Выбрать главу

— Nom de Dieu ! fit-il, elle est stoned. On peut pas la laisser comme ça. C’est un délit…

Il prit Jada par le bras et lui annonça :

— Young Lady, your are under arrest…

Jada n’eut pas l’air de comprendre. Elle se laissa docilement installer dans la voiture à l’arrière et le sergent blanc monta avec elle.

— Qu’est-ce qu’elle a dû fumer comme pot, fit le Noir avec un rien d’envie. Elle sait même pas où elle est.

Effectivement Jada avait posé sa tête sur l’épaule du sergent. Un comble. Le Noir mit le cap sur le commissariat de la 186e Rue.

Comme tous les policiers, ceux de la voiture 886 avaient reçu le signalement de Jada. Seulement eux n’appartenaient pas au FBI, et des signalements on leur en diffusait vingt tous les soirs. En plus on leur avait signalé une Noire élégante dans une Cadillac rouge et non une ivrognesse avec des fesses à faire rêver un pasteur.

* * *

Elko Krisantem jura en turc. Dans les moments difficiles sa langue natale lui revenait. Impuissant, il regarda les policiers faire monter Jada dans leur voiture.

— C’est fichu, dit-il philosophiquement.

Il avait pensé un moment intervenir, mais c’était vraiment trop compliqué. Les feux rouges de la voiture de patrouille disparurent et il démarra à son tour.

Il n’y avait plus qu’à raccompagner Lo-ning à sa voiture. Et ensuite, à essayer de se rendre utile. La Chinoise lui avait expliqué où en étaient les recherches. Chaque fois qu’il voyait un camion, Elko l’examinait soigneusement, au cas improbable où ce serait une bétonneuse.

Au fond de son cœur, il était désespéré. New York lui paraissait immense, un labyrinthe. Il pensa aux milliers de chantiers qui pouvaient se trouver dans une ville aussi grande. Si seulement cela c’était passé à Istambul. Il aurait retrouvé la bétonneuse en dix minutes. Malko lui avait sauvé la vie et il ne l’avait jamais oublié.

* * *

La voiture 886 avait atteint la 160e Rue quand le sergent blanc montra quelques signes d’humanité.

— Tu crois qu’ils vont la garder longtemps ? demanda-t-il.

Le flic noir hocha la tête.

— Ils vont l’inculper, dit-il tristement. Le lieutenant de permanence est obligé, si tu la lui amènes dans cet état-là. Faudra qu’elle aille devant le juge et qu’elle paie une caution. Comme elle a sûrement pas de pognon, elle restera en cabane…

Il noircissait un peu la situation.

Mal à l’aise, le sergent regarda la jolie Noire endormie sur son épaule. Maintenant que le Noir lui avait donné satisfaction en le laissant arrêter la fille, il se sentait un peu coupable. Comme l’incident était mineur, ils n’avaient encore rien rapporté au commissariat.

— On peut quand même pas la laisser filer, fit-il.

— Man, fit le Noir sentencieusement, si on arrêtait toutes les filles qui sont stoned dans Harlem, faudrait transformer tout le Long Island en prison. Elle a rien fait de mal.

Volontairement, il avait ralenti. Le sergent se décida d’un coup :

— Ça va, dit-il. On va la larguer. Mais tu la boucles, hein ?

— Tu parles.

Le Noir s’était déjà rapproché du trottoir. Il stoppa et descendit pour ouvrir la portière et tirer Jada dehors. Elle avait de la peine à garder les yeux ouverts. Le flic la secoua un peu, gentiment.

— Allez, file, petite.

Comme pour la propulser, il donna une bonne tape sur les fesses rondes avant de remonter en voiture. Il n’aurait pas tout perdu.

Jada s’éloigna et ils firent demi-tour. Le Noir sifflotait, heureux. C’était un bon flic, mais trop indulgent pour avoir jamais de l’avancement.

