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Malko essayait de calmer le diplomate noir en lui parlant à voix basse.

— Je ne vous veux aucun mal, affirma-t-il. Au contraire.

— Laissez-moi, glapit le diplomate, complètement hystérique. Je ne veux parler à personne. Je n’ai pas d’ennuis.

En même temps, il se débattait. Sournoisement, Chris Jones le poussa vers la sortie. Inutile de provoquer un esclandre. Une fois sur le trottoir, le gorille le fit entrer dans la Dodge. Malko s’assit aussitôt à côté de lui. La voiture démarra aussitôt.

— Où allons-nous ? demanda Chris.

— Chez moi.

Le Noir se mit soudain à se débattre alors qu’il s’était laissé passivement entraîner dans la voiture, comme en état second.

— Où m’emmenez-vous ? cria-t-il. Je veux partir. C’est un kidnapping.

— Ne vous énervez pas, dit Malko. Nous appartenons au Service secret et je vous emmène chez moi où je vais appeler un médecin. Vous êtes très énervé. Il vous faut un calmant.

Le Noir se laissa aller en arrière sur la banquette, murmurant des mots sans suite. Son haleine empestait l’alcool. Mais il n’y avait pas que cela. Sa peau avait la couleur plombée des Noirs lorsqu’ils ont très peur, et de grosses gouttes de sueur coulaient sur son visage. Par moments, il claquait des dents.

Krisantem eut un haut-le-corps en voyant le Noir empestant l’alcool, le regard flou, soutenu par Malko et Chris Jones.

Ils le déposèrent dans un fauteuil, où il s’enfonça avec un hoquet. Malko alla dans la chambre et appela le docteur Shu-lo. Par chance, il était chez lui.

— Venez immédiatement, dit-il. J’ai peut-être trouvé une piste.

Ensuite, il avertit Al Katz. L’Américain n’était pas chaud, chaud, chaud…

— J’espère que vous êtes sûr de vous, avertit-il. Il est protégé par l’immunité diplomatique. S’il va se plaindre, cela fera un grabuge horrible.

Le docteur Shu-lo arriva dix minutes plus tard. Avec l’aide de Krisantem, il ôta sa veste, retroussa sa manche gauche et fit une piqûre au diplomate. Celui-ci se laissa faire et sembla s’assoupir, bouche ouverte, les yeux clos.

— Il dort ?

— Il en a pour un quart d’heure. Je lui ai administré un calmant léger.

Le corps du Noir s’affaissa imperceptiblement dans le fauteuil. Shu-lo souleva une de ses paupières. Aucune réaction. Aidé de Krisantem, il transporta le délégué sur le divan. Chris Jones commença à lui faire les poches avec beaucoup de soin. Il n’y avait rien d’extraordinaire : portefeuille, passeport, argent, monnaie, un mouchoir plié en boule.

Automatiquement, Chris déplia le mouchoir et le secoua. Quelque chose tomba à terre. Un petit sachet de plastique. Le gorille le ramassa, l’examina et poussa un cri étranglé.

— Regardez !

Malko et le docteur s’approchèrent. À l’intérieur du sachet de plastique, il y avait une boule sanguinolente. Le docteur Shu-lo ouvrit le sachet, prit l’objet entre deux doigts, le flaira et regarda Malko :

— C’est le lobe d’une oreille, annonça-t-il aussi paisiblement que si cela avait été un morceau de chewing-gum.

— Quoi !

— Le lobe de l’oreille d’une personne de race noire, précisa le docteur Shu-lo après examen. Détaché au couteau ou au bistouri.

— Sacré bordel de Dieu ! fit Chris, qui avait peu de religion.

L’ambassadeur avait bien ses deux oreilles. Ils regardèrent l’homme endormi avec horreur. Chris surtout. Il voyait déjà une histoire d’anthropophage. Malko dit :

— J’ai l’impression que ce macabre débris est directement lié à nos ennuis. Il faut réveiller cet homme et le faire parler.

Le docteur Shu-lo était déjà en train de chercher des amphétamines dans sa trousse. Deux minutes plus tard, le Noir ouvrit les yeux.

