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— Je ne sais pas, dit-il, aimable, la porte était ouverte.

Il fit un pas en avant comme pour passer, mais la Chinoise lui barra le chemin, le visage hostile.

— Qui êtes-vous ? répéta-t-elle.

Cela, c’était la seule chose que Tanaka ne pouvait pas dire. D’un moment à l’autre, quelqu’un pouvait venir et cette mégère allait ameuter tout l’étage.

— Je ne comprends pas, dit-il lentement, je ne fais rien de mal.

— Vous êtes à la section chinoise, fit sèchement son interlocutrice. Vous mentez, vous ne vous êtes pas perdu.

Elle le prit par le bras. Le Japonais sentit des doigts d’acier s’enfoncer dans ses muscles.

— Vous allez vous expliquer avec un garde, dit la Chinoise.

Le colonel réagit avec la rapidité d’un serpent. Sans chercher à se défaire de l’étreinte, il pivota brutalement sur lui-même, déséquilibrant la Chinoise. Ils étaient juste en face de la porte des toilettes pour femmes. Il la poussa brutalement et ils tombèrent tous les deux à l’intérieur.

La Chinoise se releva la première, ouvrit la bouche pour hurler. Tanaka lui envoya une manchette à toute volée qui la projeta sur le mur d’en face. Mais son pied glissa sur le sandwich tombé à terre et il se retrouva à genoux. La bouche ouverte, la Chinoise reprenait son souffle. Elle cria, mais trop faiblement pour attirer qui que ce soit. Maintenant, elle savait que c’était sérieux. Ou un fou, ou autre chose de pire.

Sa main cueillit dans son chignon une épingle d’acier. La pointe en était enduite d’un puissant anesthésique végétal. De quoi endormir un éléphant. Elle la tint horizontalement devant elle, le poing serré contre sa poitrine, de façon que son adversaire vienne s’empaler dessus.

Tanaka tiqua : il était tombé sur une professionnelle. Il fallait qu’il s’en débarrasse immédiatement. À chaque instant quelqu’un risquait d’entrer dans les toilettes et de donner l’alarme.

Plié en deux, il avança ; puis, quand il ne fut plus qu’à un mètre, ses deux pieds se détendirent à l’horizontale, tandis qu’il s’appuyait des mains sur le carrelage.

Ses pieds frappèrent la Chinoise à la hauteur des genoux. Déséquilibrée, elle battit l’air de ses bras et, en tombant, lâcha l’aiguille. Tanaka se rua sur elle, la saisit à la gorge. Mais elle était douée d’une force prodigieuse. De nouveau, elle lui échappa, fonça sur la porte, cette foie en hurlant comme une sirène.

Il la saisit par la taille, la soulevant de terre, et la jeta contre la porte d’un des W.-C. qui s’ouvrit sous le choc. Tanaka la suivit et referma la porte d’un coup de pied. Il plia en deux la Chinoise et commença à lui cogner le front contre la cuvette de porcelaine, la tenant par les cheveux.

De nouveau, elle hurla.

Le colonel Tanaka avait bien assuré sa prise. La peau du front se fendit et un jet de sang éclaboussa le sol et la porcelaine blanche. Tanaka l’évita de justesse. La Chinoise se débattait plus faiblement. Le Japonais frappa de plus en plus fort : il fallait qu’elle meure.

Dans un sursaut désespéré, la Chinoise saisit ses cheveux et s’y accrocha pour se redresser.

Tanaka prit son souffle, la laissa faire et abattit sa tête. Cette fois, le pariétal gauche craqua. Les autres chocs firent un bruit presque mou, écœurant. La Chinoise ne criait plus. Elle était inconsciente. Tanaka continuait férocement à marteler son crâne défoncé contre la porcelaine fendue du siège. Il ne s’arrêta qu’en voyant le sang couler de ses narines.

Pour plus de sûreté, il souleva le corps de la morte et enfonça la tête dans l’eau de la cuvette. Afin qu’elle se noie si elle avait encore une étincelle de vie. Puis il sortit de l’étroit réduit, rabattant la porte derrière lui.

