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— Faites attention, il est dangereux, avertit-il.

— Julius, fit Jeanie, il faut que je te parle.

Julius West leva la tête et dit d’une voix atone :

— Crève salope. Si jamais je te revois hors d’ici, je te sortirai le con du corps et je le ferai bouffer aux chiens. Et ça risque encore de les empoisonner. Fous le camp.

Jeanie fit comme si elle n’avait pas entendu.

— Julius, répéta-t-elle, si tu passes devant le juge, tu vas prendre cinq ans. Tu le sais bien. Ce coup-ci, ils t’ont pris en flagrant délit. Tu connais le juge Riley, il voudrait tous vous voir morts. J’ai un marché à te proposer : si tu nous aides, tu sors d’ici tranquillement et on oubliera même que l’on t’a vu ce soir.

— Ça doit être une belle saloperie, ricana Julius West. Parce que, quand ils te tiennent, ils ne te lâchent pas comme ça. Cause toujours, ça fait passer le temps. Tu m’en voudras pas si je crache…

Jeanie fit signe à Malko. Il prit la parole à son tour.

— Julius dit-il, j’ai besoin de quelqu’un qui connaisse les planques des Panthères noires. C’est une histoire de kidnapping. Des femmes et des enfants sont en danger de mort. Je sais que tu les connais, que tu les ravitailles. Personne ne saura jamais que tu nous a aidés… Mais je dois les trouver avant ce soir.

Julius West leva la tête, une expression d’intense surprise sur le visage. Puis, brusquement, il éclata d’un rire hystérique, se tapant les cuisses avec les mains. Un peu plus il allait se rouler par terre.

— Oh ! man, fit-il, c’est trop drôle ! Mais, pauvre con, si je faisais ça, je serais mort en sortant d’ici et tous les flics de Harlem ne pourraient pas me protéger. Ils me couperaient en morceaux, ils m’étriperaient. Oh ! man, ce que c’est drôle. Il est marrant ton copain, dit-il à Jeanie. T’as rien d’autre pour moi ?

Il fixa Malko, soudain haineux, et ajouta :

— En plus, les Panthères, je les aime. Ce sont les seuls assez gonflés pour descendre des saloperies de flics comme celui qui est dehors. Tu penses pas que je vais travailler contre eux. Maintenant foutez le camp et laissez-moi dormir. Si j’ai pas un avocat demain matin, je vais faire un tel ramdam qu’on m’entendra jusqu’à la Maison-Blanche.

Jeanie fit signe à Malko de ne pas insister. Ils sortirent tous les deux de la cellule. Jeanie se pencha vers le flic de garde.

— On va prendre un hamburger en face. Prévenez-vous quand ça commencera à aller vraiment mal. Et surtout n’appelez pas le toubib. C’est O.K. avec le capitaine.

Elle expliqua à Malko :

— Je connais Julius West. C’est un camé lui aussi. Dans une heure, il va commencer à sentir le manque. La première dose qu’il a achetée était pour lui. Quand il est dans cet état il ferait n’importe quoi pour qu’on lui donne de la drogue. Mais il peut en mourir s’il n’en a pas. C’est un risque à courir. Même comme cela, je ne sais pas s’il acceptera de parler. Les Panthères leur font peur à tous. Le mois dernier, elles ont découpé à la hache un indic qui avait parlé d’eux. Les chevilles ; les genoux, les cuisses, les bras, la tête. Ils ont mis les morceaux dans un sac et déposé le sac chez la femme du gars.

— Espérons, dit Malko.

* * *

On entendait les hurlements depuis le bout du couloir. À vous glacer le sang. Même les autres prisonniers se bouchaient les oreilles. Malko frissonna d’horreur. Le policier qui les reçut était grisâtre.

— J’espère que vous allez le calmer, dit-il. Sinon je vais le flinguer d’ici la fin de la nuit. Je ne suis pas payé pour garder les fous.

Julius hurlait d’une façon ininterrompue, comme un animal qu’on égorge. Jeanie était pâle elle aussi. Elle remarqua :

— Cela a été plus vite que je ne pensais. Il doit être camé à mort maintenant. Pauvre type. Penser qu’il est venu du Tennessee pour vivre à Harlem, pour être heureux.