— J’ai soif, murmura-t-il.

Krisantem lui fit boire un verre d’eau. Aussitôt, Malko mit sous le nez du diplomate le sachet en plastique.

— Qu’est-ce que c’est, Excellence ?

L’ambassadeur sauta littéralement hors de son fauteuil. Les mots se bousculaient sur ses lèvres, il gémissait, il criait, sauta sur Malko, tentant de lui arracher le macabre débris. Chris Jones dut le maîtriser. Enfin, un peu calmé, il s’assit, roulant des yeux furibonds.

— Appelez la police, glapit-il. Je me plaindrai au secrétaire général ! C’est une honte. Je suis chef de mission diplomatique.

— Calmez-vous, dit Malko, nous ne voulons que votre bien. Nous pouvons vous aider. Mais dites-nous à qui appartient ce morceau d’oreille ?

Le Noir vira au gris. Il se mit à trembler. Son regard implora Malko.

— Je vous en prie, je ne vous dirai rien. Laissez-moi m’en aller. Je ne dirai rien.

Il secoua la tête, ferma les yeux, en proie à un cauchemar intérieur. Malko le contempla, perplexe. Il avait mis le doigt sur la clé du problème. Mais il ne pouvait quand même pas arracher les ongles d’un ambassadeur plénipotentiaire – même noir – pour le faire parler… Et l’usage du pentothal était tout aussi délicat. Il voyait déjà les titres : « La CIA drogue un diplomate ! »

Le docteur Shu-lo dit tout doucement :

— Je crois que je peux le faire parler. Sans aucune drogue. Cela ne laissera aucune trace. Narco-analyse. Les problèmes du sujet remontent à la surface et il se libère.

— Le traitement que vous avez fait subir à Jada ? demanda Malko.

— Oui.

— Bon, emmenez-le. Je vous rejoins. Il faut que je prévienne Al Katz.

Aidé de Chris Jones, le Chinois emmena le diplomate, après lui avoir remis sa veste. Aux trois quarts inconscient, il se laissa faire.

* * *

Le docteur Shu-lo téléphona une heure et demie plus tard à Malko.

— Vous avez raison, dit-il. Des gens ont enlevé sa femme hier. Deux heures plus tard, il a reçu un morceau de son oreille avec encore la boucle d’oreille pour qu’il n’y ait aucun doute sur l’identification.

» On lui a simplement ordonné de voter pour la Chine rouge, bien entendu, sans prévenir son gouvernement ni la police. En le prévenant que la moindre intervention signifierait la mort de sa femme immédiatement. Il ignore qui a perpétré le kidnapping, ni si d’autres chefs de mission sont dans le même cas que lui… On lui a promis que sa femme lui serait renvoyée saine et sauve après le vote, mais que s’il parlait, même plus tard, lui et sa famille seraient exécutés.

» La mutilation avait juste pour but de lui faire prendre les menaces au sérieux.

Malko en resta muet d’horreur. Il avait entre les mains la vie d’une ou plusieurs personnes, et, maintenant, le moindre faux pas pouvait provoquer une catastrophe.

— Se souviendra-t-il de ce qu’il a dit, lorsqu’il va se réveiller ? demanda-t-il.

— Non.

— Alors, ne lui dites rien. Simplement que vous lui avez administré un calmant parce qu’il était très énervé. Qu’il a eu une syncope. Faites-le raccompagner chez lui comme si de rien n’était. Je vais essayer de trouver une parade. Bien entendu, ne dites rien à personne, puisque nous ignorons contre qui nous luttons.

Malko raccrocha et appela aussitôt Al Katz, bien qu’il soit plus de minuit.

L’Américain faillit se trouver mal en apprenant ce qui se passait. Bien sûr, avec ces nouveaux éléments, on pouvait officiellement demander le report du vote. Mais cela risquait de coûter la vie à un ou aux otages… Depuis l’assassinat du diplomate allemand au Guatemala, les gouvernements étaient particulièrement sensibilisés au problème. Et quelle perte de face pour les États-Unis ! On reconnaissait que le FBI n’était pas capable d’assurer la sécurité des diplomates. Comme une vulgaire république-banane.