En passant devant la glace, il vérifia son apparence et se recoiffa rapidement. Dieu merci, il n’avait pas de sang sur ses vêtements. Il pouvait décemment se rendre au restaurant des délégués.

Le couloir était désert.

Le colonel s’éloigna vers les ascenseurs. Il n’attendit que quelques secondes avant d’en avoir un qui, par chance, était vide.

* * *

Malko se pencha sur la machine à calligraphier. Ces centaines de caractères étaient absolument fascinants. Il allongea la main pour saisir la poignée métallique permettant de prendre les petits cubes et sa manche accrocha une règle qui tomba par terre.

Il se pencha pour la ramasser et son regard tomba sur le pied de la chaise sur laquelle il était assis. Un fil métallique y était fixé avec une bande de sparadrap noir.

Une petite sonnette d’alarme s’alluma dans sa tête. Il avait déjà remarqué que la machine était reliée à un fil qui partait le long du mur, mais cela ne l’avait pas choqué. De nos jours toutes les machines sont électriques. Il se leva et examina le fil de la chaise. Il courait le long du mur et disparaissait dans un trou. Malko se baissa et vit la poussière de plâtre. Le trou était frais. Il se redressa, un picotement désagréable au bout des doigts.

Avec précaution, il rapprocha la chaise de la machine. Puis il laissa tomber la règle, de façon qu’elle entrât en contact avec les deux en même temps.

Il y eut un grésillement et une courte étincelle bleue, avant que la règle ne tombât par terre. Malgré lui, Malko fit un bond en arrière. Il ramassa la règle. Aux endroits où elle avait touché le métal, il y avait deux marques noirâtres.

Il venait tout simplement d’échapper à une forme astucieuse d’électrocution. Ce n’était plus la peine d’attendre son correspondant.

Tirant sur la chaise, il arracha le fil. Ensuite il appela l’entretien au téléphone, leur demandant de venir immédiatement. Il écrivit « Danger » sur une feuille de papier qu’il posa sur le fil.

Encore sous le coup de l’émotion, il quitta la pièce. En espérant que le bar des délégués aurait de la vodka russe. Le dessus de ses mains le picotait encore. Il venait de l’échapper belle. Il ne restait plus qu’à avertir Al Katz de ce rebondissement. Une chose était sûre. Leur ennemi se trouvait à l’intérieur des Nations Unies. Les Mad Dogs n’étaient que des exécutants.

En appuyant sur le bouton de l’ascenseur, Malko s’aperçut que sa main droite tremblait légèrement.

* * *

La poignée de cheveux noirs était soigneusement posée sur un lit de coton, sous une enveloppe plastique. Le docteur Shu-lo l’examinait soigneusement.

— Il faudrait un microscope, dit-il, mais je suis à peu près sûr que ces cheveux appartiennent à un Asiatique.

Al Katz hocha la tête.

— C’est également ce qu’a dit le laboratoire de la police.

Il était huit heures du soir. Le corps de Mme Tso reposait déjà à la morgue. Il avait été découvert quelques minutes après que Malko eut quitté l’étage. Depuis une heure, les trois hommes faisaient le point. Le docteur proposa :

— Je suis prêt à faire prélever des cheveux sur tous les membres de ma délégation et des sections de traduction. Et à les comparer à ceux-ci.

Al Katz approuva. Ce ne serait pas la première fois que des rouges se glisseraient dans les services de Formose.

— Cela nous donne une indication précise sur la personnalité de notre adversaire, dit-il. C’est un Asiatique qui est quelque chose aux Nations Unies. Il connaît les habitudes des employés et des lieux.

— Je crois que nous pouvons ajouter que c’est un homme cruel, ajouta le docteur. Dans sa bouche, cela avait une certaine saveur.

Al Katz baissa la tête, remué par les photos qu’on lui avait montrées. Les toilettes étaient condamnées. De toute façon les employées de l’étage avaient juré qu’elles n’y remettraient plus les pieds. Le colonel MacCarthy, responsable de la sécurité des Nations Unies, était catastrophé. C’est la première fois qu’une telle chose arrivait. Officiellement, il s’agissait d’un crime de sadique. Après tout, des milliers de touristes visitaient tous les jours les lieux. Un avait pu se perdre.