Выбрать главу

Les meilleurs, les seuls chasseurs d'éléphants dignes de ce nom, sont les Arabes Bagaras, qui opèrent du côté du Nil Blanc, vers le t3° degré de latitude nord. Ce fui vers cette direction que notre hardi coureur de plaines se rendit, accompagné de sa jeune épouse, non moins aventureuse que lui et décidée à le suivre à travers tous les périls.

Robert n'avait du reste attaché aucune imponance à la prophétie du bandeau royal, et s'il racontait souvent cette étrange découvene, c'était pour en sourire et sans qu'il en fût réellement impressionné.

Parvenu avec une nombreuse escorte au centre même des chasseurs d'ivoire, en une tribu favorable, tl organisa sa première expédition pour le lendemain matin même de son arrivée.

La chasse qu'il se proposait de faire consistait en une sorte de combat loyal à la lance ; l'homme à cheval, muni d'un bambou ferré, part à la découverte, accompagné d'un ou de deux autres cavaliers tout au plus.

Lorsqu'une troupe d'éléphants se présente, le cavalier le plus habile choisît celui dont les défenses sont le plus formidables et engage le combat à l'avant, tandis que le second cavalier poursuit le pachyderme par derrière. La lourde béte s^élance sur le cheval, et le chasseur doit être assez adroit, assez tort, assez souple et rusé pour mettre pied à terre en plein galop avant que son coursier ne soit atteint et pour plonger d'un coup sûr et violent le fer de la lance dans l'abdomen de l'éléphant, puis

il lui faut rattraper son cheval et remonter en selle avec une désinvolture que n'auraient pas beaucoup d'écuyers de cirque. Pour que l'éléphant soit hors de combat, il est nécessaire que sa blessure ait été faite assez large pour que ses entrailles s'échappent aussitôt et paralysent sa marche. Vous jugez de la difficulté <f'un tel tournoi.

Le premier coup d'essai fut pour Roben un coup de maître : il mit cruellement à mon deux de ces innocents colosses si doux et si intelligents. Il se jugeait donc invincible.

Quelques jours après, il repartait en guerre, laissant sa jeune femme à l'arrière, sous bonne escorte. Accompagné d'un seul Arabe, il rencontra une bande de pachydermes, parmi lesquels il distingua un énorme mammouth qu'il attaqua aussitôt. L'animal s'échappa, il le poursuivit. Abandonné par son compagnon et sautant sur le sol, il s'apprêtait à larder sa victime d'un coup frappé dans les règles prescrites, quand il eut te col saisi par la trompe vigoureuse du géant, qui, avec des mugissements

Stridents de vainqueur, l'eleva en Pair, le frappa à terre à dix ou douze reprises, puis le piétina sans merci, se roulant sur le cadavre de son assaillant comme un chat gigantesque qui joue sur un tapis, l'aplatissant, le laminant, le pulvérisant de tout son poids de lourde machine, avant de reprendre, d'un trot léger et comme caoutchouté, le chemin des grandes lianes.

Lorsque les Arabes de Tescorte arrivèrentsurlelieudu combat, ils ne trouvèrent trace de cadavre et ne virent plus qu'une flaque de sang, ou plutôt une boue sanglante, parmi les herbes écrasées. — Du corps de l'infortuné Robert Magrln, il ne restait rien, rien, moins que rien. C'est à peine si creusant le sot du bout de sa lance, un Arabe Bagaras parvint à retrouver une toute petite clavicule du cou, fragment bien léger d'un mari si brave, le seul témoignage que sa veuve iaconsolable put rapporter en Angleterre au retour de ce néfaste voyage de noces.

Ainsi se trouva réalisée la prédiction fatale inscrite sur le bandeau d'or du roi d'Egypte Na-Lou-Pa de la XII' dynastie.

Pulvis et umbra manent! — dit en manière d'exode lord L'**, que ce récit semblait avoir assombri. — Ne violons pas les sépultures, mon ami, et conservez les croyances que vous a inspirées l'article de l'écrivain allemand qui vous me signaliez tout à l'heure. Recueillir des cendres humaines est chose néfaste; les morts attirent la mort, cela est indiscutable et, sans aller plus loin, remarquez, je vous prie, qu'il est peu d'enterrements qui ne soient homicides pour quelqu'un de ceux qui les suivent.

TABLE DES CONTES

A Albert Robida, imaigier, Épîstre dédie:

Un Almanach des Muses de 1789 i

L'Héritage Sigismond 19

Le Bibliothécaire van der Boëcken, de Rotterdam 3/

Un Roman de chevalerie franco-japonais 55

Pigti.

Le Carnet de Notes de Napoléon I" 97

La Fin des Livres i23

Poudrière et bibliothèque 147

L'Enfer du chevalier de Kérhany. 169

Les Estrennes du poète Scarron 189

Histoires de Momies (récits authentiques) 199