la ruelle derrière chez Quigley. C’est là qu’ils les ont perdus.

— Ils ont pu les décrire ? demanda Lennon en s’écartant pour laisser passer l’équipe scientifique.

— Vaguement, mais ça devrait suffire. Sexe masculin, entre quinze et vingt ans, cheveux courts bruns, minces tous les deux, en survêtements et chaussures de sport, de marque Adidas et Nike pour le plus grand. Ça vous paraît coller ? »

Lennon regarda le corps du jeune garçon. « Oui.

— Cela dit, poursuivit Gordon, il y a des fans d’Adidas et de Nike partout dans le monde, et ici en particulier. Mais ce serait quand même une coïncidence.