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— J’ai une idée pour retrouver ces otages, dit Malko. Il faut que le Bureau of Narcotics de Manhattan collabore totalement avec moi. Prévenez qui de droit. Qu’on m’appelle aussitôt que possible.

— Pourquoi le Bureau of Narcotics ?

— Ce serait trop long à vous expliquer, dit Malko. Mais il nous reste deux jours pour retrouver ces gens, alors dépêchez-vous.

Al Katz n’insista pas. Il n’allait pas passer une bonne nuit. Malko était sûr que, si la tête du complot se trouvait aux Nations Unies, les exécutants étaient des Noirs. Même pour les kidnappings. C’est de ce côté-là qu’il fallait chercher.

Malko composa un second numéro et attendit. Quand il décrocha, une voix d’homme furieuse demanda quel était le porc qui osait le déranger en pleine nuit. Malko expliqua suavement que ce n’était pas à lui mais à sa femme qu’il désirait parler.

Il crut que son interlocuteur allait raccrocher. Il lui hurla une bordée d’injures. Soudain, il y eut un bruit confus et une voix de femme demanda :

— Qui est à l’appareil ?

— C’est moi, Jeanie, dit Malko. Nous nous sommes vus ce matin. J’ai besoin de vous.

— Vous voulez me voir maintenant ?

— Oui.

Après un court silence, la jeune Noire fit :

— O.K. Je serai en bas dans vingt minutes.

Malko remit sa veste et prévint Krisantem qu’il rentrerait tard. Il sortit et monta dans la Dodge, absorbé dans ses pensées. Combien y avait-il de « zombies » à l’Assemblée générale ? Sans compter ceux qui avaient accepté un chèque.

Chapitre XIV

La poubelle était légèrement à l’écart des autres, au début de la 115e Rue, presque au coin de Madison Avenue. Une poubelle comme il y en avait tout le long de la rue, en plastique vert, avec un couvercle cachant mal les ordures qui dépassaient. À cette heure tardive, le coin était calme. Quelques voitures et de rares piétons, le visage vide, se hâtant de rentrer chez eux. La 115e Rue était une des plus dangereuses de Harlem, à cause des gangs de drogués perpétuellement à l’affût de quelques dollars.

L’inspecteur du Narcotic Bureau souffla dans l’oreille de Malko :

— Regardez à côté du porche, à droite.

Malko dut écarquiller les yeux pour apercevoir dans la pénombre, à trente mètres d’eux, une vieille Noire tassée sur elle-même, assise sur une sorte de pliant, un journal sur les genoux.

Elle se trouvait à une dizaine de mètres de la poubelle. Un jeune Noir, avec un gros toupet, était assis sur une borne d’incendie, à moins de trois mètres de la poubelle, jouant avec une vieille balle de golf.

L’inspecteur tira Malko en arrière.

— Attention, ils sont très méfiants. On dirait qu’ils ont un sixième sens.

Jeanie, en civil, avec une jupe noire et un chemisier blanc renchérit :

— Ce serait trop bête. Il va sûrement venir comme tous les soirs.

« Il » c’était Julius West, le drogué qui connaissait les planques des Panthères noires, le seul homme qui puisse aider Malko. Mais, pour cela, il fallait d’abord le prendre avec de la drogue pour faire pression sur lui.

Le carrefour était truqué comme un décor de film. L’immeuble où se trouvait Malko était occupé par les agents du Narcotic Bureau depuis une dizaine de jours, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Pour essayer de remonter une filière de pourvoyeurs de drogue. Mais, ce soir, sur la demande de Malko et de Jeanie, les dispositions étaient un peu différentes. Sur Madison Avenue, une vieille Ford en ruine avec une carrosserie noire rouillée et pleine de trous, était prête à intervenir avec les quatre meilleurs détectives du Narcotic Bureau. Il fallait prendre Julius West.

Un peu partout dans le quartier, des détectives, certains noirs, étaient prêts à intercepter un éventuel fuyard. Avec l’ordre absolu de ne tirer qu’à la dernière extrémité. Mort, Julius West ne servait à rien.

— Regardez, fit le détective derrière Malko.

Ils étaient derrière une fenêtre du second étage de l’immeuble occupé par la police, au coin nord-ouest de Madison, avec vue plongeante sur le carrefour.

