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— Très bien ; je vous remercie. J'aimerais rencontrer à présent celle de vos collègues qui s'occupait de la lessive Patemouille.

— Oh, le fils Blumenstein ? Attendez, je vais vous conduire à Angèle.

Elle me chope le bras.

— Vous savez, me dit-elle, lui aussi était très beau garçon.

CHAPITRE PRESQUE 2

Angèle, tu dirais un pékinois blond. Elle a même un petit ruban dans les cheveux, pour que l'impression soit complète. Et elle parle comme jappe un roquet, d'une petite voix saccadée, avec des espèces de gémissements entre les phrases. Son mignon derrière tiendrait dans la main d'un catcheur et ses loloches, pas plus gros qu'une calotte d'enfant de chœur, donnent à penser qu'elle est salingue. Te dire pourquoi m'est difficile. J'ai remarqué. Les nichemards sont révélateurs. Les pas gros, d'une certaine forme et d'une consistance plutôt molle, t'es certain qu'ils appartiennent à une enflammée du friquet. Elle ne dépare pas le cheptel de la clinique, Angèle. Doit se dérouler de ces partouzettes fougueuses, dans cette taule, qui lézarderaient les murs de chez Marne Claude.

Le fils Blumenstein, David, elle est salement mortifiée par sa disparition. Car celle-ci lui incombe pleinement. Tant que le docteur Rèche, ce sombre fumier, lui a filé congé, à Angèle, histoire de sanctionner cette grave faute professionnelle. Il a mis les adjas, hier en fin de journée, pendant la promenade. Ce gusman connaissait des périodes de calme, biscotte le traitement énergique. Il chiquait les ramollis, David. On en profitait pour lui faire respirer l'air vivifiant du parc. Il existe, dans le fond, un ancien chenil grillagé, dans lequel on a installé des bancs. C'est là qu'on enferme les louftingues équivoques, ceux qu'ont de la sauvagerie latente susceptible de se réveiller. Bon, elle y a conduit le David. Il était docile comme une ombre en plein soleil, le déplafonné. Le règlement exige que l'infirmière chargée du malade reste à proximité et ne le perde pas de vue, pour si des fois son ralenti déconnerait.

C'est là qu'elle a fauté, gentille Angèle. Pas entièrement de sa faute, d'ailleurs, mais d'une nouvelle infirmière qu'est gousse comme un champ d'ails et qui lui fait un rentre-dedans fantastique. Le gigot, c'est pas sa spécialité à Angèle, mais plutôt son violon d'Ingres. La Catherine (c'est le nom de la gourmande que je te cause), bouquinait dans la verdure, à proximité, car c'était son heure de pause (tout le personnel a droit à une mi-temps d'une plombe). La v'là qu'aperçoit mon Angèle. Elle ferme fissa son bouquin et s'annonce, le fion ondulatoire. Elle raconte ses langueurs, la manière qu'elle te grume la cressonnière, en artiste. Une vraie passion. A force, mets-toi à la place d'Angèle, ça lui porte à l'épicentre, ces contes du Chat Perché nouveau style. D'autant que Catherine désigne sa couvrante qu'elle a amenée pour pas s'humidifier la zone sud, sur la mousse spongieuse du parc. Et poum ! Angèle, se décide.

Elle largue son dingo et mes deux oiselles vont dans le sous-bois, jouer Histoire d'O.

La science labiale de Catherine touche au génie. Paraît qu'elle te choucroune l'oculus à t'en faire cramer le clito. De la folie sensorielle, positivement. Si bien que pendant près d'une demi-heure, Angèle égosille son extase sous les frondaisons. Et l'autre lui récite les stances à Sophie dans le crougnouzoff, continue par quelques pouêmes, reprend avec une ode à la nature. Las, on ne fait pas d'odelette sans casser des œufs. Remise de ses émotions épiques, l'Angèle va mater son client. Miséricorde (à sauter), pas plus de David que de beurre dans la lessive de son illustre père. La cage est vide, porte béante. Affolée, elle bat le parc, aidée de Catherine.

Rien ! Le fils Blumenstein a disparu à son tour. Alerte générale ! On dépêche les trois quarts et demi du personnel tout azimut, mais personne ne peut rapporter la moindre indication. David a disparu. Vous vous rendez compte ?