Chapitre IX

À sept heures moins cinq, Al Katz avala sa onzième tasse de café. Il n’avait pas dormi trois heures. Les yeux rougis de fatigue, il regarda le soleil pointer à travers le building des Nations Unies. Son bureau au 799 United Plaza avait été transformé en PC pour la recherche de Malko. Quatre de ses adjoints se tenaient en contact constant avec les équipes du FBI parcourant les chantiers.

Il faisait déjà jour et on n’avait retrouvé aucune trace de Malko. Ni de la bétonneuse jaune. Il semblait que toutes les bétonneuses de New York étaient jaunes. Étant donné le nombre de chantiers en cours dans la ville, c’était chercher une aiguille dans une meule de foin.

Au fur et à mesure que le FBI visitait un chantier, Al Katz faisait épingler des épingles de couleur sur une grande carte de Manhattan fixée sur le mur. Ce qui ne servait strictement à rien mais donnait l’impression de faire quelque chose. Les agents du FBI avaient accompli des prodiges. Il avait fallu improviser en se servant de l’annuaire téléphonique. Et chaque entreprise avait plusieurs chantiers. Les gens réveillés au milieu de la nuit par des agents qui leur demandaient au nom du FBI où se trouvaient leurs bétonneuses, raccrochaient, croyant à une mauvaise plaisanterie… L’inspection de chaque chantier prenait facilement une demi-heure. Il fallait grimper à l’arrière de l’engin, examiner l’intérieur avec une lampe électrique…

Le téléphone sonna en même temps que le réveil indiquant qu’il était sept heures. Deux nouveaux coups pour rien. Al Katz frotta ses joues mal rasées. Depuis trois heures il cherchait désespérément un moyen légal d’empêcher les bétonneuses d’aller se remplir de ciment frais et n’en avait pas trouvé. Il était matériellement impossible et illégal de conduire en fourrière toutes les bétonneuses pour retrouver un homme qui était probablement déjà mort. Même le maire de New York, qui avait jadis interdit aux mutilés d’utiliser leurs voitures, n’oserait pas faire cela.

Si Malko était encore vivant, il allait connaître une mort affreuse, enlisé dans le ciment frais et étouffé. On ne retrouverait vraisemblablement jamais son corps.

Et Al Katz n’était guère plus avancé sur le complot. Encore quelques jours et le vote aurait lieu. Dans le noir.

Pour se détendre, il se leva et alla lui-même épingler une punaise rouge sur la carte.

* * *

Chris Jones pénétra dans le chantier du Colonial Concrète de la 145e Rue, à sept heures vingt-six très exactement. La seule vue d’une bétonneuse lui donnait la nausée. Depuis trois heures du matin, il parcourait le West Side de Harlem, accompagné de Milton Brabeck et de Elko Krisantem. Étrange association… Le Turc avait retrouvé les deux gorilles de la CIA dans le bureau d’Al Katz. Retrouvailles plutôt froides. Mais les trois hommes avaient convenu tacitement d’enterrer la hache de guerre, tant que Malko ne serait pas retrouvé. Seul, Krisantem ne pouvait rien faire. On lui avait donné une grosse lampe électrique et lui aussi inspectait le ventre des bétonneuses.

Le chantier de la 145e Rue ressemblait à tous les autres. Chris Jones avait laissé la voiture à Milton qui vérifiait un autre chantier sur Lennox Avenue, à cent mètres de là, parce que la rue était bloquée par des camions en train de charger.

Krisantem sur ses talons, Chris Jones pénétra dans le bureau vitré du dispatcher. Il y avait une demi-douzaine de bétonneuses dans le chantier et une partait au moment où ils arrivaient. Chris débita son couplet à un employé ébahi. Est-ce qu’il leur manquait une bétonneuse ? N’avaient-ils rien remarqué d’anormal ?

Rapidement, ils vérifièrent les engins présents. Le responsable du chantier, un grand blond coopératif suggéra :

— Vous devriez voir à la cafétéria en face. John, le veilleur de nuit, doit y être encore. Il a peut-être vu quelque chose.