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Malko affirma que le sort de Formose était au premier plan de ses soucis. Avant même la réfection de son château. Poliment, Mme Tso l’interrogea sur sa marotte, s’extasia d’une telle continuité, lui offrit de visiter Formose. Malko demanda perfidement :

— Mademoiselle est votre fille ?

L’impassibilité orientale est un mythe parce qu’il crut que la sévère Mme Tso allait lui sauter à la gorge.

— Mlle Lo-ning travaille comme guide aux Nations Unies. Elle fait également partie de nos services. À titre contractuel.

Lo-ning inclina la tête humblement, mais envoya un coup d’œil malicieux à Malko. Apparemment, elle avait le sens de l’humour.

Katz mit ses gros sabots dans le plat :

— Mlle Lo-ning veillera désormais sur vous quand vous serez dans l’enceinte des Nations Unies.

Malko contempla la ravissante Tanagra assise près de lui.

— À moins que Mlle Lo-ning ne possède des armes secrètes, fit-il, je vois difficilement comment elle pourra me protéger.

Mlle Lo-ning pouffa dans son assiette, à l’asiatique. Pincée, Mme Tso précisa :

— Miss Lo-ning sera toujours en liaison avec nous. Nous vous protégerons.

Katz insista :

— Côté protection, vous n’aurez rien à envier au président lui même.

— Le FBI se déplace rarement pour les maîtres chanteurs. Pour l’instant, dites à Chris et à Milton de se cacher derrière leurs gros pistolets. Je préfère miss Lo-ning. C’est plus discret.

Miss Lo-ning pouffa de nouveau.

— Eh bien, admit la vieille Chinoise, j’espère qu’elle remplira bien sa mission.

Que dirait Alexandra ? Entre les call-girls de Jet Set et miss Lo-ning, il y avait largement de quoi remplir les journées et les nuits d’un honnête homme.

Katz laissa passer un homosexuel aux cheveux mauves tenant en laisse un caniche assorti et se pencha sur la table.

— Voici notre plan.

* * *

Malko avait choisi chez P.G. Clarks, le bistrot à la mode de la Troisième Avenue, dernier vestige d’un immeuble démoli, la table complètement au fond, celle où Aristote Onassis et sa nouvelle épouse daignaient parfois venir s’asseoir. Encastrée dans un renfoncement, elle offrait un maximum d’intimité.

Jada était en retard. Dix minutes. Dans l’obscurité de la salle, on n’y voyait goutte. Malko commençait à s’ennuyer. Il avait donné quartier libre à Krisantem. Pour l’instant, il ne risquait rien.

Pas encore.

Mlle Lo-ning lui avait très gentiment laissé son numéro de téléphone personnel. Pour qu’il se sente protégé. Le Turc avait graissé son lacet et son pistolet et fait connaissance avec les supermarchés du quartier. Lorsque Malko lui avait dit que Chris et Milton étaient en ville, Elko Krisantem avait un peu viré au gris. Ils ne s’aimaient pas beaucoup.

Jada apparut enfin, se faufila entre les tables, superbe avec une mini-robe orange et des bas assortis, le visage très maquillé. Lorsqu’elle s’assit, trois tables purent s’assurer de visu qu’elle portait un minuscule slip, également orange, sous son collant.

Même chez P.G. Clarks, où les mannequins et les cover-girls pullulaient, elle ne passait pas inaperçue. Le gnome qui filtrait à l’entrée les clients de la salle du fond en avait encore les lunettes embuées d’émotion.

La Noire regarda le grand tableau noir où le menu était inscrit, commanda un London Broil, une salade et un Pepsi, alluma une cigarette et fixa Malko.

— Que voulez-vous ?

Elle avait posé la question brutalement, sans aucune féminité. Malko en fut mal à l’aise. Vraiment, il n’arrivait pas à se mettre dans la peau d’un maître chanteur.

— De l’argent, dit-il.

En demandant moralement pardon à ses ancêtres.