Un Noir mal habillé s’était arrêté près de la vieille et bavardait avec elle. Il se pencha et posa quelque chose sur ses genoux. Puis, tranquillement, il alla à la poubelle. Il souleva le couvercle, comme s’il cherchait un objet à récupérer. Il eut beau faire vite, Malko le vit prendre un petit paquet marron et refermer vivement le couvercle.

Puis il se dirigea droit vers le Noir assis sur la borne d’incendie. En passant devant lui, il ouvrit les doigts et on put nettement voir leur contenu. Le Noir ne cessa pas de faire rebondir sa balle de golf et l’homme changea de trottoir, et s’éloigna. Le tout n’avait pas duré vingt secondes.

— C’est bien fait, n’est-ce pas ? dit Jeanie. La vieille encaisse l’argent. Quinze dollars pour une dose d’héroïne. L’acheteur va se servir dans la poubelle qui a été « garnie » auparavant. Le jeune est là pour vérifier qu’il ne prend que ce qu’il a payé. Vous pouvez être sûr qu’il a un rasoir dans la poche. La vieille lui crie quelque chose pour la quantité. Ils ont un code.

C’est beaucoup plus sûr que de se retrouver dans les toilettes d’un bar. Si la police survient, personne n’a de drogue sur soi. Ils jureraient qu’un type poursuivi l’a abandonnée dans la poubelle.

C’est sans parade.

Malko était stupéfait d’une telle organisation. La CIA passait par d’étranges détours. Dire qu’en ce moment l’ambassadeur extraordinaire du Pakistan prononçait un discours fleuve à l’Assemblée générale des Nations Unies pour gagner du temps et permettre à Malko d’arrêter un petit trafiquant qui tenait le sort du vote entre ses mains.

Du moins, si le raisonnement de Malko était correct. Et s’il parvenait à réaliser son plan de contre-attaque.

Combien de délégués étaient-ils en train de trembler pour un membre de leur famille ? L’opération « terreur » avait été bien menée. Le FBI n’avait pas encore recueilli une seule plainte. Quant à David Mugali, il était retourné chez lui, persuadé de ne pas avoir ouvert la bouche. Malko n’arrivait pas à chasser son angoisse. La vie de plusieurs personnes était entre ses mains, même si personne ne lui en demandait compte. Il était certain que David Mugali n’était pas le seul dans son cas.

Il inspecta le carrefour. Une Noire en guenilles discutait avec la vieille. Le manège se renouvela.

Tous les drogués de Harlem allaient défiler. Pourvu que Julius West se montre. Jeanie ne quittait pas la poubelle des yeux une seconde : elle était la seule à pouvoir le reconnaître.

Elle sourit à Malko et il comprit que le facteur humain avait nettement joué en sa faveur. Jeanie devait en avoir assez des coups de gueule de son amant. Sans uniforme, elle était ravissante, avec un corps bien dessiné, un visage expressif et sensuel. Malko lui rendit son sourire.

— Jeanie, vous devriez être cover-girl ou faire du cinéma, au lieu de croupir dans un commissariat de Harlem.

Elle secoua la tête.

— Ce ne sont pas des métiers pour moi. J’aurais honte. Déjà, quand je mets des jupes trop courtes, je ne me sens pas à l’aise. Je n’aime pas que les hommes sifflent sur mon passage. Alors, me mettre toute nue devant un photographe !

— Vous n’avez pas besoin de vous déshabiller pour inspirer le désir, dit galamment Malko.

Elle se détourna sans rien dire, très gênée ; jamais on ne lui avait fait de compliment aussi direct. Au même moment, le détective poussa Malko du coude.

— Tiens, en voilà encore un.

Malko et Jeanie se penchèrent. La jeune Noire tressaillit.

— C’est lui.

Le Noir qui arrivait traînait la jambe et était d’une maigreur squelettique, presque chauve, le visage creusé et vide. Son allure était différente de celles des autres acheteurs. Il regarda autour de lui, avant de s’approcher de la vieille. Quand son regard se posa sur le building où se trouvait Malko, celui-ci s’écarta de la fenêtre instinctivement. Bien que le Noir ne puisse les voir à cause des rideaux.