Moi, oui, très bien, merci.

— Pendant vos ébats amoureux, vous n'avez perçu aucun bruit ? je lui demande.

Elle secoue son petit ruban rosé.

— Les oiseaux dans les arbres, le froissement dans les arbres…

— Pas de ronflement de bagnole à proximité ?

— La route ne passe pas loin, des bruits d'auto, il y en a à tout moment.

— J'aimerais voir l'endroit de la disparition.

— Venez.

Je.

* * *

Un véritable enchantement, ce coin de parc. Complanté de chênes et de sapins. Ça sent la forêt mouillée. Les montagnes environnantes se dressent au-dessus des frondaisons et on les discerne, parfois, à travers une échancrure des feuillages.

— Voici le chenil…

A cause des deux bancs de bois, il fait un peu prison. D'ailleurs, n'en est-ce point une, après tout ?

J'examine la serrure. Banale. Très grosse. Pourvue d'une forte clé, inaccessible de l'intérieur vu l'étroitesse des mailles du grillage.

— Vous aviez fermé à clé ?

— J'en suis à peu près certaine.

— Pas rigoureusement, cependant ?

— Le docteur Rèche m'a tellement hurlé dans les oreilles que je suis une étourdie qu'il m'a flanqué des doutes.

— Où se trouvait cette petite polissonne de Catherine ?

— Là-bas…

— Et où vous êtes-vous allongées ?

— Venez…

Elle m'entraîne entre les fûts. Nous parcourons une cinquantaine de mètres. L'ombre s'épaissit. Des touffes de fougères font écran. Elle me désigne un emplacement où la mousse est encore tassée par leurs ébats de la veille.

La môme s'agenouille.

— Une fois à cette hauteur, on n'aperçoit plus le chenil, dit-elle.

Je m'accroupis, constate qu'en effet. Au moment de me relever, je fais un faux mouvement et chois contre la petite salope ambulante. Aussi sec, la gueuse se méprend sur mes intentions et me gloutonne d'autor le museau. Tu voudrais réagir contre cette agression, toi ? Grand mal te fasse. Moi, j'sais pas si tu es au courant, je m'appelle San-Antonio. Alors, la petite musaraigne a droit à ma séance forestière, modèle camping. Tout pour le pique-nique ! Une jouvencelle de ce petit gabarit, c'est un plaisir spécial. T'as l'impression d'embroquer un bibelot. La tringlette sur petit Sèvres. Bouillave dans le biscuit, mec !

Un vrai plaisir d'orfèvre, je te dis. Elle est souple, menue, baise-partout, un délice, que dis-je : un orgue (car elle fonctionne tellement vite que tu la crois pleine de trous). Elle s'emballe sur le moyeu. Cent fois sur le métier elle remet son ouvrage, cette dévergondée. Tu la crois devant toi ? Elle est déjà derrière. En haut ? Elle est en bas. De face ? La v'là de profil. Me virevolte infemalement plein partout sur les muqueuses. Gobant ceci, étouffant cela, caressant l'une, goûtant l'autre, captant, rendant, dégageant, insinuant, décapsulant, mettant, mitterrand, pompant, pognant, pogna. Glouhaou ! Miam ! Vouiiii ! Pan ! Tu l'as voulu, tu l'as eu. Bonsoir, chérie. Bonsoir, monsieur.

Doucement, dans le soir qu'on voit, une cloche tinte.

— Le dîner ! m'annonce Angèle en défroissant de la main sa blousette légère.

Elle ajoute :

— Peut-être retrouverez-vous David. Et si vous le retrouvez vivant, peut-être que Rèche me gardera ?

Je lui galoche le muflet.

— Je le retrouverai, il vous gardera et votre vie sera tellement belle qu'on en fera un livre.

Marrant, mais cette gentille passette éclair m'a rendu optimiste.

* * *

La maison de gardien, franchement, c'est pas pour dire, mais je la trouve moultement plus chouette que la clinique. Souvent, d'ailleurs, les annexes ont plus de gueule que les maisons de maître, lesquelles sont prétentiardes, pompeuses et pleines de plumes dans le cul. Pour les larbins on a fait simple, donc on a bien fait.