Jada tordit sa belle bouche et le dévisagea avec infiniment de mépris. Puis son expression s’adoucit et elle posa sa main pleine de bagues sur le bras de Malko.

— Pourquoi parlez-vous ainsi ? Je n’aurais jamais cru cela de vous. D’abord, pourquoi vous donnerais-je de l’argent ?

Malko parvint à s’extirper un sourire ironique.

— Parce que je sais des choses qui peuvent vous faire beaucoup de tort. Ce que vous avez proposé à John Sokati avant sa mort. Et ce qu’il avait accepté.

La cigarette de Jada se consumait sur le cendrier, mais elle ne quittait pas Malko des yeux, comme si elle avait voulu l’hypnotiser.

— Et que lui avais-je proposé ?

— De changer son vote lors de la motion sur le rétablissement des droits de la République populaire de Chine.

Ses yeux dorés étaient plantés dans ceux de Jada. Celle-ci trempa ses lèvres dans son Pepsi-Cola avant de répondre :

— Je vois que vous êtes bien renseigné, dit-elle lentement. Comment avez-vous appris cela ?

Malko eut du mal à cacher sa joie. Ainsi, il était sur la bonne piste. Mais la partie n’allait pas être facile à jouer.

— Cela ne vous regarde pas, dit-il abruptement. Êtes-vous disposée à me payer pour que je me taise ?

— Combien ?

— Dix mille tout de suite.

Il avait jeté le chiffre comme cela, pour voir.

Jada sourit ironiquement.

— Dans une ville où l’on vous tue pour une dime, je ne me promène pas avec dix mille dollars. Mais vous pouvez les avoir demain.

Malko secoua la tête, faussement déçu.

— Je pensais que vous aviez compris que je voulais de l’argent maintenant.

— Ne faites pas l’enfant, fit sèchement Jada. Voyons-nous demain. L’argent sera là. De toute façon, ce n’est pas moi qui vous le donnerai.

Malko était inquiet. Jada avait accepté trop facilement. Cela sentait le piège à plein nez. À moins que les Mad Dogs et ceux qui étaient derrière eux ne soient complètement affolés.

— Venez chez moi, proposa-t-il.

Elle eut un rire sans joie.

— Pour que tout soit enregistré ! Non, je vous attendrai devant le grand cimetière de voitures, en face de la Harlem River, à la 207e Rue. Vous connaissez ma voiture ?

Elle ne dit plus un mot tandis qu’elle mangeait son London Broil. Après avoir bu jusqu’à la dernière goutte de son Pepsi-Cola, elle adressa un sourire froid à Malko et se leva.

— À demain. Neuf heures du soir. Soyez exact.

Lorsqu’elle s’éloigna, il admira une fois de plus la croupe somptueuse. Même un jeune pédé se retourna. Malko demanda l’addition. Cela marchait presque trop bien. Mais il serait plus tranquille le surlendemain matin. En attendant, il n’était pas le client rêvé pour une assurance sur la vie.

D’où venait l’argent de Jada ? Les Mad Dogs n’étaient pas si riches. Il y avait quelqu’un derrière. Jada dansait, mais ce n’était pas elle qui avait écrit la musique. La CIA avait raison d’être inquiète.

Pourtant, tous les sinologues étaient unanimes : Pékin n’agirait jamais de cette façon. Les Chinois tenaient trop à une victoire éclatante et indiscutable.

Ce n’était qu’un mystère de plus.

Chapitre VII

Le cimetière de voitures de la 207e Rue ouest est probablement le coin le plus sinistre de Harlem. Il est, en plus, adossé à un immense parc pour les voitures du métro IRT, éclairé vaguement par des projecteurs jaunâtres. Même les Noirs hésitent à se promener la nuit dans cette partie de Harlem. La 207e Rue se trouve tout en haut de Manhattan, au nord de la bande de terre délimitée à l’ouest par l’Hudson et à l’est par La Harlem River. Le Park qui la termine – Inwood Hill Park – bat certainement le record mondial d’agressions au mètre carré.