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La section chinoise n’avait pas jugé utile de parler au colonel MacCarthy du petit piège tendu à Malko. Il valait mieux laver son linge en famille.

— Il nous reste trois jours, conclut Katz. Espérons qu’il commettra une autre gaffe.

Malko souhaitant la même chose à condition d’y être moins impliqué.

Chapitre XIII

Gail regardait l’East River à travers l’une des grandes baies vitrées du bar des délégués. La lumière passant à travers le tissu léger de sa robe lui donnait l’air d’être nue. Un véritable aimant à diplomates. Mais, cette fois, elle obéissait directement à Al Katz. Malko avait déclaré tout net qu’il ne voulait plus être mêlé à une « contre-attaque ».

Le jour s’était levé sur le 27 septembre, et il restait deux jours avant le vote. La nervosité des hauts fonctionnaires du State Department avait atteint un niveau absolument sans précédent. Ce vote allait être une véritable partie de roulette puisque les jeux menaçaient d’être truqués des deux côtés. Il suffisait d’une voix d’écart.

Malko tournait en rond. Il était retourné au Nirvana, mais, bien entendu, Jada avait totalement disparu. Aucun indice non plus du côté des Nations Unies. Les recherches du docteur Shu-lo n’avaient rien donné. Le meurtrier n’appartenait pas à la délégation chinoise. Lo-ning continuait son métier de guide, venant passer quelques instants avec Malko chaque fois qu’elle le pouvait. Krisantem avait découvert une communauté turque et y passait le plus clair de son temps. Chris Jones, qui n’avait rien à faire non plus, admirait le bar des délégués. Le fait qu’on puisse y boire du J and B à cinquante cents le verre, en faisait à ses yeux un endroit hautement valable. Pour l’instant, il contemplait Gail avec des pensées inavouables.

— Tiens, dit-il soudain, un pédé.

Malko leva la tête. Un Noir était assis juste derrière Gail. Il avait à peine jeté un coup d’oeil torve quand elle était venue près de lui et s’était replongé dans ses pensées. Ce n’était pas un des participants de la « soirée orgiaque » de Malko. D’ailleurs celui-ci ne le connaissait pas.

Affalé dans un fauteuil, il semblait indifférent à tout, en proie à un profond désarroi. Quand il s’aperçut que Malko l’observait, il se leva brusquement, l’air effrayé, et partit vers la cafétéria du fond.

Bizarre. Malko tiqua intérieurement. Bien sûr, cela pouvait être une rage de dents ou un chagrin d’amour. Mais le Noir semblait étrangement nerveux. Il revint de la cafétéria et alla téléphoner d’une des cabines. Malko se leva et demanda à une des standardistes qui il était.

— Son Excellence David Mugali, répondit-elle. Un homme charmant.

Donc un délégué accrédité pour le vote. Il sortit de la cabine au moment où on annonçait la reprise de la séance de l’Assemblée générale. Pour une intervention du Yémen du Sud.

La salle se vida rapidement. Son Excellence Mugali ne semblait pas vouloir aller en séance. Il traîna quelques instants devant le stand à journaux puis s’assit, l’air de plus en plus accablé.

Malko, pris d’une inspiration subite, se pencha vers Chris Jones.

— Voilà du travail pour vous. Je veux que vous suiviez ce respectable gentleman où qu’il aille. Que l’on sache qui il voit, ce qu’il fait. Il a l’air trop triste pour être honnête.

Le gorille n’en revenait pas.

— Si chaque fois qu’un nègre a l’air triste, protesta-t-il, on s’amuse à le suivre, on n’a pas fini. Ses copains ont peut-être bouffé sa famille, là-bas en Afrique.

Décidément, Chris Jones était raciste. Malko lui tendit les clés de la Dodge. La tristesse de l’ambassadeur pouvait n’avoir aucun rapport avec son problème, mais on ne savait jamais. Justement, le Noir se leva et quitta le bar. Réticent mais obéissant, Chris lui emboîta le pas.

* * *

La mort de Mme Tso n’avait fait que la manchette du Daily News, toujours à l’affût du sensationnel. Les autres quotidiens n’y avaient pas attaché une importance énorme. Le colonel Tanaka savait qu’il n’avait rien à craindre de la police municipale.

Mais il était mortellement inquiet. L’homme blond pouvait faire échouer toute l’opération. Et il ne le saurait que trop tard. Il était hors de question d’effectuer une seconde tentative sur lui. Pour tromper sa nervosité, le colonel Tanaka siégeait dans une commission s’occupant de la pollution de l’océan Pacifique nord et des répercussions sur les campagnes de pêche. Il n’avait pas de nouvelles de Lester depuis la veille. Les Mad Dogs avaient lancé la phase finale de l’opération. Tout semblait enfin se passer bien. Encore quarante-huit heures à tenir.

Jusqu’à la dernière seconde, le colonel Tanaka vivrait dans l’angoisse. Pourtant, le mélange de sauvagerie et de sang-froid requis pour mener à bien une partie de son plan le ravissait. Il méritait de réussir.

Avec une certaine nostalgie, il pensa que c’était sa dernière chance de passer à la retraite comme général, ce qui changerait considérablement ses dernières années de vie. Bien qu’il n’ait pas de goûts de luxe. Courageusement, il essaya de suivre l’intervention du représentant de la Corée du Sud.

* * *

Le téléphone sonna chez Malko un peu avant dix heures. C’était Chris Jones.

— Votre négro est en train de pleurer comme une Madeleine dans une cafétéria de la Seconde Avenue, annonça-t-il. Est-ce que je lui donne mon mouchoir ? En plus, il est rond comme une bille. Il marche au bourbon, depuis que je le suis.

Malko hésita. Après tout, ce n’était peut-être qu’un chagrin d’amour. Mais autant aller au fond des choses.

— J’arrive, dit-il. S’il veut partir, retenez-le sous un prétexte quelconque.

Il raccrocha et sauta dans un costume. Ce nègre triste ne lui disait rien qui vaille.

L’ambassadeur n’avait pas bougé quand Malko débarqua dans la cafétéria. La tête entre ses mains, il pleurait, sans retenue dans un box. Très gêné, Chris Jones essayait de regarder ailleurs.

— Laissez-moi faire, dit Malko.

Il vint s’asseoir tranquillement en face du Noir. Celui-ci leva la tête, surpris. Malko lui adressa son plus gracieux sourire.

— Quelque chose ne va pas, Excellence ?

Le diplomate sursauta en entendant son titre. Il renifla, tentant de retrouver un peu de dignité.

— Laissez-moi, voulez-vous, dit-il d’une voix éteinte. Je ne vous connais pas.

Il fit mine de se lever. Malko le retint.

— Moi, je vous connais, Excellence. Et je crois que vous avez de sérieux ennuis qui ont un rapport avec le vote d’après-demain.

Il avait lancé un ballon d’essai un peu en l’air. Le Noir frissonna de tous ses muscles, comme un cheval fiévreux. Cette fois, il se leva et jeta un œil noir à Malko.

— Qui êtes-vous ? Laissez-moi tranquille.

— Je crois que je peux vous aider, dit Malko. Si vous consentez à me dire la vérité.

Le Noir devint soudainement furieux. Il brandit sous le nez de Malko un passeport diplomatique et se mit à hurler :

— Laissez-moi. Je suis diplomate. Je vais appeler la police.

Aussitôt, un énorme barman jaillit de son comptoir, roulant des biceps. Juste à temps pour être intercepté par Chris Jones qui lui fit presque manger sa carte du « Secret Service ». Penaud, il regagna le bar.