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— T’es seul ? fit la voix.

Pris de court, Julius ne répondit pas tout de suite, puis avoua :

— J’ai une petite sœur avec moi. Vaut mieux que tu la connaisses parce qu’elle va faire la tournée.

— Va te faire foutre, fit la voix. J’aime pas ça.

— Tu me connais, fit Julius. Y a pas de pépin.

Encore un silence long comme l’éternité. Puis la voix fit à regret :

— Bouge pas, j’ouvre. Reste bien face de la porte.

Il y eut des grincements puis la porte de bois s’entrouvrit. Jeanie vit le double canon d’un fusil de chasse scié. Une main noire attira Julius à l’intérieur et elle le suivit. D’abord, elle ne distingua rien dans la pénombre. Puis elle vit à la lueur d’une lampe de poche voilée d’une toile un grand Noir torse nu, vêtu d’un pantalon de flanelle gris braquant sur elle le fusil de chasse.

Julius était grisâtre. L’autre tendit la main.

— Tu as la came ?

Derrière lui, il y avait un escalier de bois. Le rez-de-chaussée était vide.

— Tu as le pognon ?

Le Noir dévisageait Jeanie avec attention. Julius sortit de sa poche trois sachets, mais le Noir les ignora.

— C’est gentil d’avoir amené une petite sœur, fit-il.

Il se rapprocha de l’escalier et appela :

— Harris.

L’escalier craqua, et quelques secondes plus tard un autre Noir apparut. Il ne devait avoir qu’une vingtaine d’années. Le premier Noir désigna Jeanie du bout de son fusil.

— Julius nous apporte un cadeau. Vas-y le premier.

Jeanie poussa un petit cri, recula vers la porte. Le Noir avança rapidement, lui mit le canon du fusil sous le menton.

— Déshabille-toi. Vite.

Jeanie sentit que si elle n’obéissait pas, il allait la tuer. Ses lèvres tremblaient, elle était paralysée, elle n’avait pas pensé à ça. Elle laissa tomber son sac par terre. Pourvu qu’ils ne le fouillent pas. Le jeune Noir s’approcha et fit passer sa robe par-dessus sa tête. Elle se laissa faire. La fusil la menaçait toujours. Elle sentit une main arracher son slip et le faire glisser le long de ses jambes. Dans un coin Julius regardait, terrorisé. Le jeune Noir ne prit pas la peine d’ôter le soutien-gorge de la Noire. D’une poussée, il la fit tomber par terre, sur sa robe. Comme elle cherchait à se relever le Noir au fusil jappa :

— Reste étendue.

Jeanie tremblait de tous ses membres.

— Vas-y, dit le Noir au plus jeune, communie le premier.

Le jeune Noir s’agenouilla sur la robe, ouvrit son blue-jean et s’affala sur Jeanie. Il la pénétra très vite et commença à aller et venir en elle. Ni l’un ni l’autre ne disaient un mot, mais de grosses larmes roulaient sur les joues de Jeanie.

Il poussa un petit grognement de bien-être, puis s’arrêta, se releva et se rajusta.

Jeanie resta prostrée, les jambes ouvertes, les yeux clos. Julius se retenait pour ne pas hurler.

— Va chercher les autres, dit le Noir au fusil. Un par un.

* * *

Une longue limousine vint s’arrêter derrière la voiture où se trouvait Malko. Al Katz et Chris Jones en descendirent et rejoignirent Malko.

— Alors ?

— Elle est entrée depuis cinq minutes, dit-il. Je ne comprends pas.

Les yeux gris de Chris étaient froids comme de l’acier poli.

— S’ils lui font mal, dit-il, je vais tous me les payer.

Al Katz ne tenait pas en place.

— Si dans un quart d’heure, il n’y a rien, donnons l’assaut.

Malko secoua la tête.

— Non. C’est trop dangereux pour Jeanie et les autres. Attendons. Elle ou Julius West va ressortir. On saura ce qui se passe.