Ils arrivèrent devant la cellule. Julius était recroquevillé par terre, en boule, secoué de spasmes, hurlant, vomissant, crachant. Quand il entendit du bruit, il se leva brusquement et vint s’accrocher aux barreaux.

Malgré lui, Malko eut un geste de recul. Le Noir bavait comme un chien enragé, les mains agrippées aux barreaux, les yeux fous. Lorsqu’il vit Jeanie, il éructa des injures, puis supplia :

— Jeanie, va me chercher un docteur, vite, je vais crever. Oh ! j’ai mal, j’ai mal partout.

— Tu as réfléchi à ce que je t’ai demandé ?

Julius lui cracha une obscénité.

— Va me chercher un docteur, je te dis. Je vais crever. J’ai besoin d’un shot.

Jeanie ne bougea pas, contemplant la loque humaine. Par endroits la peau de Julius était transparente et on voyait ses veines. Il avait mal partout, comme si des tenailles lui arrachaient des lambeaux de chair. Son cerveau bouillait. Son bras droit piqueté de marques d’aiguilles s’était remis à suppurer. Il partait en morceaux. Plus cela irait, et plus les douleurs augmenteraient. Selon sa résistance, soit le cœur lâcherait, soit il souffrirait encore des heures avant de tomber dans une sorte de coma. Julius savait cela.

— J’irai chercher un docteur si tu nous aides, dit Jeanie. Je te donnerai même ta dose. Je t’ai dit que c’était vraiment important.

Le Noir la regarda comme s’il ne comprenait pas. Puis il eut un long sanglot désespéré et se laissa glisser le long des barreaux sans répondre. Il resta une seconde prostré, puis, se redressant brusquement, se remit à glapir d’une façon si horrible que le garde apparut. Jeanie était verte. Elle crispa sa main dans celle de Malko.

— Il risque de mourir, dit-elle.

Malko maudit la CIA et son métier. Il faisait faire une chose horrible à cette pauvre fille et en plus elle risquait sa vie. Ce n’était pas lui qui restait à Harlem… Julius continuait à hurler, à gémir, à supplier. Réclamant un médecin ou son avocat dans ses moments de lucidité.

— Attendons encore un peu, demanda Malko.

Il s’éloigna avec Jeanie. Julius n’était pas encore mûr. Il fallait encore une heure. Ils redescendirent à la petite cafétéria. Mais, cette fois, commandèrent deux J and B, sans se consulter, sans eau.

Le garde vint les chercher, affolé, un quart d’heure plus tard.

— Venez vite, il va crever.

Ils remontèrent à toute vitesse.

Effectivement, Julius râlait, étendu sur le bat-flanc. Jeanie secoua la tête sombrement.

— Il risque un accident cardiaque.

— Que peut-on faire ? demanda Malko.

— Lui donner de l’héroïne. Son organisme est complètement pourri.

Julius ne criait plus. Il ouvrit des yeux glauques et reconnut Jeanie. Celle-ci détourna la tête. Malko ne savait plus où se mettre. Cet homme allait mourir à cause de lui. Il ouvrit la bouche pour dire à Jeanie de lui donner ce qu’il réclamait pour ne plus le voir comme cela.

— Tu me jures que tu ne diras rien ? demanda Julius d’une voix mourante à Jeanie.

— Juré.

— Qu’est-ce que tu veux savoir ?

Elle le lui expliqua. Il secoua la tête. Essaya de parler. Elle dut lui tenir la tête.

— Il n’y a qu’un seul endroit où ils peuvent les avoir mis, dit-il. Leur quartier général pour Harlem nord. Mais je suis obligé de vous y conduire, dit-il. Sinon, ils ne vous ouvriront pas.

— On te protégera, assura Jeanie. Ils ne te verront pas.

Julius eut une grimace de souffrance.

— Ça ne fait rien, j’ai trop mal. Faites-moi vite une piqûre. On ira ensuite.

Jeanie sortit de la cellule et revint immédiatement avec un des paquets confisqués, une seringue, de l’eau. Elle fit dissoudre elle-même la poudre blanche.