Le silence retomba dans la voiture. Le quartier était en état de siège. Avec lui, Al Katz avait amené une cinquantaine d’agents du FBI. Tout ce qu’on avait pu rameuter à cette heure tardive. Deux hélicoptères de la police survolaient le quartier. Six vedettes de la Brigade fluviale bloquaient l’East River, en amont et en aval de la maison. Pratiquement il ne manquait que des bombardiers pour se croire au Vietnam.

Mais tout cela était inutile pour le moment. Malko éleva une prière vers le ciel pour que tout se passe bien. Surtout pour Jeanie.

* * *

Un à un, les cinq noirs qui se trouvaient dans la maison violèrent Jeanie.

Seul, le Noir au fusil n’y avait pas touché. Quand le dernier fut remonté, il s’approcha de Jeanie et lui toucha la hanche du bout de son fusil.

— Tourne-toi.

Elle obéit. Il la fit s’agenouiller, reposant sur ses avant-bras, la tête appuyée par terre. Alors, il se glissa derrière elle et força ses reins. Jeanie cria de désespoir et de douleur.

Le Noir, après une dernière poussée, se rajusta et ramassa son fusil. Il jeta une poignée de billets froissés à Julius West.

— Dis-lui de se rhabiller et foutez le camp. Si tu reviens un jour avec quelqu’un sans prévenir, on vous coupe la gorge à tous les deux.

Julius ramassa les billets et les mit dans sa poche. Jeanie avait déjà remis sa robe et son slip. Son visage était bouffi de larmes. Elle ramassa son sac et, d’un geste très naturel, plongea la main dedans.

Sa main ressortit avec le 38. Pendant une fraction de seconde, le visage épais du Noir au fusil exprima une stupéfaction totale. Puis, il vit que la main de Jeanie ne tremblait pas, que le pistolet était vrai et que la mort allait jaillir de son canon.

La première balle le frappa à la gorge. Le choc le fit reculer et il toussa comme s’il s’étranglait. Une mousse rosâtre surgit sur ses lèvres. Jeanie appuya de nouveau sur la détente. La balle entra entre son œil gauche et son oreille et ressortit avec un jet de sang et des fragments d’os. La lueur de la vie s’éteignit d’un coup dans les yeux du Noir, qui lâcha son fusil et glissa par terre.

* * *

Chris Jones jaillit de la voiture au premier coup de feu, distançant Malko de quelques mètres. Il avait son 45 dans la main droite et son Magnum 457 dans la gauche.

Il sembla à Malko qu’il passait à travers la porte, mais en réalité Jeanie l’ouvrit au moment où il fonçait dessus. Le gorille arriva d’un seul élan au pied de l’escalier. Une voix inquiète l’interpella :

— Julius ?

Jeanie laissa tomber son 38 et se couvrit le visage de ses mains, secouée de sanglots convulsifs.

Chris Jones bondit dans l’escalier, pour se trouver nez à nez avec un jeune Noir en caleçon, une bouteille de bière à la main.

Chris ouvrit le feu des deux mains et le Noir sembla tomber en morceaux. Deux des balles du magnum le coupèrent pratiquement en deux. Une porte claqua et une volée de plombs accueillit Chris sur le palier. Il n’eut que le temps de se jeter à plat ventre. En même temps il y eut un cri de femme.

Un second Noir surgit d’une pièce, un gros automatique noir au poing. Dans sa précipitation, il avait oublié de l’armer. Malko le foudroya à bout portant. Il tomba en avant, la moitié du visage arrachée.

En bas, Julius West se rua dehors et partit en zig-zag à travers la rue.

Les quatre agents du FBI avaient ordre de tirer sur tout ce qui bougeait. L’un d’eux épaula sa trente-trente et vida son chargeur. Julius boula comme un lapin au milieu de l’avenue et resta immobile au centre d’une énorme tache de sang. Au même moment, la porte du centre vola en éclats dans un nuage de poussière. Plusieurs policiers se précipitèrent, protégés par leurs boucliers.

Malko et Chris Jones étaient embusqués sur le palier à côté du Noir qu’il avait tué. À droite. Une porte était fermée, avec plusieurs trous dans le battant. De là, on tirait sur Chris. Les deux autres portes étaient ouvertes et des cris de femme venaient de l’étage en dessous. Malko tapa sur l’épaule du gorille.